(Terminé) L'heure de dîner... (Léo)

Il y a deux jours, ton dernier rapport de recherche sous la férule d'Heinrich Von Talbeim a été remit et, depuis, toi et ton groupe de recherches, vous êtes quelques peu laissé à vous-même. Par contre, le matin, Von Talbeim vous a annoncé qu'un nouveau projet vous attendrait en après-midi.

L'heure du dîner a sonné et ton groupe laisse ses bureaux pour gagner la cafétéria de la section.

Avec un soupir imperceptible Leo déposa sa torche d'acétylène et retira ses lunettes de protection. Il n'aimait pas interrompre ainsi son travail, surtout au beau millieu d'une tâche, mais force était de constater qu'il était affamé. S'il sautait l'heure du dîner ses mains allaient se mettre a trembler et ses soudurent deviendraient imprécises... Chaque fois qu'une situation de se genre se présentait (c'est a dire presque chaque jour) le jeune homme se maudissait de ne pas avoir étudié la biologie pour inventer une manière de se nourrir sans perdre de temps.

Il regarda ses collègues ranger leurs espaces de travail avec divers degrés de zèle en terminant de retirer ses gants et son tablier. Depuis quelques jours maintenant tous et chacun profitais du temps qui leur était alloué pour poursuivre divers projets et recherches personnelles et en conséquence l'atelier était plus chaotique que jamais : véritable terrain de jeu pour des enfants de 20 à 30 ans. Sa propre table était recouverte de débris métaliques et de cylindres pneumatiques et hydroliques. Une sorte de harnais muni d'une extension articulée prenait forme tranquillement, mais l'amas de ferraille restait loins de ressembler a l'image élégante qui apparaissait sur le plan a moitié roulé sur son bureau. Leo haussa une dernière fois les épaules avant de se diriger avec tout le monde vers la cafétéria

La salle était petite, l'équipe du Docteur Von Talbeim n'étant constitué que d'une dizaine de personne tout au plus. Ils se connaissaient tous depuis des années mais avaient quand même fait beaucoup d'efforts pour intégrer le nouveau diplômé parmi eux. A présent il avait même sa place attitré à la table, presque au bout sur la droite. Sans réel presse Leo se mit a manger sa salade en écoutant la conversation que ses collègues avaient commencé le temps qu'il vienne les rejoindre. Il prêtait l'oreille, bien qu'il devinait bien sur quoi le sujet allait tomber...

Les conversations, d'un côté ou de l'autre, faisaient fait des projets qui avançaient. Certains étaient satisfaits de leurs avancements, d'autre s moins. Dans tous les cas, le silence se fit alors que le Docteur Von Talbeim entra. Leur ancien professeur avait une mine tirée, semblant un brin nerveux. Il regarda ses anciens élèves, un sourire de fierté se dessinant sur ses lèvres, et il se permit de parler.

- Bien, vu que je vous ai tous ici, je vais en profiter. J'espère que vos projets avancent bien. Nous sommes ici pour expérimenter et inventer des outils pour l'État. Raison pour laquelle je me dois de vous annoncer que vos projets sont suspendus pendant quelques temps. Ne vous en faites pas, nous ne doutons pas de votre travail, au contraire. Bref... je vais laisser notre invité de marque vous expliquer la situation.

Retournant à l'entrée de la salle, le docteur fit signe à quelqu'un, poliment, qui entra à son tour. Long manteau rouge, masque blanc et or, yeux d'un bleu luisant, totalement couvert... se présenta devant eux Ulrich Stein, abordant toujours un port noble, sans se montrer méprisant. Son regard glacé passa sur toute l'assemblée, puis sembla se fixer sur le mur, derrière eux, de manière à tous les avoir en vue.

- Messieurs, mesdames.

Il fit une courte révérence, puis se redressa, croisant les mains dans son dos.

- Le Docteur Von Talbeim m'a beaucoup vanté votre expertise, votre professionnalisme et votre inventivité. Raison pour laquelle, aujourd'hui, je viens vous offrir un contrat, rien de moins. Plusieurs sections du complexe scientifique auraient besoin d'un certain dispositif, et vous êtes ceux qui seraient le plus en mesure, selon votre ancien professeur, à le construire.

Il fit une pause, voulant laisser le temps à tout le monde d'assimiler ses paroles.

- Nous avons besoin d'un appareil, permettant la manipulation d'objets, ou l'examination de patients, à distance. L'appareil se doit d'être très précis, avec des mouvements calculés. Que ce soit pour opérer un Altéré en quarantaine, faire des ajustements sur un système hautement explosif, ou qu'importe la situation dans laquelle l'utilisateur ne doit pas être en contacte avec son travail.

