Rêves sous les étoiles

Après une centaine de mètres au delà de la porte Alexeï arrêta net son petit trot pour se retourner vers les impressionnantes fortifications de la cité. Il avait toujours vécu à l'intérieur de ses murs et il allait les laisser loin dernière lui pour la première fois.

"N’ayez pas peur des ombres. Ils veulent simplement dire qu’il y a une lumière quelque part à proximité....le chemin doit continuer...pour ceux qui sont parti arpenter les plaines immortelles au delà du temps...pour qu'un jour résonne l'écho de leur rancoeur à travers le porteur de l'étoile du soir nouveau. Que leurs voix soient entendus et....que tremble les impurs et les destructeurs de milles merveilles...car au jour de l'aurore il ne servira à rien de leur dire...d'autres m'ont dit d'agir ainsi...car le roi peut décider de nos mouvements....mais nous...nous demeurons seul gardien de nos âmes."

Resserant les sangles de son sac à dos, il se détourna des hauts murs de la ville. Il reprit alors son rythme de marche au côté de Mathias, s'enfonçant peu à peu dans la forêt profonde.

Les murs, assez hauts, portaient les marques du temps et de l'usure. Pas seulement ça: quelques traces d'attaques animales également, à quelques endroits. Griffes, renfoncement dans la structure... Les Guérillas n'étaient pas là pour rien, et chaque entaille, chaque marque de griffe dans le mur le rappelait bien assez bien.

Les deux hommes s'enfoncèrent dans les ombres, le soleil caché par les arbres. Quelques sentiers étaient déjà fait, empruntés par marchands de villages, ailleurs. C'était un fait connu, il y avait des civilisations autres que Sicherheit. Rien d'aussi gros, de ce que les Scavengers savaient, mais il y avait plusieurs villages Orchids et quelques-une Néorithes, quelque part dehors.

Mathias avançait en silence, déjà à l'affût. Même s'ils étaient près des murs, le danger restait présent. Les vieilles empreintes de pattes dans le sol en témoignait. Le Scavenger les examina rapidement, d'ailleurs, puis les délaissa sans s'en soucier d'avantage.

- Une meute de traqueurs. Passée il y a plusieurs jours de ça. Ils ne seront pas un problème. Première règle en sortie: être attentif à ce qui t'entoure. Pas d'histoire de rêve éveillé et de flash de "je ne sais quoi".

Mathias continua d'avancer, d'un bon pas, mais encore une fois, silencieusement.

- Deuxième règle: se déplacer le plus silencieusement possible. Les bêtes sont dangereuses. L'humain l'est encore plus. Il y en a qui ne nous aiment pas trop, dehors...

Son attention resta sur les environs. Quelques aviaigeurs tachetés se mettaient à les suivre, curieux de ce qu'ils étaient, les accompagnant de leurs couleurs vives.

Suivant son aîné de quelques mètres Alexei activa son scanner infrarouge en plus de sa vision "humaine" pour profiter des couleurs et du jeu des lumières de son environnement.
Laissant ses antennes l'informé des sons alentours il pris une posture de marche légèrement accroupi comme à son habitude. N'ayant pas prononcer un mot depuis qu'ils avaient perdu les murailles de vue, il observait et enregistrait chaque fait et geste de l'autre scavengers, se contentent d'un hochement de tête à l'occasion.

En remarquant la présence des petits volatiles multicolores cependant il émit un petit gazouilli.

" Que d'aventures en action....vol et danse le petit pinson".

Mathias tournait la tête de temps à autres, pour s'assurer que son cadet suivait bien. Ils marchèrent quelques heures sur le sentier, puis Mathias biffurqua lorsqu'ils croisèrent un arbre marqué. Ils se mirent à marcher sur le terrain plus inégale de la forêt, devenue encore plus dense. Les sons ambiants étaient relaxants, par contre: chants d'insectes, d'oiseaux, bruit du vent dans les feuilles... D'ailleurs, d'autres aviaigeurs s'ajoutèrent autour d'eux, petites créatures curieuses, leur donnant un avertisseur de danger tout naturel.

Leur marche continua un bon moment. Mathias ne parlait plus du tout, attentif. Il arrêtait de temps à autres, vérifiait des traces sur le sol, jetait un oeil autour. Il était habitué d'être dehors et ça paraissait dans sa manière de se déplacer: silencieusement, fluidement, comme s'il marchait sur une route sans relief.

