(Terminé) Investigation d'après-midi (PV Mj & Leo)

Leo retint sa respiration, laissa l’élu passer et poussa un soupir très discret avant de sortir de sa cachette.

Il fait un tri assez important de ce qu’il vient d’entendre et essaie de mettre de l’ordre dans ses pensées, comme d’habitude. Beaucoup trop de choses semblent reliées pour que l’ingénieur cesse de penser à la discussion entre l’élu et l’altéré. Les pièces mécaniques que Gabrielle et lui ont achetées il y a maintenant quelques semaines, le discours de la silhouette sombre… L’élu du secteur marchand fait sûrement simplement son travail en investiguant ce qui semble être une irrégularité, mais en même temps… a bien y penser avait-il raison de se poser ces questions? Comment se faisait-il qu’Hexus avait été en mesure de leur fournir des pièces en aussi bon état?

Toutes ces questions méritaient des réponses, mais ce n’était pas au beau milieu de la rue marchande que Leo allait trouver les réponses dont il avait besoins. Après avoir réajusté son sac (beaucoup plus lourd maintenant) sur son épaule, il fit un grand détour par des rues parallèles à la boutique avant de se diriger vers la maison de Gabrielle.

La journée avait été mouvementée et riche en révélations. Mais malgré tout le jeune ingénieur avait encore une fois l’impression d’en savoir juste assez pour former une plate-forme d’où observer la situation complexe et sombre dans laquelle la ville entière semblait s’enfoncer. Il lui semblait bien tirer son épingle du jeu jusqu’à maintenant : il n’avait pas encore d’ennemis, il lui semblait avoir quelques alliés… et ses projets avançaient bon train! Leo se sentit tout de même fier d’être porteur de bonnes nouvelles pour Gabrielle. Après tout elle avait placé sa confiance en lui et il s’en serait vraiment voulu de l’avoir déçu. Il était fatigué au-delà de tout ce qu’il avait connus depuis très longtemps, mais il se consolait en pensant qu’il allait bientôt pouvoir se reposer.

L'ingénieur fit son petit bout de chemin sans se faire sortir de ses réflexions, pendant un bon moment. Le soir était après tout avancé. Les seuls passants qu'il croisait se trouvaient à être des Défenseurs en service, et rien d'autre. Le silence était donc son seul accompagnateur.

La limite du secteur marchand se montra avec la large route principale qui reliait tous les secteurs. Le chemin de terre devait être à une soixantaine de mètres devant lui, tout au plus. Ce qui ressemblait à un retour tranquille tourna rapidement au vinaigre, malheureusement pour l'ingénieur.

Un bruissement très subtile se fit entendre à sa gauche. C'était un son doux, qui laissait croire qu'un animal errant venait de se lever. Pourtant, ce fut tout autre chose qui happa le jeune homme à bras le corps. Quelque chose de grand, solide, avec une silhouette élancée. L'élan avait été puissant, assez pour propulser l'ingénieur au sol. Ce ne fut pas ce qui se produisit, dans tous les cas.

La manoeuvre de l'attaquant les avait rapproché d'une source de lumière, et Léo put voir le reflet orangé du lampadaire sur le métal. Soi c'était le cyborg le plus étrange que Léo avait vu de sa vie, soi c'était quelqu'un dans une armure tout aussi étrange. Dans tous les cas, son assaillant l'empêcha de tomber, s'agrippant plutôt à autre chose. Il saisit le sac de l'ingénieur et tenta de le lui arracher. La manoeuvre se voulait rapide, mais peut-être ne serait-elle pas aussi facile que prévue.

Leo était perdu dans ses pensées, aussi prit-il l’impact de plein fouet. Il se serait définitivement affalé de tout son long sur le sol si son assaillant n’avait pas tiré violemment sur son sac pour le remettre sur pied. Fidèle à son habitude, Leo pensa même un bref instant que l’homme l’avait percuté par accident et tentait simplement de l’empêcher de tomber. Les secousses violentes exercées sur le sac lui racontèrent une autre version des faits.