Il fit une autre pause, pour avoir un genre de gloussement doux, légèrement étouffé par son masque.

- Je ne vous donne aucune information supplémentaire. Je veux voir quelles sont vos limites. Raison pour laquelle vous pouvez former des tandems, mais rien de plus gros. Faites preuve de créativité. Celui qui aura le meilleur prototype gagnera cette épreuve. Des questions?

Il attendit ensuite, toujours dans la même posture, les observant tous un à un, de nouveau.

Leo resta silencieux quelques secondes le temps de bien saisir ce qui se passait... C'était loin d'être une situation habituelle : que l'un des scientifiques les plus connus et respectés du secteur fasse appel à quelqu'un comme Heinrich n'était pas étonnant, mais qu'il décide de passer par l'équipe de ce dernier et même de faire appel a chacun de des membres, individuellement... Était-ce une simple commande? Ou une sorte de test?

Le jeune homme se mordit l'intérieur des joues. Il n'allait avoir droit a aucune information supplémentaire il ne servait donc a rien de demander des spécificités sur le projet. Visiblement penser a tous les détails devait être une partie de cette "épreuve" dont le docteur Stein parlait. Il ne parvenait pas a croire sa bonne fortune, car même si il devait recommencer son appareil du début il allait tout de même commencer avec une longueur d'avance sur ses congénères. Leo leva la main afin d'attirer l'attention et se contenta de demander :

"De combien de temps disposons nous? "

Bien que son visage demeurait neutre il lui était très difficile de contenir l'excitation qui grandissait en lui. Il avait vraiment une occasion unique de faire ses preuves.

Les autres membres de son équipe restèrent muets également. Ils n'en croyaient pas leurs oreilles. Quelques-uns montraient une certaine joie, d'autres quelque chose qui s'apparentait un peu plus à de l'anxiété.

Entendant la question, Ulrich planta son regard glacial sur Leo, le fixant quelques secondes.

- Une question pertinente. Vous disposez de deux semaines et demi. À partir de demain, première heure. C'est assez de temps pour produire un bon prototype, mais pas un produit "complet". À moins que vous n'ayez quelques génis dans votre équipe, docteur?

Il tourna son regard sur Von Talbeim, qui se contenta de lui sourire. Ramenant son attention, une fois de plus, sur le groupe, il s'inclina de nouveau.

- Bien. À moins que vous n'ayez d'autres question, je vais retourner à mes occupations. J'ai hâte de voir ce que vous construirez comme appareil.

Stein tourna les talons, et à moins de se faire interpeller, il sortit.

Le Docteur, lui, évalua ses élèves, rempli de fierté.

- Et bien, je vous souhaite à tous les meilleures chances.

Le jeune homme resta pensif un moment après la sortie d'Ulrich Stein. Il était enthousiaste mais ne pouvais s'empêcher de se questionner sur l'intérêt que les raisons qui poussaient l'homme de science a s'intéresser a leur équipe en particulier. Il se contenta de faire un grand sourire de de bredouiller un "merci" devant le voeux de Von Talbeim. Le reste de l'heure du dîner se passa dans une drôle d'ambiance : tous étaient perdus dans leurs pensée a peaufiner un concept naissant ou a tenter de voir comment briller dans cette épreuve sans nécessairement gagner. Leo n'y échappait pas.

Il revint dans l'atelier en même temps que tout le monde, aussi fébrile que tout le monde. Ils ne pourraient commencer que demain, mais rien n'empêchait de commencer a se préparer. Savoir de quoi on allait avoir besoins très tot permettait d'avoir accès aux matériaux et de commencer a construire plus vite. Pour être fair play Leo n'avait pas l'intention d'utiliser le prototype qu'il avait déjà commencé : il allait utiliser les plans comme base et peut-être récupérer quelques pièces mais il ne tenait pas a avoir l'air d'un tricheur. Après tout, plus qu'un projet de recherche il s'agissait d'une compétition non? Après avoir dégagé son établis et retroussé ses manches, le jeune homme étala son plan devant lui et mit au travail.

Le bras devait pouvoir servir plusieurs desseins aussi fallait-il que son concept soit modulable, adaptable... Ça allait poser plusieurs défis mais ça restait possible si on choisissait la bonne base. Donc... Un ou des Bras mécaniques (disons deux, possiblement trois), attachables a une base pour de la stabilité ou a un harnais pour de la mobilité (le troisième bras serait compliqué a gérer avec un harnais... Donc seulement deux), avec des des tête interchangeables et un matériel hypohalergène (système de fixation universel... Plaquage changeable de titanium ou d'acier innoxidable, dépendant du budget). Les conditions d'utilisation allaient varier énormément, aussi fallait-il aussi pouvoir l'utiliser de plusieurs façons (connexion et interface électronique pour utilisation a distance, mais possibilité de l'utiliser également plus simplement directement du harnais.).

