Changer le monde, un boulon à la fois. (Alexei, Salomé)

Cette maison était beaucoup trop belle pour sa situation. C’est ce qu’elle s’était toujours dit.

De style asiatique, une architecture moderne et épurée, elle faisait un peu chalet au pied du mont Fuji. À la naissance du petit, ses parents lui offrirent de louer cette acquisition, ne leur étant que peu utile car un peu trop petite à leur goût.

Elle se ramassa donc mère célibataire, dans une maison dont elle seule ne pouvait pas se permettre, avec un atelier privé, un jardin, la belle vie.

Elle l’aimait bien, mais de par son caractère indépendant, elle aurait préféré se débrouiller seule.

Mais voyant le bonheur de son garçon grandir, jouer dans sa salle de jeu, trotter sur la terrasse, elle avait mis son ego de côté et acceptez de demeurer ici, jusqu’à au moins être apte de la racheter ou en trouver une bien à elle.

Aaron dormait depuis 15 minutes, elle s’était fait un thé, une grosse tasse fumante qui trônait sur la table de la terrasse. Elle était assise, les yeux fermés, à attendre que le liquide ne refroidisse un peu. Elle expira et épousseta ses leggings, plein de petits poils blancs de Gros Sel, l’énorme vieux matou blanc qu’elle trainait depuis son adolescence. Il devait ronfler aux côtés de Aaron à cette heure.

Alexei regardait la maison depuis les hauteurs d'un arbre adjacent. Les rues du secteur des habitations étant bonder à cette heure, il avait préféré courir de toit en toit pour faciliter le chemin et gagner du temps. Il était maintenant accroché a l'un des feuillus qui bordait la toiture.

Descendant de son perchoir il atterri avec souplesse sur le toit et se rapprochant du bord avant de la maison, il se mit à genoux pour observer la jolie cour où arbustes et fleurs sauvages poussaient au petit bonheur.

Puis se tenant fermement au bord il pencha la tête en avant pour regarder sous le toit ses antennes pendant dans le vide d'une manière plutôt comique.

"Hello, il y quelqu'un...si il y a personne pas besoin de répondre!".

-OH PUTAIN!

Elle sursauta et rattrappa sa tasse juste à temps. Elle regarda dans la direction de son interlocuteur et parrut soulagée.

-Oh... oh c'est toi. Tu as faillit me tuer... mon dieu mon coeur...fit elle, une main sur la poitrine.

Elle se leva, finalement, regarda vers Alexei.

-Les routes sont trop conventionnelle pohr toi? Dit elle en riant. Que puis-je faire pour toi?

Se balançant vers l'avant le cyborg se laissa tomber du toit pour se réceptionner sur ses jambes à l'entrée de la maison. Entrant dans l'habitation en se frottant l'extrémité de ses jambes artificielles sur le tapis devant la porte.

Après un bref salut à la maîtresse de maison il se planta devant elle, les jambes bien droites, les bras croisés.

" Si l'on réfléchi au porteur de l'étoile du soir....comment fragmente t'on l'esprit entre le corps et la machine .....comment recréer ce qui a été perdu...comment le feu de l'âme s'imprime dans la roche du corps?".

Elle le regarda, un demi sourire idiot sur les lèvres, sans vraiment rien dire de plus qu'un "euuuuuh" d'incompréhention.

Elle se racla la gorge, se replaça sur ses pieds et pointa un index en inspirant, comme pour amorcer une phrase...

Et se ravisa, baissa l'index et ricana un peu, de son malaise.

-Ouais... j'vais... j'dois avouer avoir mal comprit pour cette fois.

Grattant son menton métallique Alexeï resta un moment devant la jeune femme sans rien dire. Puis se laissant tomber sur les genoux devant elle, ses oreilles dressés vers le ciel il reprit plus lentement.

" Notre volonté peut créer les androïdes....notre savoir peut créer les cyborgs....comment réunir l'univers des possible en une seule entité."

Se rapprochant un peu plus toujours sur ses genoux.

"Comment permettre à la nature profonde de l'âme de délaisser la chaire pour embrasser un refuge synthétique....permettre à l'homme de faire plus que son corps machine....sa conscience également".

Elle pensa.

-Il faudra des tests... des études... mais cela est possible. Un humain transcendant vers la machine tout en gardant son esprit. La perfection méchanique et l'imperfection humaine...

Elle le regarda et eu un sourire.

-Je penses savoir... je crois. Je vais essayer. Après tout, tout est biologique, tout est méchanique. Il suffit de le comprendre et de décortiquer le tout pour mieux le remonter.

Elle lui prit la main.

-Viens, mon bureau sera plus approprié.

Se laissant conduire passivement dans la maison, Alexeï observait la disposition des différentes pièces tournant la tête à gauche et à droite à la manière d'un enfant amusé.

Puis s'adressant à Salomé d'un ton doux et curieux.

"L'envoyer d'un lendemain d'espérance ne se trouve pas en ta maison....de part sa soif de jeu, j'ai pensé à un présent de moi pour lui....afin de guider ses rêves et de lui montrer la voie vers un monde qu'il connaîtra...à travers les lunettes du savoir...oui?".

Elle lui sourit tout en entrant dans une pièce. Semblable à son bureau dans le secteur cybernétique, elle était jonchée de croquis, de parties robotiques en plein bricolage et d’éléments électroniques et mécaniques un peu partout.

-Mon fils dort, à cette heure… Dit-elle en rangeant un peu. Mais c’est très gentil d’avoir pensé à lui. Je pourrais lui remettre ton présent demain matin à son réveil, si tu veux.

Elle sortit un carnet, feuilleta pour trouver une page libre et s’accota au comptoir. Elle pointa son crayon vers Alexei.

