Confronter ses démons (Pv Léo)

Quelques semaines s'étaient écoulées depuis la première journée de travail de l'ingénieur parmis l'équipe d'Ulrich Stein. Tout s'était bien passé, malgré que le voile fut soulevé sur le sujet de la santé de l'Élu. L'équipe de ce dernier n'avaient pas de froid avec le duo d'ingénieur et continuait de les accueillir avec toujours cette même bonhommie. Exactement quantre fois, même, ils avaient eu le droit à la visite d'un Matthew lunatique, qui se rendait compte de son erreur de destination une fois la porte passée et qui repartait sans plus les déranger.

Dans le cas d'Ulrich, il ne laissait pas deviner s'il était au courant que les ingénieurs connaissaient son secret. Si c'était le cas, il n'en parlait pas du tout. À quelques occasions, surtout sur les heures de dîner, ils avaient encore entendu les quintes de toux douloureuses de l'Élu, mais jamais la chose n'avait semblé "dangereuse" pour sa santé.

Les jours s'étaient donc écoulés, et avec leur passage, le Brachium avait été retravaillé. L'interface pour cyborg de Gabrielle avait simplement besoin de test, maintenant. Même, ils avaient pu s'avancer sur le projet personnel de cette dernière. Tout semblait donc aller pour le mieux dans la vie des ingénieurs, malgré l'arrivée de la toute première neige de l'État.

Du moins, en apparence, tout semblait parfait.

Du moins en apparence…

Malgré tout ce que tout le monde connaissait à propos de Leo (et ce qu’il croyait lui-même savoir de lui-même), La routine prévisible et bien ordonnée des dernières semaines lui avait mis les nerfs à vif. Vivre ainsi dans une paix totale alors qu’il avait l’impression qu’une épée de Damoclès pendait juste au-dessus de sa tête ne faisait qu’exacerber son sentiment que quelque chose ne tournait pas rond. Les avertissements de Pipes, la découverte de nouvelles espèces, même de nouvelles espèces intelligentes, ce problème de cyborg, la montée des puristes, la discussion entendue à la dérobée chez Hexus… Tous les évènements des dernières semaines formaient une sorte de tourbillon sans fin dans l’esprit du jeune homme. Quels éléments étaient connectés? Lesquels n’étaient que le fruit du hasard ou du chao naturel qui régnait dans une ville de cette taille?

Cela faisait maintenant une bonne semaine que le sommeil avait quitté Leo. Malgré les sourires et le travail qui demeurait fait avec le même degré de professionnalisme (travailler sur le brachium était bien la seule chose qui permettait à l’ingénieur de se vider la tête), le teint du jeune homme devenait plus pâle avec le temps et de profondes cernes commençaient à se creuser sous ses yeux juvéniles. Il prétextait un petit rhume et des histoires de voisins bruyants pour écarter les soucis de ses collègues.

Après une première nuit complète sans sommeil et une journée à l’académie ou il avait failli renverser des métaux en fusion à cause de la fatigue… il arriva à la conclusion qu’il lui fallait des réponses. Il pouvait continuer de formuler des hypothèses autant qu’il le voulait, il n’allait pas retrouver un semblant de repos tant qu’il n’aurait pas quelques réponses pour contenter son esprit.

Il lui fallait trouver Pipes. S’il n’était pas la source de tout ce qui se passait actuellement dans la cité il devait au moins être au courant de certaines choses. Mais par où commencer ses recherches? Il était très peu probable qu’il réussisse là où tous les défenseurs de la cité avaient échoués. Il ne lui restait plus qu’à essayer de le contacter… d’organiser une rencontre. Cela faisait maintenant quelques jours que l’ingénieur faisait de grands détours pour repasser par la ruelle où il avait croisé pour la première fois la mystérieuse silhouette. Mais jusqu’à maintenant, aucune chance. Il avait dit qu’il connaissait bien le secteur des sciences… et il surveillait étroitement Ulrich. Toutefois vu la réaction de l’élu lorsqu’il lui avait parlé de Pipes il doutait qu’il soit coopératif si il lui parlait de ce dernier, surtout avec l’intention de le rencontrer.

Hexus? Pipes avait après tout sut qu’il était allé dans sa boutique… peut-être surveillait-il également l’altéré? C’était peut-être un préjugé très facile mais le jeune ingénieur serait loin d’être surpris que le marchand soit mêlé à toute cette affaire… Il ne lui restait plus qu’à se trouver un prétexte pour se rendre au « fatalité et curiosité ».

C’est donc une heure avant l’heure de fermeture officielle de la boutique et avec une bonne partie de son salaire en poche et un pas qu’il voulait décontracté que le jeune homme se rendit devant la porte du magasin.

Les rues, pas simplement à cause de l'heure, étaient désertes à cette heure. La nouvelle neige, petit fléau pourtant si beau à regarder, rendait la chaussée légèrement glissante. Le pire, par contre, restait le froid. Il traversait les habits légers et mordait la chair comme un petit animal sauvage et affamé. Léo était donc seul dans la rue, accompagné par le son d'un vent sifflant entre les différentes échoppes. Quelques flocons tombaient, ça et là, dans une avers des plus diffuse.