Il passa ainsi plusieurs heure a élaborer un concept, a cibler ses besoins et a dresser des listes de propriétés que son prototype allait devoir présenter ainsi que des moyens qu'il allait utiliser pour les lui donner. Parmis elles certaines (comme l'elaboration d'une interface complexe ou la programmation a distance) n'étaient pas exactement son champ d'expertise. Il allait essayer par lui même mais il était possible qu'il ait a demander de l'aide. Au moins il savait vers qui se tourner le cas échéant.

Au moment de partir, plusieurs affichaient un air confiant et tout autant des mines inquiétes. Après avoir roulé ses plans et rangé son carnet de note (il restait très a l'ancienne sur ses méthodes de travail), il s'approcha d'une jeune femme qui travaillait a quelques tables de lui.

"Hey, Gabrielle. Je peux te parler une minute?"

Il ne voulait pas s'étaler trop longtemps, seulement tâter le terrain. Il savait qu'elle n'aimait pas s'attarder dans l'atelier après la fin de la journée. La programmatrice en face de lui pouvait l'aider mais rien de lui indiquait qu'elle n'avait pas déjà choisis un coéquipier.

"Alors, comment va le projet? J'imagine que tu es déjà bien avancée..."

C'était probablement aussi subtile comme approche qu'un tank expérimental mais il n'était pas connus dans l'équipe pour être un beau parleur..,

Tous, après le repas, s'en tirent aux ébauches, farfelues ou non. Comme Stein l'avait indiqué, la construction commencerait le lendemain, et pas avant.

Gabrielle, jeune humaine aux boucles blondes et yeux bleus, eut un petit sursaut en entendant Léo. Elle l'observa quelques instants, puis eut un sourire timide. Elle avait fait partie des personnes un peu inquiètes par l'annonce.

- En fait... oui et non. J'ai quelques idées, mais je les trouve un peu... simples. Un peu trop. Et puis, il y a une différence entre les programmations simples, et celles qui devraient fonctionner avec un système du genre...

Elle eut un petit soupir, pour se masser les tempes.

- Ça serait un peu les mêmes interfaces que pour un cyborg complet... Bref. Toi, ça avance bien?

Elle lui offrit un autre petit sourire, pour tranquillement se glisser hors de la pièce.

Leo répondit au sourire en suivant Gabrielle vers la sortie. Il ne voulait pas lui imposer sa présence mais ne voulait pas non plus la laisser partir comme ça.

"En fait tu vois, moi, j'ai un peu le problème inverse, Dit-il avec un petit sourire découragé. J'ai des idée qui je crois fonctionneraient très bien mais qui nécessiteraient de l'expertise que je ne possède pas nécessairement..."

Il pencha la tête sur le côté en enfilant son manteau, l'air de dire "si tu vois où je veux en venir". Il savait pertinemment que sa tentative de subtilité devait etre aussi lamentable que la précédente. Il avait l'habitude d'être beaucoup plus direct et pratique, mais il sentait que dans un contexte ou chacun était libre d'aller de son côté ce n'était pas cette attitude qui allait lui permettre d'ajouter une expertise complémentaire a son projet. Il continua de marcher vers la porte en enfilant sa veste.

"J'ai toute les compétences en ingénérie nécessaire pour créer un bras méchanique qui pourrait être utilisé par des commandes directes... Mais pour qu'il puisse vraiment être utile dans des situations de quarantaine ou de manipulations dangereuses ce n'est pas une longueur de bras qui va mettre l'utilisateur en sécurité... Et une télécommande ne serait sans doute pas assez précise pour... Enfin..."

Il soupira, un brin exaspéré de tourner autours du pot. Jugeant son exposition suffisante pour que la proposition ne paraisse pas brusque, il se lança.

"J'ai besoins de quelqu'un pour créer une interface qui permettrait un contrôle a distance, a l'intérieur d'un système fermé ou carrément sans fil. Voir même peut-être une connexion pour qu'un utilisateur cybord puisse utiliser le/les bras indépendamment. Je crois que tu as les compétence pour ça. De mon côté je pense pouvoir t'épargner beaucoup d'effort en te permettant de te concentrer sur ton champs d'expertise."