La nuit approcha rapidement. La forêt dense s'était lentement changé en quelque chose d'un peu plus éparse. Le paysage s'aggrémentait de buissons, d'hautes herbes et d'arbustes. Quelques lucioles s'étaient ajoutées dans le paysage de nuit qui tombait, donnant un petit côté irréel à la scène.

Les Scavengers se trouvèrent un endroit où s'installer pour la nuit. Là, Mathias lui montra commen monter un campement, de manière sécuritaire. Il lui expliqua le principe des tours de garde, ce qu'ils devaient surveiller de nuit, comment bien organiser leurs avoirs... Les Chapardeurs Masqués étaient, après tout, une vraie plaie pour les aventuriers.

Ils se retrouvèrent tous deux autour du feu, donc, la nuit tombée. Mathias avait enlevé son casque et le plus lourd de son équipement, pour mieux dormir. Il mangeait une ration, tranquillement, le regard perdu dans les flammes. Dites flammes qui se reflétaient sur le métal noir de sa cybernétique, bien visible.

- ...alors, jusqu'à maintenant?

Assis en tailleur devant les flammes la tête dressée vers le ciel étoilé. Dissimulé en parti par l'ombre des grands feuillus aux alentours. Alexeï chuchotait une de ses comptines.

"Oranges et citrons, disent les cloches de St Simon... tu me dois cinq centimes.... disent les cloches de St Maxime....".

En entendant la question de Mathias, il fit silence un instant. Puis en baissant lentement la tête il fixa son compagnon, ajoutant la lueur vert bleu de ses yeux lumineux au rougeoiment des flammes.

" Froid peut être le coeur...des voyageurs....loin de leur demeure...mais les flammes réchauffe les esprits...et les coeurs lorsque qu'ensemble sont traversés les épreuves...toujours vers le firmament se tourne le chant des âmes...fort et plein d'espérance.".

Sortant une petite figurine en bois grossièrement taillée, et une petit outil luisant dans la lumière il se mit doucement à travailler le bois, enlevant parfois une petite rognure à l'oeuvre.

" Pour maître Mathias...appréciant la langue claire et précise...et sans âme des gens du monde....jusqu'à maintenant ça va...j'apprends, j'entend, je vois....à chaque pas...pas de sombre périls à venir...mais toujours sur ses gardes...est le guetteur...oui".

LE Scavenger le regarda et eut un air découragé devant la réponse énygmatique de son accompagnateur. Il soupira, mais acquiesça lentement.

- Je vais prendre ça pour un "bien", alors...

Mathias s'étira, longuement, puis obaserva les flammes quelques instants. Il semblait réfléchir, se poser des questions, mais il les gardait pour lui.

- Pour une première sortie, ça commence bien. Reste attentif à tes environs, et tout va bien aller.

Il eut bâillement, fatigué de cette grosse journée de marche. On entendait toujours le son des insectes qui chantaient, mais le chant de oiseaux s'était tut, lui.

En continuant le travail de la petite sculpture de bois Alexeï se replonga dans ses réflexions un moment, appréciant le calme de la forêt par rapport aux nuits mouvementés de la cité.

Puis présentant la petite figurine à Mathias il émit une sorte de soupir.

" Chaque oeuvre à ses défauts....chaque monde à ses dangers....chaque homme à ses mystères....chaque rêves...à ses espoirs oui.".

Remettant et l'oeuvre et l'outil dans une poche de sa veste tactique il fit de nouveau silence.

"Tous ne va jamais bien, chaque chose à son contraire...chaque bien à son mal...toujours il a été, toujours il sera...l'un ne va pas sans l'autre...oui....nous en sommes des exemples...oui".

Mathias observa la petite figurine, qui ne lui inspirait rien pour le moment. Son regard cybernétique, froid tout de même, l'examina par contre, et il eut lui-aussi un soupir.

- Alors... que dirais-tu que j'ai louppé? ton comportement physique était parfait. C'était le mental qui l'Était moins?

L'aîné fixa la pohe dans laquelle le jeune cyborg avait rangé la figurine. Il soupira, murmura quelque chose pour lui-même, puis regarda le ciel. On ne voyait que très peu les étoiles en travers du feuillage, mais on en appercevait tout de même.

- Ne te mets pas trop de poids sur les épaules, petit. Et ne laisse encore moins le souvenir de quelqu'un t'en mettre...Même si tu es l'oeuvre de cette personne, dans toutes ses qualités et ses défauts.

Mathias s'étira, puis se glissa dans son sac de couchage. Ils allaient encore avoir de la route le lendemain, le mieux serait d'être frais et dispo.