Le "Fatalité et Curiosité" était ouvert malgré tout, mais semblait désert de tout client. Probablement que la température avait découragé la plupart. La boutique était donc déserte. Les quelques lampes à l'huile qui éclairaient l'endroit semblaient fragiles dans ce froid. Surtout, le vent semblait passer entre les planches qui formaient les murs, faisant danser les flammes. La chose donnait une ambiance un peu glauque à l'endroit, empiré par les gargouillements étranges qui emplissaient la boutique.

Hexus n'était pas derrière son comptoir, mais il semblait pourtant bien là. Un livre encore ouvert reposait sur le bois, éternellement marqué par ses griffes. Quelques gouttes rouges, fraîches, tachaient le papier et le bois, puis continuait sur le plancher, menant jusque dans l'arrière boutique. Si le marchand était quelque part, ce serait sans contredit là, d'où provenaient également les gargouillements.

Leo entra dans la boutique en grelottant, espérant en vain que se mettre à l’abri du vent le sauverait de ce froid mordant. Son manteau lui offrait une protection très relative contre les éléments et sa maigre stature n’offrait absolument aucune isolation naturelle. C’est donc en se frottant les doigts pour y faire circuler un peu de sang qu’il se dirigea vers le comptoir de l’altéré.

"Bonjour! Heummm… il y a quelqu’un? Monsieur Hexus?"

Les oreilles du jeune ingénieur chauffaient douloureusement à cause du froid, ce n’est donc que graduellement qu’il commença à entendre les étranges sons qui émanaient de l’arrière-boutique. D’abord inquiet, Leo se résonna autant qu’il le put. Hexus était visiblement en état de douleur permanente. Il n’avait sans doute aucune envie de rester à faire le pied de grue devant son comptoir en attendant des clients potentiels. Leo se contenta donc de se racler la gorge afin de retrouver une voix un peu plus ferme.

"Monsieur? J’ai… j’aimerais savoir si vous avez stock une pièce dont… enfin… j’aurais besoins de votre aide. "

L’ingénieur attendit encore un peu, incertain si dépasser le comptoir était une bonne idée ou non. Hexus avait, après tout, griffé un élu il y a peu...

Les bruits restèrent les seuls accompagnateurs de Léo pendant quelques instants. Soudainement, un grognement entre les gargouillements se fit entendre, suivit d'un bruissement, puis d'un son de griffes contre le bois, et finalement de quelque chose qui heurte le sol. Un autre grognement, plaintif celui-là, résonna dans la boutique, mais personne ne se présenta.

- ...quelles pièces... peut bien vouloir quelqu'un... par ce temps de chien, hein?!
De tous les jours... il faut que ça tombe aujourd'hui...!

La voix, comme toujours, était cassante, mais aussi plaintive, en ce jour de neige. Léo put entendre un certain effort, un autre grognement, puis finalement voir la silhouette du marchand dans le cadre de porte menant à l'arrière boutique. Il semblait fragile, instable, et du sang coulait entre ses dents visiblement coupantes. Ses yeux étaient injectés de sang... mais celui aveugle semblait être habité d'une lueur bleuté étrange.

- ...l'ingénieur qui revient... encore... Hugh... Qu'est-ce que tu veux?

Il ne semblait pas fâché, simplement en douleur et... blasé? Las? Fatigué, dans tous les cas.

Leo resta, comme à son habitude, parfaitement calme devant un spectacle qui aurait pu en faire trembler plus d’un. L’altéré était pour le moins terrifiant et pourtant… tout ce qu’il arrivait à voir était l’être, conscient et visiblement souffrant qui habitait ce corps.

La chaleur des lampes était très relative mais au moins avaient-elles permis à l’ingénieur d’arrêter de claquer des dents et à la neige encore présente dans ses cheveux de fondre. Il sera son sac contre lui, rassemblant son courage et essayant d’avoir l’air naturel. Il avait avant toute chose besoins d’un alibi.

"Je suis désolé de vous déranger… je vous jure que je serais bref. Je… euh… j’aurais besoins de savoir si vous disposez d’un régulateur hydraulique. Le plus petit et léger possible. J’ai fait le tours de mes contacts mais le mieux que j’ai pu trouver pèse presqu’une demi-tonne… J’ai… trouvé des croquis de machines assez anciennes qui utilisaient des tubes hydrauliques pour du travail de haute précision."

Et voilà. Si Hexus avait réellement ce régulateur il allait sauver un temps incroyable sur la brachium. Sinon il avait un plan B mais préférait de loin sa première option. D’abord un achat… ensuite une question.

Le marchand l'observa, longuement, semblant à la fois confus d'encore le voir là, mais aussi agacé. Sous la demande, il baissa la tête un peu, faisant goutter le sang sur le sol, puis eut un soupir, long et sifflant, comme plaintif.

- ...un régulateur hydraulique... pour l'ingénieur qui revient... Je vais regarder si j'en ai un...