En poussant la porte menant dans les dédales de corridors de l'Université, Leo ne pût s'empêcher de se demander si ce n'était pas là un projet trop ambitieux mais se ravisa. Mieux valait viser haut pour impressionner Ulrich. Il se rappela soudain que Gabrielle avait le choix de refuser et même de trouver son idée mauvaise aussi se tourna-t-il vers elle avec un sourire, gêné a son tours.

"Qu'est-ce que tu en dis? Intéressée a faire équipe pour la commande du docteur Stein?"

La blondinette l'écouta, saisissant la subtilité un peu maladroite dont il faisait usage. Tout le long, elle ne disait rien, réfléchissant longuement. Peut-être évaluait-elle les bénéfices que lui apporterait une coopération avec Léo. Finalement, marchant maintenant dans les couloirs de l'Université, elle fixa son regard sur son compagnon, l'air concentré.

- Des modules de contrôles sans fil? Impossible. On pourrait faire du filage extensible, par contre. Qui serait stocké dans le boitier de l'appareil. La connexion avec un cyborg serait simple, mais je crois que monsieur Stein aimerait que l'appareil soit accessible aux organiques complets également... Oui, je veux bien faire équipe avec toi. Par contre, les attentes doivent être réalistes!

Elle eut un gloussement, pour regarder les murs de l'Université, qui semblaient saturés de souvenirs.

Leo se frotta l'arrière de la tête avec un sourire embarassé. Il avait toujours eu de la difficulté avec cette partie. Il voyait tellement grand la plupart du temps que cela lui avait joué des tour par le passé. Même si la qualité de son projet lui avait permis de regagner presque tous ses points, par exemple, il avait déjà remis une éolienne expérimentale plus d'une semaine passée la date limite. Il voulait qu'elle soit parfaite... Les murs de l'Université n'étaient pas encore assez loin dans sa mémoire pour causer de la nostalgie, mais il se sentait néanmoins beaucoup plus chez lui en ce moment que n'importe où ailleurs. Il revint vers Gabrielle.

"Je vois ton point... Tout ça restait théorique. Pour le contrôle par des organiques je dois avouer ne pas savoir où en est la division de la biologie avec la lecture des ondes cérébrales. Il me semble avoir entendus parlé d'un prototype... Si on veut que l'utilisateur garde les mains libres ça pourrait etre une option. Qu'est-ce que tu dirais qu'on se rencontre demain afin de comparer nos plans et arriver à un modèle qu'il serait réaliste de compléter avant la date limite? Comme nous avons parfaitement conscience de nos capacités respectives les estimations devraient être plus précises!"

Il tourna un coin et les portes vitrées de l'Université furent enfin en vue. La lumière commençait déjà à tomber, annonçant la fraicheur de la nuit.

"Donc on se retrouve demain?"

Il ressera sa veste sur ses épaules, attendant une réponse. Il savait de son côté qu'il allait probablement passer encore une partie de la soirée a travailler là dessus, mas avec un peu de chance il allait pouvoir laisser ses concepts reposer un peu.

La demoiselle acquiesça, tout sourire. Les idées de Léo l'avait rendu beaucoup plus confiante, et c'était perceptible sur son visage, maintenant décoré d'un doux sourire de soulagement.

- Ça me va. Justement, je crois que monsieur Stein travaille dans l'aile biologique et génétique. Je pourrais passer par son bureau et laisse un message, pour pouvoir lui demander si des avancements ont été faits de ce côté...

Elle rougit un peu, l'air de se trouver un peu stupide.

- ...s'il a le temps, en fait. Mais bon.

Regardant son compagnon de projet, son sourire s'élargit.

- Oui, on se voit demain matin! J'emmène le déjeuner!

Sur ce, elle repartit, se dirigeant joyeusement vers sa maison, visiblement contente.

Leo sortis avec sa camarade et reçus l'air mordant de la nuit en plein visage. Il lui souhaita une bonne soirée, puis se mis en marche vers son appartement, soulagé de pouvoir compter sur quelqu'un possédant une expertise complémentaire a la sienne. Son projet commençait sous les meilleures augures.

L'Université offrait des résidences a ses étudiants et conservait quelques chambres de libres pour ceux qui y travaillaient et ne voulaient pas quitter le secteur. C'était peut-être moins commode ou confortable mais c'était définitivement plus simple que de se taper la route et la congestion chaque matin. Il poussa la porte et entra dans le petit loft qu'il habitait depuis maintenant cinq ans. Les murs étaient couverts de plans ou d'esquisses, son bureau encombré de fils ou de pièces mécaniques et une légère odeur de métal fondu flottait dans l'air. Malgré l'encombrement de la pièce un ordre scrupuleux régnait, jusqu'à la cuisine ou tout était nettoyé et a sa place.