-Qu’est ce qui définit l’Homme et qu’est ce qui définit la machine. Deux contraires qui tente de se compléter, les émotions et la logique.

Elle notait en même temps.

-Biologiquement, les émotions viennent de réactions chimiques et hormonales du corps, doublé de mimétisme acquis durant l’enfance, de souvenirs et d’instinct animal. La machine n’a pas ça, la machine est froide, présente dans un seul moment, celui qui est. La machine est pure en ce sens-là car son opinion et ses actions ne sont pas biaisées.

Elle s’arrêta dans sa frénésie et le regarda.

-Comment les allier. Pas en rendre un comme l’autre mais les allier, les fusionner. Là est la source du questionnement. Il faut aller au-delà du biologique et du mécanique.

Elle pensa tout haut.

-Merde… ce serait jouer à Dieu…

Elle eu un sourire et un petit rire. Pourquoi aimait-elle autant cette idée?

Alexeï s'assis par terre devant elle, jambes croisés, ses longues antennes longeant la courbe de son dos, touchant presque le sol. D'une grande poche de sa veste il sorti les unes après les autres une série de petites figurines en bois peint de couleurs vives et chatoyantes.

D'une dizaine de centimètres chacune, un peu plus pour les plus grandes, elle représentaient toutes des bêtes forestières connues d'au delà du murs de la cité. Belettes écaillées, buffles sauteurs, Chapardeurs masqués et bien sûr le terrible Déchiqueteurs osseux étaient représentés dans des versions jouet faites à la main avec une grande précision.

" La vie est un rêve merveilleux et terrible qu'il nous faut tous traverser...les souvenirs de notre passé forgent nos choix futurs...autant qu'ils soient joyeux..."

Se touchant lentement le visage aux traits bien peu humain, il secoua légèrement la tête.

"Qu'ils soient joyeux oui....Qu'ils soient les fondements de notre esprit, qu'en eux réside l'essence même de l'existence...de la conscience....les machines aussi on une mémoire différente peut être....mais pas tant que ça...la mémoire....la mémoire est la base de toute vie....biologique et robotique...sans mémoire nous ne sommes que des pantins sans buts....errant dans les méandres du temps....attendant notre fin....oui".

Elle l’écouta, sourit et reprit son griffonnage.

-Nous… n’avons pas accès à de telles technologies ici… Je ne sais même pas si c’est faisable. Je pourrais essayer de faire cela moi-même mais j’ai l’impression que cela briserait un peu l’éthique…

Elle balaya l’idée sombre d’abandonner de son esprit.

-Commençons par la théorie, cela n’a jamais tué personne.

Elle le fixa dans les yeux.

-Je pense que la chose la plus complexe mais aussi la plus logique serait de partir d’un sujet biologique et non robotique. Que la création, la fécondation soit différente… de… créer un hybride.

Elle eut un moment d’hésitation, sentant un conflit interne. Sa curiosité poussant à aller plus loin mais sa morale s’insurgeant.

-Enfant de l’homme et de la machine… Car pour créer, il faut aller à la source… la source de la machine, l’électrique, le métal mais aussi la source de l’homme, son ADN, l’embryon… la création.

Elle soupira, reposant son crayon.

-Ce sont de bien belles théories mais irréalisables. Pas sans ressources, beaucoup de ressources. Et pas sans appuis.

Détournant les yeux des créatures en bois devant lui , le cyborg se laissa aller dans un doux mouvement d'avant en arrière. Chantonnant doucement une comptine.

Il écouta avec attention Salomé. Puis ses oreilles finirent par suivre le mouvement de son corps, allant elles de haut en bas.

" hmmmm je reçois une solde de scavenger, pour vivre, manger et me divertir...je n'en ai pas besoin puisque mon corps ne se nourri que d'une seringue de nutriments par jour au réveil, que je ne dors pas vraiment, que l'ensemble de mon entretien est couvert par la guilde....et que mon esprit s'abreuve à l'âme du monde qui résonne en chant tous autour de nous....oui"

Elle hocha la tête, perdu dans sa réflexion, ne réalisant pas immédiatement les paroles de son intelocuteur. Elle se stopa net, le regarda.

-Tu serais prêt à investir ta solde? Pour un projet qui ne pourrait jamais voir le jour?

Elle s'apprêta à rajouter quelque chose lorsqu'un son attira son attention.

Un quinte de toux, un pleur d'enfant, un gamin appellant "maman..." d'une voix sanglotante.

Elle se leva rapidement, marmonant un faible "pas encore...".

- Je m'excuse, c'est mon fils... dit elle en filant dans le coulloir, la ride du lion bien dessiné sur son front par le marqueur indélébile de l'inquiétude.

Reportant son attention sur la ligne de jouet devant lui Alexeï pencha la tête de gauche à droite. Puis la main sous le menton, il réfléchi un bon moment, profitant de l'absence de son hôte.

"Non...C'est vrai en forêt ils ne formeraient sûrement pas une ligne aussi droite...Surtout entre prédateurs et proies....oui".

Il se mit alors à disposer les figurines dans un ordre plus chaotique cherchant à donner du dynamisme à la scène plaçant les créatures en des imitations de courses-poursuites.

"Voilà...trois choses ne demeure jamais cacher....le soleil...la lune....la vérité... ici la vérité de la vie...à la fois belle....et cruelle a été de nouveau découverte.:

Puis dans un rire enfantin il repris sa position accroupi laissant ses yeux se perdre dans le décors de ce qui l'entourait, reprenant d'une voix douce une comptine hantant sa mémoire.

"Brille...brille....dans la nuit....petite étoile qui luit...".