D'un pas traînant, et en rien motivé, l'Altéré retourna dans son arrière boutique. Il sembla y botter quelque chose, eut un geignement plaintif, puis farfouilla visiblement dans plusieurs choses. Un grincement de bois ici, quelques bruits métalliques par là, même des gonds rouillés qui pivotaient. Quelques pas descendant des escaliers de bois, un silence de quelques minutes, puis les même pas qui remontent, mais titubent également. Hexus revint donc, avec une boite grosse comme un panier de fruits sous le bras, qu'il déposa sur son comptoir. Il semblait tremblant, le pauvre.

- ...j'en ai un... petit, compacte... résistant... Il échappa un autre grognement et plaqua une main contre sa tempe gauche, comme s'il était pris d'une migraine, tout d'un coup. ...c-combien... tu es prêt à mettre...?

Son souffle était court, et ses yeux presque totalement rouges. Quelques vaisseaux sanguins dans ces derniers éclatèrent même sous les yeux de Léo.

Le jeune resta un moment interdit, puis se ressaisit rapidement. Dans l’état où Hexus se trouvait, mieux valait ne pas trop perdre de temps, ne pas user sa patience.

"Est-ce que trois cents gelds suffiraient? "

L’ingénieur ponctua son offre en ouvrant son sac pour en sortir une poche en tissus remplis d’argent. Il s’agissait d’une partie de ses économies, rendues possibles grâce à son augmentation depuis qu’il travaillait pour Stein. S’il se fiait à ses derniers achats, cela risquait d’être beaucoup plus que nécessaire. Avant de laisser le temps à hexus de digérer l’information, le jeune ingénieur passa à l'attaque.

"J’aurais aussi besoins d’un petit service. Rien de très complexe."

Leo se rappelait la réaction d’Hexus lorsque Moulthy avait tenté de passer un marcher… aussi tenta-t-il d’être plus direct que ce dernier. La bourse encore bien en main, le jeune homme planta son regard dans celui de l’altéré.

"J’ai besoins d’entrer en contact avec Pipes. Le plus tôt possible. C’est au sujet de Sokolov. "

Qu’hexus soit au courant ou pas, il était sûr qu’ainsi, il aurait l’attention de celui qu’il voulait contacter. Si Sokolov travaillait bien dans le domaine que Leo soupçonnait, il aurait peut-être même le support de l'altété en invoquant cette raison. L’ingénieur posa la bourse sur le comptoir, sans toutefois la lâcher.

Le prix assez élevé sembla rendre le marchand légèrement confus, comme s'il était habitué de faire la surenchère, et pas la subir. Il fixa Léo quelques instants, incertain, mais n'eut pas le temps de répondre que le jeune homme continuait sur sa lancé. Son teint devint alors livide, et il secoua la tête presque férocement, la saisissant ensuite à deux mains.

- ...lui?! Pourquoi lui...?! hugh... parler de lui... c'est douloureux... Qu'est-ce... que tu lui veux?!

Son état sembla empirer, tout d'un coup, et il faillit perdre pied. Son oeil aveugle, lui, brillait d'une lueur bleue vive maintenant, ajoutant à l'étrangeté de la chose.

- ....S-Sokolov... qu'est-ce qu'il a encore fait... Ma tête... elle va exploser...! L-les usines... la bâtisse près du seul arbre décrépit... HUGH!!! ...les tuyaux...

Sa douleur se teinta brusquement d'agressivité, et il se détourna de son comptoir tout en tremblant. Sa respiration faisait un bruit des plus désagréable et sa voix sembla encore plus horrible qu'à son habitude.

- ...p-pourquoi...je dis ça!!! POURQUOI!!!

Il tomba finalement à genoux et se mit à chigner, finissant en boule sur le sol.

Leo avait observé toute la scène sans broncher, enregistrant le moindre détail. Hexus était sans aucun doute une pièce importante, ou du moins un point pivot de tout ce qui se passait en ce moment, il ne fallait rien manquer. La lueur bleue, le fait qu’il savait manifestement très bien de quoi il parlait… et le fait que tout ce qu’il venait de révéler n’avait peut-être pas été fait de manière volontaire. L'équipe de stein avait parlé d'altération et de bioméchanique...

Lors de la brusque montée d’agressivité d’Hexus le jeune ingénieur avait subitement fait un pas en arrière tout en agrippant fermement quelque chose pendant à sa ceinture. Lorsque ce dernier tomba lamentablement à genoux, Leo se détendit. Il avait ce qu’il était venu chercher et il était grand temps de partir. Il déposa le sac contenant les Gelds sur le comptoir et sortis de son sac une petite bouteille à moitié remplie de pilules qu’il déposa juste à côté. Il s’agissait des antidouleurs que les médecins lui avaient donnés pour son nez, après sa rencontre mouvementée avec Artemis. Il n’en avait presque pas eu besoins et même si ils n’étaient peut-être pas assez fort pour ce que le pauvre altéré subissait en ce moment, peut-être que ça l’aiderait un peu.

"Merci de votre aide Hexus… Je vous laisse tranquille maintenant. Prenez soins de vous."

Les mots étaient inutiles… Le jeune homme doutait même qu’on l’ait entendu. Aussi prit-il le régulateur sous son bras et quitta-t-il la boutique.