Leo consulta sa montre a gousset (seul héritage de son père qu'il avait tenu a conserver) et hocha la tête pour lui même. Il avait le temps de travailler un peu avant de dormir. Il s'installa donc a son bureau et déplia devant lui les plans qu'il avait commencé cet après-midi. Il corrigea quelques erreur d'innatention et cibla les point dont il allait avoir besoins de discuter avec Gabrielle. La forme de base restait inchangée car il voyait mal comment faire plus efficace qu'une paire de bras articulés et extensible. Il détailla un peu son concept de point d'attache mobile (une simple plate forme amovible avec une tige articulée stabilisatrice sur laquelle les bras reposeraient). Il n'allait probablement pas avoir le temps de le construire mais mieux valait tout prévoir. Il alla se coucher quelques instants après, la tête encore pleine mais satisfait de sa journée.

Il se leva très tôt le lendemain, se prépara et a l'heure convenue se dirigea vers le département qu'occupait l'équipe de Von Talbeim. Il chercha Gabrielle des yeux, impatient de se mettre au travail

Le lendemain, la jeune blondinette était déjà près de la porte d'entrée du complexe scientifique quand Leo arriva. Elle parlait avec la grande silhouette sous un manteau rouge, son visage faisant lui-même compétition avec les habits de Stein. Elle écoutait avec attention, l'air concentrée. Sous son bras, elle avait un gros sac en toile, ayant promis à son compagnon qu'ils déjeuneraient ensembles.

(HRP : j'ai mentionné que Leo avait souvent les yeux dans le vague hein... Bah voilà)

Le jeune homme entra dans la salle d'un mouvement presque robotisé par l'habitude, et se dirigea d'abord a son bureau pour y déposer ses choses avant de chercher Gabrielle des yeux. Il la vit. Elle...

Leo marcha donc rapidement vers sa compagne, le nez plongé dans l'une des esquisses qu'il avait faite la veille. Encore en train de penser au problème de la répartition du poids du bras mécanique, il se contenta de lui poser une main sur l'épaule pour attirer son attention.

"Bon matin! On va devoir se mettre au travail rapidement : j'ai ciblé beaucoup de problèmes dont j'aimerais..."

Au moment où il leva les yeux de sa feuille pour regarde sa collègue toute couleur quitta instantanément son visage. Il avait candidement attrapé l'épaule du Docteur Stein et manifestement interromput la discussion que lui et Gabrielle avaient. Il vira donc du blanc au rouge vif et se mit a bafouiller comme un puceau devant sa première conquête.

"Ho, je... Je suis désolé, je... Je croyais que... Enfin. Je... Bref..."

Puis il se rendit compte que sa main était encore posée sur l'épaule du chef de département. Parfaitement conscient du ridicule dont il était en train de se couvrir, il se contenta de baisser la tête, de retirer lentement sa main et de faire un pas vers l'arrière.

"Désolé... J'espère ne rien avoir interrompu..."

La jeune demoiselle avait continué sa conversation avec son interlocuteur, sans vraiment remarquer Léo. Elle écoutait attentivement les précisions du scientifique, en essayant de tout retenir. L'arrivée abrupte de son compagnon de travail, par contre, sembla figer la scène dans le temps.

Les yeux de Gabrielle s'agrandirent et elle entrouvrit la bouche, totalement interdite. Stein, d'un naturel inexpressif, laissa totalement voir une surprise non-dissimulée dans ses yeux brillants, qui se teinta rapidement, et étrangement, d'une douleur aiguë. Sa seule manifestation orale fut un sifflement, entre ses dents maintenant trop serrées pour laisser échapper une parole. La surprise passée, et avant que Léo aie le temps de retirer sa main, il se décalla sèchement, s'éloignant d'une enjambée, puis papilota des yeux quelques secondes. L'expression de douleur ne les quittait pas, mais il s'était remis de sa surprise. La salle, elle, était plongée dans le silence.

Se rapprochant de Léo, Gabrielle sembla agitée, affreusement gênée aussi. Elle essaya de comprendre les différentes réaction du moment, mais n'y arrivait pas.

- D-désolé monsieur... A-allez-vous bien...?

Elle fit un pas vers l'Élu, qui recula de la même distance, se retrouvant presque contre le mur, tout près de la porte. Les mâchoires encore serrées, sa voix en devenait sifflante.

- Ne me touchez pas. S'il-vous-plaît.

Les personnes présentes regardaient, toutes avec un certain malaise.