Regardant de nouveau son compagnon de route de ses yeux mécaniques, Alexeï laissait dériver ses antennes au gré du vent léger qui traversait leur petit bivouac.

Fixant alors les flammes, il prit un tison brûlant et le laissa rougeoyer dans sa paume de métal.

" La vie et ses horreurs sont comme se tison, on peutn le regarder, l'admirer de loin, il finira toujours par brûler et engendrer les flammes. Mais moi, mon corps et mon esprit ne sont plus fait pour ça....ils sont différents... j'entend, j'écoute, j'apprends, j'agis dans ce monde qui est le miens à présent....mais je ne suis pas fait pour lui, je suis beaucoup trop d'autres choses. La vie comme le tison, peut brûler dans ma main, flamber même dans la nuit du temps...le métal de ma main lui ne ressent rien....et pourtant".

Après un cours silence ou le jeune cyborg resta le regard perdu dans le vide, il reprit soudainement d'un ton joyeux, chantant presque.

" et pourtant....pourtant...je n'aime que toi....et pourtant....pourtant....hahaha jolie chanson...oui".

Mathias l'écouta attentivement et regarda le tison bruler dans sa paume. Il eut un soupir, puis le lui enleva, le prenant dans sa main à lui-aussi, sans se brûler vu sa cybernétique.

- L'enveloppe ne veut rien dire. Tu étais humain de base, tu le reste. Tu n'es pas devenu quelque chose d'autre. Tu n'es pas à part. Ok, ton corps demande rien que celui d'un autre gars, mais certains tueraient pour ça. C'est une force, qui demande encore plus de force à porter... Tu n'es pas à part à cause de ça.

Mathias eut un petit rire, très court, de smi-amusement alors qu'une réflexion qui traversait l'esprit.

- Quand tu auras le temps, va voir Enzo, au complexe scientifique. Il est cyborg complet, comme toi. Il va pouvoir te conseiller.

Le Scavenger se plaça confortablement dans son sac de couchage, puis fit un mouvemen de main à Alexeï.

- Essaie de te relaxer un peu. On part aux premières lueurs, demain.

Restant assis les jambes croisées, Alexeï se laissa tomber dans l'étrange mode veille qui remplaçait son sommeil depuis la perte de son corps. Laissant son regard dériver sur les flammes mourantes, il regarda pendant de longues minutes la danse des braises. Toujours en silence il commença à tracer des dessins sur le sol noirci devant lui alors que la respiration de son compagnon se faisait plus lente et profonde.

Au milieu de son rêve éveiller le souvenir d'une jeune fille durant les fêtes d'automne effleura sa mémoire.
Dans un murmure accompagner seulement de la brise dans les feuilles il récita alors ce qui lui revanait peu à peu.
"Aux premières lueurs du jour
Se murmurer des mots tendres
Si notre moitié dort toujours
Nous saurons bien un peu attendre. 

Aux premières lueurs du jour
Cette lumière dans nos regards
Guide les pas de notre amour
Aide à écrire notre histoire. 

Aux premières lueurs du jour
Explorer les mêmes chemins
Surprendre l'autre au petit jour
Suivre les lignes du destin. 

Aux premières lueurs du jour
Pouvoir se dire je t'aime
Ouvrir son coeur de troubadour
Ecrire les plus beaux poèmes. 

Aux premières lueurs du jour
Ecouter le chant du ruisseau
Lui aussi sait chanter l'amour
Et accueillir les tourtereaux."

Enfin dans un rire léger imperceptible il finit par faire silence et ne bougea plus jusqu'à ce que le ciel prenne doucement une teinte rose orangé.

Durant la nuit, les Scavengers furent accompagnés, subtilement mais assez rapidement tout de même, par de petites bêtes. Des lézards marbrés s'approchèrent du feu et dr Mathias endormi. Deux chapardeurs masqués approchèrent également, petites bêtes curieuses, visiblement intéressés par leurs sacs.

Quand Alexeï se mit à chantonner, par contre, les chapardeurs partirent. Les lézards restèrent, et certains vinrent même se cacher près des jambes du jeune cyborg, cherchant abris et chaleur.

Au petit matin, Mathias bougea un peu. Il eut un grognement, puis ouvrit les yeux. Lâchement, il secoua son sac de couchage, avant d'en sortir; une dizaine de lézards partirent en vitesse de ce fait. Le Scavenger eut tout de même une expression perplexe, puis soupira longuement.

- ...encore un qui va se cacher dans mon linge...

Il entreprit de gigoter un peu, puis sortit la main de son sac, tenant un lézard encore groggy.