Le froid mordant qui régnait sur Sicherheit rapella aussitôt à l’ingénieur qu’il avait probablement choisis la pire journée pour faire avancer son enquête. La neige rendait sa progression difficile, et c’est bien vite que toute trace de chaleur le quitta alors qu’il avançait lentement vers le quartier industriel. Il était à la recherche d’un arbre décrépit… de tuyaux… il continua d’avancer, forçant ses orteils gelés à fonctionner a grand coup de volonté. Il connaissait un endroit où quelques usines abandonnées reposaient (un site de test potentiel pour ses invention qu’un ami lui avait conseillé.). Peut-être trouverait-il l’arbre en question dans ce secteur?

Le marchand resta au sol, à chigner et à geindre. Il semblait incapable de se remettre debout, ni même de simplement bouger de là. Léo put donc partir sans se faire intercepter d'aucune manière, entendant encore les plaintes du marchand.

Le froid accueillit Léo à l'extérieur, dans son emprise gelée et mordante. Personne ne se promenait ce soir. Quelques Défenseurs étaient visibles, de temps en temps, mais assez rare. L'ingénieur était donc seul dans la neige.

Les silhouettes se profilèrent au loin, dessinant la forme des usines sur l'horizon. Quelques lumières étaient encore visibles. À partir de ces heures, les équipes de travail étaient diminuées de moitié. L'éclairage laissait à désirer, mais l'arbre décrépit serait facile à trouver avec un minimum de recherche.

Le régulateur commençait à peser sous son bras de plus en plus engourdis par le froid, mais Leo n’allait pas abandonner en si bon chemin. Il s’était préparé en conséquence : une lampe de poche, de quoi manger et sa lampe à l’huile attendait à l’intérieur de son sac qu’on ait besoins d’eux.

Il allait y mettre le temps et les efforts qu’il fallait, mais l’ingénieur allait trouver l’arbre dont Hexus lui avait parlé. Si le froid devenait trop incommodant il lui suffirait de trouver un coin pour allumer sa lampe et se réchauffer un peu.

La recherche de Léo prit une vingtaine de minutes, tout au plus. L'arbre en question était facile à repérer, ce qui était assez surprenant. Là où l'ingénieur savait qu'il trouverait des tuyaux, par contre, les autres citoyens ne voyaient qu'un bâtiment comme un autre, et un arbre en mauvaise santé. Si on ne savait pas pourquoi on venait, en somme, on ne trouvait pas ce que l'on recherchait.

L'arbre se dressait donc devant Léo, dans son allure décrépit. Tout près de lui, un bâtiment d'entretient se trouvait, fait de briques brunâtres. Le vent se mit à souffler un peu plus, faisant résonner un son assez particulier: celui de l'air qui entre dans des tuyaux à découverts. Ils étaient rouillés, et au nombre de trois, mais ils étaient là. Les indications d'Hexus étaient donc vraies jusqu'à maintenant. Ne restait plus qu'à parler des lesdits tuyaux pour savoir si toute cette histoire était vraie.

Le jeune ingénieur s’approcha donc de la structure. Deux des tuyaux ressemblaient à des tuyeaux de plomberie… non seulement il aurait été difficile de s’y faufiler mais en plus les probabilités qu’ils aboutissent à un lieu qui pourrait servir de lieu de rencontre étaient plutôt mince. Le troisième, par contre… Leo s’en approcha afin de s’assurer qu’il s’agissait bien d’une sorte de canalisation. Un ancien système d’égout peut-être? Quoi qu’il en soit c’était la piste la plus prometteuse.

Leo s’arma donc de son courage, laissa son régulateur à l’entrée du tuyau (à l’abris des éléments… il passerait le récupérer plus tard) et sortis sa lampe de poche. Le faisceau lumineux était puissant (l’ingénieur avait construit cette lampe lui-même) et éclairerait son chemin. A défaut de voir la cachette de Pipes, cela lui éviterais au moins de piler sur un vieux clou rouillé. Il se mit en route, pénétran dans la pénombre du mystérieux canal.

Le tuyau de canalisation était extrêmement étroit, même avec la carrure assez svelte de Léo. S'y glisser se retrouva donc difficile, mais tout de même faisable. Il eut une petite descente de quelques pieds, puis se retrouva dans la pénombre humide de la canalisation. Il devait s'y aventuré en était penché, ne pouvant le faire debout. Devant lui se trouvait poussière gorgée d'eau, morceaux de roches qui s'étaient décrochées du plafond, mais étrangement, quelque filages, qui rejoignaient la canalisation, à peine quelques mètre plus loin que l'entrée. Les lieux semblaient vieux, datant probablement de la fondation du secteur des industries, et abandonné de tous... à première vue. Les fils prouvaient pourtant le contraire, semblant assez récent. Il n'y avait, par contre, aucune trace de pas. Simplement l'ingénieur seul dans ces ténèbres, avec le son omniprésent des usines, non loin. Également, quelques grincements se faisaient entendre, de temps à autres.