Essayer de décrire comment Leo se sentait était complètement inutile. Le rouge avait de nouveau quitté son visage pour refaire place au blanc et une incompréhension totale mêlée a de la panique et de la culpabilité était lisible dans ses yeux (honteusement fixés vers le sol). Son esprit fonctionnait a toute vitesse pour tenter de trouver une solution ou au moins un échappatoire a la situation. Lentement, il prit conscience qu'ils étaient devenus le centre d'intérêt et bien que cela ne fit rien pour l'aider a se sentir mieux la pression sociale lui permit au moins de reprendre un temps sois peu de contrôle de sois.

Il se rapellait les rumeurs maintenant... Il ne pouvait pas faire grand chose mais rester là la bouche béante n'allait pas aider son cas. Lentement il défit la boule dans sa gorge qui l'empêchait de parler et releva les yeux vers sa coéquipière.

"Gabrielle, va lui chercher une chaise s'il te plait..."

Il revint vers Stein, essayant de ne pas trop croiser son regard. Il ne voulait pas que tout le monde l'entende.

"J'ai des anti-inflammatoires avec moi si ça peut aider, sinon je connais la chemin jusqu'au département de médecine, je peux aller chercher de l'aide ou vous y emmener..."

La couleur n'était toujours pas revenue mais sa voix ne tremblait pas. Il se tenait prêt a obéir a l'élu... Il espérait avoir la chance de réparer sa bêtise...

Toute aussi figée que les autres, Gabrielle n'eut pas de réaction immédiate. Aux paroles de Léo, par contre, elle s'exécuta et ramena rapidement un siège pour l'Élu.

Stein, lui, ne s'éloigna pas au rapprochement de Léo. Il ne semblait pas davantage accepter sa proximité, dans tous les cas.

- Je vais m'en sortir, merci. La demoiselle a eu sa réponse. Je vais partir, maintenant. Un accident est rapidement arrivé.

Faisant une révérence à peine visible, il se contenta de sortir, rapidement, évitant de bouger son épaule le plus possible. Là avec sa chaise, Gabrielle semblait en totale confusion.

- …je ne comprends pas. J'espère qu'il ne nous en voudra pas...

Elle eut un soupir, pour regarder son compagnon.

- Mangeons, ensuite au travail. J'ai besoin de me changer les idées!

Leo ne répondit pas immédiatement... Il n'y avait pas grand chose a dire de toute manière. C'était un accident après tout. Un bête accident mais un accident quand même. Du moins c'est ce qu'il se répéta en suivant Gabrielle jusqu'à la table de la cafétéria où deux membres de l'équipe terminaient leur café en silence. Car une pensée ne le quittait pas : les derniers mots prononcés par sa collègue... "J'espère qu'il ne nous en voudra pas.".

Le jeune ingénieur sortis un termos de son sac et le posa sur la table avec deux tasses. Une odeur sucrée et épicée embauma l'air quand il versa une tasse de café a sa collègue. Tentant lui aussi de se changer les idées, Leo essaya d'entamer la conversation.

" De quoi vous parliez toi et Stein? Il t'a répondu a propos des neurotransmetteur?"

Il fit lentement glisser la tasse jusqu'à elle.

"Recette personnelle... Latté a la cardamone."

Il fit beaucoup d'efforts pour ramener son esprit au projet, même s'il savait qu'il allait probablement entendre parler encore de toute cette histoire.

La jeune femme s'installa à table avec lui, le regard vague. Elle était encore nerveuse, mais moins. Juste un peu moins.

- Justement, oui... Il me disait qu'un prototype avait été fait... mais c'est plus ou moins viable. Pour le faire fonctionner, il faut presque le connecter directement aux nerfs, et c'est assez douloureux, semblerait. Il ne veut pas que quelqu'un souffre, alors il conseille d'y aller avec un contrôle manuel.

Elle sortit les différentes choses de son sac. Deux miches de pain rondes, avec le dessus taillé. Elle en offrit une à Léo, pour enlever le "couvercle" de croute de la sienne. Dedans, un genre d'omelette jardinière s'y trouvait. Elle distribua également les fourchettes, en bois, pour sourire devant la tasse.

- Ça sent bon... Merci!

Avec assez d'entrein, elle se mit au déjeuner. Ils devaient être en forme pour la journée intellectuelle qui s'annonçait.

Leo Hocha lentement la tête en prenant une gorgée de son café. Il attaqua le repas avec appétit et complimenta plusieurs fois la cuisinière. Il n'était pas du tout habitué qu'on cuisine pour lui aussi se délecta-t-il autant de l'intention que de l'omelette. Il fit la conversation du mieux qu'il le pouvait, mais la pluspart des sujets s'épuisaient vite et se terminaient généralement dans un silence légèrement inconfortable aussi opta-t-il pour le silence avant de faire fuir définitivement sa partenaire.