Léo put avancer une dizaine de minutes encore avant de finalement déboucher sur un tunnel, beaucoup plus grand. Il pouvait s'y tenir debout sans problème. Même, quelqu'un d'aussi grand et large qu'Enzo n'aurait pas eu de difficulté à se mouvoir dans ce genre d'endroit. Comment un tel tunnel était-il passé inaperçu? Probablement que le jeune homme avait descendu une pente douce, pendant toute son exploration dans la conduite, et qu'il était beaucoup plus profond sous terre qu'il le pensait initialement. Dans tous les cas, le tunnel était grand. On pouvait deviner qu'il était le lointain souvenir d'une ancienne mine, ou bien alors d'une usine. L'endroit semblait solide, dans tous les cas. Le sol était lisse, dans une pierre grise foncée. Le long des murs, accrochés à la hauteur d'homme, d'imposants tubes d'un genre de caoutchouc étaient fixée, semblant contenir encore plus de fils. La quantité d'énergie électrique qui devait y circuler devait être assez importante pour alimenter un quartier au grand complet.

Le tunnel semblait interminable, et toujours plongé dans les ténèbres, on n'en voyait pas la fin. Les pas de Léo résonnaient en écho, émettant le son de la pierre et du sable sous les bottes. Sous terre, il faisait au moins chaud, et le froid avait quitté le jeune homme.

- Qui s'aventure donc dans ces vieux sous-terrains? Mon cher, il est plus avisé de s'annoncer que de risquer de se faire attaquer par le prédateur des lieux. Non?

La voix, indubitablement celle de Pipes, semblait provenir de partout autour de Léo. On ne pouvait trouver sa provenance, les échos étant trop importants pour le faire.

Cette voix, toujours si difficile à cerner, glaça le sang du pauvre ingénieur déjà relativement nerveux. Il n’était pas dans son élément, à explorer ainsi à la lueur blafarde de sa lampe-torche des canalisations plus vieilles que le complexe scientifique lui-même. Et pourtant, la curiosité scientifique qui l’habitait l’empêchait de rebrousser chemin. Comme à son habitude il se raisonna, refusant de se laisser impressionner par les manœuvres théâtrales de son interlocuteur.

"Et il est plus poli de se présenter face à face pour une rencontre que de parler ainsi à quelqu’un qui a bravé le froid pour vous trouver."

Tous ces détours faisaient monter l’irritabilité de Leo, lui rappelant leur première rencontre. Et comme la dernière fois il se forçait à rester courtois et direct. Après tout si il se trouvait là en ce moment c’est que Pipes souhaitait lui parler, sinon il n’aurait jamais trouvé l’entrée de son repaire. Le jeune ingénieur resta donc debout, stoïque, et baissa lentement le faisceau de sa lampe vers le sol. Il savait qu’il ne servait à rien de l’agiter à gauche et à droite : il ne trouverait pas pipes ainsi.

Le silence flotta quelques instants, semblant lourd malgré tout. Puis, un rire grinçant, toujours aussi impersonnel, se fit entendre. Il provenait encore et toujours de partout, sans qu'on puisse savoir d'où exactement.

- Une rencontre... je dirais plutôt une invasion de lieu privé, non? Je vois l'irritabilité que vous causent nos petites conversations, et je m'interroge: pourquoi donc me poursuivre si ce n'est que pour m'haïr un peu plus chaque fois?

Un autre silence perdura, encore quelques instants, assez que les échos s'en furent. Encore, Léo resta seul. Puis, la voix se fit entendre, de nouveau... mais de derrière lui. Presque chuchoté dans son oreille, comme un murmure.

- Une rencontre en face, donc. Allez-y, parlez. Je vous écoute.

Pipes put avoir la satisfaction de sentir Leo se raidir. Un léger picotement dans la nuque l’avait averti d’une présence… mais pas d’aussi près. Leo se retourna lentement, gardant le rayon de sa lampe dardée vers le sol.

"Je ne vous haïs pas... « Mon cher »… Je n’ai simplement pas l’esprit très ouvert aux joutes verbales. Je suis un ingénieur, pas un politicien. "

La mâchoire de Leo se desserra et il prit une grande inspiration. Mieux valait ne pas avoir l’air hostile ni perdre son sang-froid. C’était là des choses qui donneraient beaucoup trop de pouvoir à son interlocuteur.

"Vous saviez que j’arrivais et vous m’avez laissé entrer. J’en déduis donc que le terme « invasion » n’est là qu’une figure de style. Mais passons : j’ai à vous parler, Pipes."

L'apeller ainsi par son nom, du moins celui que l'on lui donnair, fit un drôle d'effet à l’ingénieur. Mais il refusait d’avoir l’air hésitant en cet instant. Son esprit fonctionnait à toute allure pour que ses paroles soient fluides et réfléchies. En cet instant il souhaitait réellement avoir élaboré un semblant de plan avant d’entrer dans le tunnel.

"Je suis, que je le veuille ou non, l’une de vos pièce dans un jeu que je ne saisis absolument pas. Si vous voulez que je remplisse le rôle que vous voulez que je remplisse je vais avoir besoins de réponses. Je n’ai aucune chance si je ne suis pas sur un pied d’égalité avec mes « adversaires ». Vous comprenez? "

La question était rhétorique. La connaissance amène le pouvoir, tout le monde le savait. Et comment Leo pouvait-il avoir une chance de supporter Ulrich si tout le monde en savait plus que lui?

Le raidissement de Léo sembla effectivement plaire à la sombre figure, qui échappa un petit rire, toujours impersonnel. On ne voyait dans la pénombre que ses deux yeux brillants, ou du moins, ceux de son masque. Malgré cette proximité, il restait près de Léo, ne semblant pas réellement dérangé d'être aussi près. Peut-être même se disait-il que l'ingénieur n'aurait jamais le culot, ou le courage, de l'attaquer physiquement.

- Effectivement, je savais que vous viendriez. Je m'attendais à ce que vous suiviez la tradition de mes autres interlocuteurs et que vous parliez dans les tuyaux, par contre... Ceux qui ont le droit à des rencontre aussi... personnelles sont rares.

Il eut un autre petit gloussement, puis tourna les talons, pour simplement se mettre à marcher, tranquillement. Il ne semblait aller nulle part, simplement s'éloigner, puis se rapprocher, tout en l'écoutant. Un peu comme s'il valsait silencieusement avec ses paroles, sans jamais le lâcher du regard.

- Et que voulez-vous savoir exactement? Il y a bon nombre de connaissances en ce bas monde... et toutes ont un prix. Beaucoup sont hors de vos moyens. D'autres sont plus accessibles. Mais lesquelles vous intéressent, je me le demande... Ah, oui, je n'ai pas besoin de vous préciser que vous ne vous rappellerez pas de ces lieux après notre conversation, n'est-ce pas?

une certaine pointe de malice avait été perceptible dans sa voix, maintenant, et il s'était mis totalement face à Léo, à quelques centimètres de lui seulement. L'ingénieur pouvait d'ailleurs sentir une étrange chaleur qui irradiait de sa personne.

Encore une fois l’ingénieur n’offrit pas le plaisir à la silhouette masquée de réagir.

"Je n’ai pas l’habitude de m’adresser à des tuyaux. "

Il resta, droit comme un « i », fermement planté dans le sol. Si ce n’avait pas été de ses cheveux en bataille a cause du vent, il aurait presque eu un air aristocratique. Les faits proférés lui laissaient peu de marge de manœuvre : il l’avait dit lui-même il n’était pas le seul a venir le voir. Soit les lieux changeraient de configuration, soit il userait d’une toxine ou d’une technique pour effacer sa mémoire. Tant pis. Ce n’était pas comme si l’ingénieur planifiait de prendre Pipes par surprise non plus.

"Tant que je me rappelle de cette conversation ça ne posera pas problème. Je détesterais avoir fait tous ce chemin pour rien."

Leo réfléchis. Il refusait les incertitudes que ces conversation couverte et a double sens impliquaient, aussi resta-t-il direct.

"Je veux savoir qui est Sokolov et pourquoi je devrais m’en méfier. Je veux savoir quels dangers cours Ulrich et comment l’en protéger. Je veux savoir quel est la connexion entre Hexus et Ulrich. Et je refuse de croire que toutes ces nouvelles espèces découvertes le soient précisément à ce moment par hasard. Que ce passe-t-il dans Sicherheit qui nécéssite votre présence et votre implication. "

Leo prit une pause. Il savait pertinemment qu’il n’obtiendrait pas de réponse à toutes ses questions, mais il ne servait à rien de cacher des informations à son interlocuteur.  

"Maintenant à vous de me dire votre prix et les réponses que vous avez à m’offrir en échange. Je refuse d’entendre quoi que ce soit avant de savoir ce que ça va me couter."

Le ton était ferme et sans équivoque. Leo n’était pas menaçant, mais il n’hésiterait pas à repartir bredouille plutôt que de signer un pacte qu’il regretterait plus tard.

Pipes l'observa de sa proximité toute invasive, pour peu dire. Il eut un autre gloussement, plus doux, en entendant que l'ingénieur ne parlait pas aux tuyaux, puis recula légèrement, se remettant à son manège de marcher tranquillement.

- Vous vous rappellerez notre conversation, n'ayez crainte. À quoi bon vendre des informations si personne ne s'en rappel...

La silhouette l'écouta ensuite, attentivement malgré qu'elle se déplaçait toujours. À un certain moment, Léo la perdit même de vue, mais la retrouva rapidement, les yeux jaunes se faisant de nouveau voir. Pipes sembla réfléchir, longuement, avant de répondre.

- Pour la question sur ce cher Sokolov, j'exige quelque chose de bien simple:
quelques gouttes de votre sang. Pour celle sur notre bon Élu et tout ce qui a rapport à son état,
je demande à ce que vous me serviez de coursier, pour ce soir. Pour le lien entre Hexus et Stein...vous irez porter une autre lettre pour moi. Pour ce qui est des nouvelles espèces, ou mon implication, vous n'aurez pas les réponses. Si vous les aviez... vous ne repartiriez pas d'ici vivant.