Le jeune ingénieur avait toujours éprouvé un peu de difficulté socialement... que ce soit à cause d'accidents comme tout à l'heure ou de manque de tact. Il était trop introvertis pour avoir une réelle conscience de ce que son interlocuteur ressentais et seul le travail d'équipe forcé par le métier qu'il avait choisis le forçait à... disons, s'améliorer. Il termina la dernière bouchée de son pain, termina d'un trait sa tasse de café et se leva de table avec un entrain renouvelé.

"Bon! Au travail maintenant!"

Ils se redirigèrent vers la table de travail de Leo et ce dernier déplia sur la table un plan rudimentaire mais quand même plus travaillé qu'il aurait dut être avec le temps qu'il avait eu. Le tout reposait sur un bras mécanique simple, extensible et mobile. Mais c'était son adaptabilité qui le rendait intéressant : Il pouvait être fixé à virtuellement n'importe quelle base, que ce soit un mur, un harnais ou un robot. Son extrémité était également retenu en place par un système de verrouillage rapide et universel, de manière à pouvoir changer la changer rapidement et simplement. Là tout était possible : pinces, mains, perceuses, torche, lames... Le bras pouvait être utilisé pour virtuellement n'importe quoi.

"... une fois plié leur dimension reste parfaitement transportable, mais une fois pleinement étendu ils peuvent rajouter presque trois mètres de portée avec le bon contrepoids. En ajoutant un placage de titanium on peut avoir des applications autant médicales que militaires. Et avec des joints en caoutchouc ou en silicone ici et là, on arrive à quelque chose de complètement étanche..."

Au niveau des contrôles, Leo avait vut deux possibilités jusqu'à maintenant : le contrôle via télécommande / un système de "reproduction de mouvement" utilisant directement les mains de l'utilisateur, ou un contrôle à distance. La première option permettait une utilisation des bras sans base de contrôle, intuitive, sur le terrain. La deuxième offrait plus de précision et de possibilités. Enfin il restait également l'idée de doter les bras d'une intelligence artificielle pour accomplir certaines tâches préprogrammées...

"... mais je doute qu'on réussisse à élaborer quelque chose de très complexe en deux semaines. On pourrait toujours préparer une "démonstration" pour montrer le potentiel mais je ne crois pas qu'on doive mettre nos efforts là dessus tout de suite."

Leo cessa enfin de s'agiter, comme s'il prenait conscience de la quantité d'information qu'il venait de livrer. Il avait tendance à s'emballer rapidement dans ce genre de projets. Gêné, il leva les yeux vers sa coéquipière.

"Le concept est assez simple, mais c'est vraiment la capacité qu'on aura à le contrôler à distance avec précision et de le programmer d'avance qui fera la différence. C'est surtout là que j'ai besoins de ton savoir et de tes idées parce que je ne sais pas ce qui est réaliste de faire ou d'accomplir avec le temps qu'on a... Qu'en penses-tu? j'ai loupé un aspect? Je vise trop haut?"

Il attendit la réponse, accordant visiblement beaucoup d'importance à ce que Gabrielle allait dire.

Malgré les impressions, Gabrielle participait aux conversations avec intérêt. Ses moments de silence à elle étaient causées par ses réflexions personnelles, qui la plongeait dans un lunatisme non-dissimulé. Elle remerçia pour le breuvage, puis suivit Léo, voulant commencer le travail elle-aussi.

Le plan aussi détaillé la fit hausser un sourcil, mais elle n'en fit pas de cas. Elle observa plutôt attentivement, tout en écoutant les explications et idées de Léo avec intérêt. Elle ne disait rien, d'un naturel silencieux. Toujours, même avec le docteur von Talbeim, elle ne parlait pas. Plutôt, elle assimilait l'information.

Léo demandant finalement l'avis de la blondinette, elle l'observa quelques instants, pour ramener son attention sur le plan, mordillant ses lèvres.

- Soulignons ici que c'est un scientifique qui nous a demandé le projet. Nous ignorons si les Défenseurs vont pouvoir s'en servir, autant pour l'accessibilité ou simplement pour la raison. Considérant, donc, que ce sont les scientifiques, médecins et ingénieurs qui vont l'utiliser, il faudrait plutôt choisir l'option qui favoroserait la précision des travaux. Ce n'est pas grave si c'est avec une manette, ou quoique ce soit du genre. Je veux dire, admettons qu'on réussi à faire fonctionner une interface neurale. Notre invention va devoir être alimentée en énergie quelque part. On va devoir la brancher pour s'en servir. Et imaginons alors qu'une surcharge du système électrique survient encore, au moment de l'utilisation... La surcharge se rend directement à l'utilisateur. Bzout, fini. La manette, il peut la lâcher. Le reste, non... Poser sur un harnais, tout le monde pourrait s'en servir, vu que c'est ajustable. Quelques autres personnes vont préférer l'installer dans des salles de test aussi... Ça nous indique les points à développer. Non?