Les yeux jaunes se fixèrent de nouveau sur Léo, et pour une première fois, la silhouette sembla se voûter légèrement. Pipes se remit en marche, lentement, mais cette fois dans une direction bien précise. Il continuait de s'enfoncer dans le tunnel, dans la direction inverse de par laquelle Léo était arrivé. Il fit d'ailleurs signe à l'ingénieur de le suivre et marcha tranquillement, ne semblant pas pressé. Le tunnel laissa bientôt place à une volée d'escaliers, qu'il se mit à descendre tout aussi lentement. Ils s'enfonçaient davantage sous terre et dans une obscurité totale, à travers laquelle le o=sombre personnage semblait pourtant voir à la perfection.

L’ingénieur fronça les sourcils. Avoir une réponse claire et concise de la part de Pipes le surprenait un peu, mais c’était surtout les prix exigés par celui-ci qui le faisait s’interroger. Il n’était pas en position de marchander, il le savait bien… mais il avait la liberté d’accepter ou non les conditions.

Le jeune homme suivit la silhouette devant lui, s’aidant de sa lampe pour arriver à suivre.

"J’accepte de servir de coursier et de transmettre votre lettre sans poser de question. Je refuse de donner mon sang sans savoir ce que vous en ferez par contre. "

Sokolov était un scientifique de l’académie. Il devrait être en mesure de trouver au moins quelques informations sur lui du moment qu’il se donnait la peine de chercher aux bons endroits. Toutes ces histoires d’altération ne lui disaient de plus rien qui vaille quant à sa demande. Pipes ne semblait pas le genre à demander une offre symbolique non plus. Le fait qu’il l’ait présenté comme un geste sans importance mettait également la puce à l’oreille de l’ingénieur.

Pipes continua de descendre les escaliers, à son rythme. Ils s'enfonçaient dans le sol, encore et toujours. Les minutes devinrent rapidement des dizaines de minutes. Il ne semblait pas y avoir de fin à cet escalier. Pourtant, ils l'atteignirent, mais après que Pipes eut parlé.

- Donc, une commission des plus simples, et une lettre. Les deux doivent être livrées ce soir. J'espère que vous êtes équipé contre la magnifique neige. Pour ce qui est du sang... je vais jouer carte sur table: pour être capable de vous sentir la prochaine fois que vous vous approcherez. Tous mes contactes m'ont fait ce don. J'acquièrerai votre odeur de manière permanente. C'est tout aussi simple. Je laisse les tests scientifiques à des gens comme Stein, ou Sokolov.

Ils débouchèrent finalement sur un autre tunnel, semblable à un couloir celui-là. Un glissement se fit entendre une fois le duo sorti des escaliers, et si Léo regarda, il put remarquer qu'un mur venait de glisser pour faire disparaître les marches. C'est alors que quelques lumières, d'un bleu-mauve très étrange, s'allumèrent çà et là, découvrant d'autres imposants filages enrobés de caoutchouc, une peu partout. Au milieu de la pièce qui s'offrait à eux: deux chaises, l'une très imposante et l'autre de bois, ainsi qu'une table. Pipes se dirigea lentement vers la plus grosse des deux, décrocha un bout de filage en passant et sembla se le planter dans le corps tout en s'installant sur sa chaise.

- Donc, première question: Quels dangers menacent Ulrich et comment l'en protéger. Pour commencer, le danger le plus présent reste son corps. Il change, au fil des jours et des heures... Et malheureusement pour lui, les changements peuvent emmener infections, lésions... et la mort, éventuellement. Comment l'en sauver? Il y a une certaine formule qui pourrait être développée. Il sait comment, mais se refuse à le faire. Le pauvre docteur a un trop bon coeur pour vouloir sauver sa propre vie. Les autres dangers... Marco Meyers est une source de danger pour lui. Si le Défenseur le met en prison, Stein meurt. Il ne sera plus à son poste... et ceux qui le supervisent n'auront pas de pitié. Tous ceux qui sont avares d'informations sur les Archivistes sont également un danger pour lui. S'il continu de faire profil bas, tout ira bien. Hexus, s'il le voit,
va probablement le mettre en morceaux. Donc éviter les contactes directes entre les deux serait de mise... Et puis, il y a moi. Mais s'il continu son bon travail, il n'aura rien à craindre.

Pipes fit une pause, sachant que c'était là beaucoup d'informations en peu de temps. Il n'avait pas pris la peine de reprendre son souffle ou de faire d'arrêts dans ses paroles, comme s'il n'en avait pas réellement le besoin.

- Deuxième question: Les liens entre Hexus et Stein... C'est un sujet assez sensible. Voyez-vous, il y a quelques années de cela, avant qu'Ulrich soit élu, et avant -même qu'il soit réellement connu, Hexus s'est porté volontaire pour des tests d'Altération. Sa vie n'était qu'une succession de catastrophe: sa femme tuée par des voleurs de ruelle introuvables, sa fille qui a fugué hors de murs... Il a essayé de se donner la mort, mais n'a pas réussi à s'enlever la vie.
Il a décidé de prendre cette deuxième chance et est donc passé sur les tables d'opérations. S'est alors présenté à lui un homme, blond aux yeux bleus et plein de passion, qui lui a proposé de pousser les tests. "Pour le bien des autres", "pour l'avancement scientifique", disait-il dans sa naïveté. Il disait que leur réussite ferait avancer l'État. Hexus s'est laissé convaincre... et tous deux sont partis sur cette croisade dangereuse et improbable: celle de mélanger la cybernétique avec les altérations. Hexus a donc été le premier sujet de test, sous les mains vigilantes de Stein. Les procédures se sont bien déroulées... mais la formule était fausse. Il y eut une erreur, que le jeune scientifique n'avait pas prévu, et là où Hexus devait dépasser la race humaine... il perdit toute son humanité. Les contrecoups de l'opération furent horribles, le défigurèrent. Ils réussirent à le garder au complexe quelques jours, mais dès qu'il se vit dans un miroir... Hexus disparut. Son vrai nom, lointain souvenir de son temps humain, est à chaque année sur les murs durant les Veillées, et c'est devant son nom que Stein reste le plus longtemps. Donc, leur relation? Stein a gâché la vie d'Hexus en poursuivant des fantômes, et par remords, il a fait les tests sur sa personne, en espérant trouver un moyen de réparer la chose. Malheureusement pour lui... Hexus est de loin une meilleure réussite que sa propre personne.

Pipes se tut et croisa lentement les doigts, semblant maintenant attendre la réaction de l'ingénieur. Il ne le lâchait pas des yeux.

L’ingénieur essaya d’abord d’absorber le maximum de détails possibles… juste au cas où les menaces du sombre individu comporteraient une faille. L’escalier, la disposition des murs, le filage… juste en tentant de suivre tout le courant qui circulaient dans cet endroit il serait sans doute facile pour les défenseurs de localiser Pipes. Enfin, lorsqu’ils pénétrèrent dans la salle, Leo attendit que son interlocuteur se soit assis avant de faire de même sur la chaise qui lui était manifestement destinée.

Il resta silencieux, enregistrant les informations qu’on lui livrait enfin comme un assoiffé. Beaucoup de choses s’éclaircissaient enfin dans l’esprit de Leo et pour la première fois, les nouvelles questions qui apparaissaient avaient une piste de solution concrète. Il sentit un poids s’enlever de ses épaules au rythme des paroles que proférait la voix impersonnelle de son hôte. Pipes était lié d’une manière ou d’une autre à Stein, c’était évident… et même si il n’était peut-être pas conscient de lui avoir donné de réponse, la connexion qu’il venait d’effectuer au système électrique et le port du masque lui donnait une bonne piste de réflexion. Était-il « l’expérience réussie » ? ou bien une autre expérience ratée? Un mélange des deux? Ce qui était maintenant clair c’était qu’il n’avait pas un simple élément de l’intrigue en face de lui, mais le véritable maitre marionnettiste, ou du moins le principal. C’est pourquoi l’idée de lui remettre son sang n’apparaissait plus comme un geste banal à Leo.

Une autre question tourmentait toutefois le jeune ingénieur.

"Pourquoi être apparu en public? Pourquoi causer le chaos si manifestement vous visez un ordre bien précis, selon vos termes? "

Il n’espérait pas jouer au plus fin avec son interlocuteur, il n’était pas assez fou pour le prendre pour un imbécile. Mais il voulait en savoir plus sur lui avant de continuer quoi que ce soit.

Pipes lui laissa tout le temps nécessaire pour assimiler l'information, et même réfléchir. Il resta dans la même position quelques instants, puis sembla s'asseoir de manière plus lâche. Même, un petit soupir lui échappa. Peu importe ce qu'il avait de planté dans le corps, ça semblait lui faire du bien plutôt que de lui faire mal d'une quelconque manière.

Léo sortit alors de son silence, et il se pencha vers l'avant pour l'observer par en-dessous. Ses mains se joignirent de nouveau et il eut un petit gloussement à la question.

- Le meilleur moyen d'empêcher les Élus de faire à leur guise, d'avoir une montée d’ego par rapport à leur pouvoir, est de faire des citoyens des gens informés. Ils savent que des choses se trament, sans savoir quoi, alors ils seront attentifs aux agissements de leurs choisis.
Pourquoi je m'en suis occupé personnellement? Parce que je sais ce qui est à risque d'être perdu si les mêmes erreurs sont commises. La technologie, surtout, doit être surveillée, mais le militarisme également. La corruption marchande, celles des citoyens... tout doit être contrôlé. En semant le doute, non seulement les Élus seront prudents, s'assureront de ne pas faire d'erreurs... mais les citoyens également. Ils ne boiront pas aveuglément les potentiels mensonges de leurs dirigeants.
Ce chaos, comme vous dites, est nécessaire pour le bon fonctionnement. Le peuple ne devrait pas craindre son gouvernement. Le gouvernement devrait craindre son peuple.

Un ronronnement prit naissance, quelque part sous eux, remplissant le silence maintenant tombé d'un son régulier et omniprésent. Pipes n'ajouta rien et se contenta de l'observer, encore.