Elle jeta un oeil à son compagnon, un peu timide. Personne ne lui demandait son avis, habituellement, même si elle ne manquait pas de talent.

L'ingénieur hocha la tête lentement, enregistrant méticuleusement chaque remarque de sa camarade. Les points étaient très pertinents.

"Donc si on veut laisser le champs libre pour l'interface neurale il va falloir trouver un moyen de protéger l'utilisateur en cas de surcharge. Un genre de fusible quoi... Noté. Pour le reste tu as raison : il sera branché une bonne partie du temps pour le contrôle de toute manière. Par contre ça veut dire qu'il sera nécessaire d'élaborer un système pour que le câble ne soit pas trop encombrant..."

Il grifona quelque notes sur son plan en marmonnant pour lui même.

"On peut réduire l'épaisseur du placage ici et là pour perdre un peu de poids et si on ajoute ça..."

Après quelques calculs gribouillés tellement vite que Gabrielle ne pouvait même pas différencier les chiffres entre eux Leo eu un petit sourire.

"Si on utilise les bons matériaux et qu'on se base sur une alimentation externe le bras ne devrait pas peser plus d'une quinzaine de kilos. Avec des stabilisateurs et des capteurs de niveau on devrait avoir quelque chose de très fonctionnel. Et si ils veulent l'utiliser dans des conditions plus... Mobiles l'alimentation ne devrait pas nécessiter une pile ou un générateur énorme "

Il déposa son crayon, satisfait.

"Donc je crois qu'on a un concept solide. Côté réquisition tu as besoins de quoi? Niveau câble/interface et compagnie? Le plus tôt on a les matériaux et le plus tôt on peut commencer!"

Il était manifestement enthousiaste, attendant de connaitre les besoins de Gabriel comme un enfant dressant une liste de cadeau.

Le processus réflectif de Léo fit glousser sa compagne de travail, qui l'observait avec un sourire. Elle regarda les autres groupes. Aucun ne souriait. Certains semblaient coincés dans une concentration profonde, d'autres pris à la gorge par le doute. Mais pas eux. Ça gonflait Gabrielle d'espoir.

- Je vais avoir de beaucoup de filage. Pour le reste... attends.

Elle prit un papier, puis nota une longue liste de différentes composantes. Toutes indiquaient que la jeune femme préférait s'investir dans le côté "contrôle manuel" de leur projet, plutôt que celui avec une interface neurale. Une fois sa liste faite, elle la donna à Léo. Sachant de quoi elle aurait de besoin, elle n'avait pas à noter les composantes de son côté.

- Est-ce que c'est maintenant qu'on tombe dans le côté "visite des boutiques" du projet?

Un rire cristalin lui échappa, et elle le fit arrêté avec une petite toux, rougissant un peu.

Leo sourit a son tour. Il avait remarqué le regard de sa coéquipière et suivait les mêmes conclusions. Il était aussi très soulagé de voir que son enthousiasme était bien placé. Gabrielle avait l'air de savoir ce qu'elle faisait et même si il ne l'avouerait probablement jamais a jeun ça le rassurait beaucoup.

"Je crois que c'est effectivement la prochaine étape! Il va nous falloir passer par Von Talbeim pour obtenir nos formulaires de réquisition j'imagine... Et après on commence."

Chaque fois il sentait monter cette drôle d'excitation et chaque fois il s'étonnait de l'effet que lui procurait le fait de commencer un projet. Concrètement il allait chercher des pièces hydroliques, des transistors, des visses... Mais dans son esprit c'était une longue liste de jouets qui se déroulait devant ses yeux.

Il prit la liste de Gabrielle et y ajouta les pièces qu'il avait ciblé pour son propre plan. La liste ainsi obtenue était impressionnante, mais les composantes restaient faciles a trouver. D'un pas énergique le jeune ingénieur ouvrit la marche jusqu'au bureau du docteur Heinrich.

L'ingénieure acquiesça, heureuse. Elle laissa Léo se préparer, puis l'accompagna, pe suivant silencieusement.

Au bureau du docteur Heinrich, on n'entendait que le silence.