Le jeune s’accrocha à deux mains à son sac. Le contenu était sans valeur (si on ne tenait pas compte du palladium et du platine) mais il était quand même rempli d’inventions que Leo préférait garder sous contrôle. Il fallait agir et vite sinon il allait revenir bredouille et perdrait quelque précieux prototypes.

"Hey! Pas besoins de… de… mais arrêtez!"

Leo espérait secrètement que son adversaire arrête, mais doutait fort qu’il l’écoute. Aussi lâcha-t-il son sac d’une main, et pointa sa paume en direction du visage de l’homme. Il eut tout juste le temps de fermer les yeux avant que la poudre de magnésium présente dans son bracelet ne s’enflamme… provoquant un flash de lumière aveuglante à moins d’un mètre des yeux du voleur. Sans attendre de voir le résultat (et toujours les yeux fermés) Leo donna à son adversaire une généreuse poussée pour le déséquilibre avant de tirer sur son sac de toute ses forces. Il l’avait coud lui-même, il le savait assez résistant pour ça.

Le jeune scientifique n’avait qu’une idée en tête : récupérer son sac et courir en direction de la maison de Gabrielle.

La personne continua de tirer sur le sac, assez fort, mais aussi de manière désespérée. On entendait bien le bruit de l'armure qui bouge, accompagné par les grognements, tout bas. Était-ce de la frustration ou bien de l'effort? Dant tous les cas, même avec l'avertissement de Léo, la personne ne lâcha pas prise. Elle voulait son sac, désespérément, ou peut-être même quelque chose à l'intérieur. C'est dans cet optique qu'elle plongea une main dans le sac, mais se fit rapidement interrompre par le flash.

L'éclat de lumière en lui-même ne sembla pas lui faire grand chose. Par contre, la personne recula rapidement en secouant la tête et en expirant bruyamment. Malgré tout, elle semblait avoir perdu ses repères. Des dessins lumineux se firent voir sur l'armure, éclairant la zone autour de l'attaquant d'une lueur dorée, puis le casque montra parfaitement que la personne cherchait Léo des yeux. L'ingénieur n'était peut-être pas parti, ni trop loin... c'était en observant que la personne en armure le saurait, dans tous les cas.

Leo avait fait un pas en arrière et tenait fermement son sac entre ses mains dorénavant. Il ouvrit les yeux et vit avec satisfaction son adversaire désorienté. Ne sachant trop de combien de temps il disposait avant que l’homme ne recommence à voir convenablement, il plongea rapidement sa main dans son sac et en sortis une poignée de petite sphère métallique. Celles qui transformaient n’importe quelle surface en vrai patinoire…

Il hésitait sur la marche à suivre. Une chose était sûre et c’était qu’il était trop tard pour essayer de parler ou de négocier. Après tout son adversaire ne lui avait pas offert cette courtoisie. Il ne réussirait qu’à dévoiler sa position. Il regrettait de ne pas accorder à l’homme une chance de négocier ou de s’expliquer, mais Leo doutait qu’il s’agisse d’un banal pickpocket. En cas de doute il devait assumer que son adversaire était dangereux. Lentement sans faire de bruit, il dévissa largement l’une des sphères, puis une autre moins et enfin une troisième très légèrement. Il s’était entrainé, le tout le pris que quelques secondes. C’était des retardateurs... il lança les trois sphères (de la mèche la plus courte à la plus longue) aussi rapidement qu’il le put à un léger intervalle. Son but était d’imiter des bruits de pas dans la direction de la maison de Gabrielle, ou du moins une quelconque activité. Dans le pire des cas son adversaire serait pris au piège au milieu d’une marre de billes de métal, dans le meilleur scénario il commencerait à le pourchasser juste à temps pour que les détonateurs répandent les billes. Leo activa l’aimant à sa cheville et attendit de voir la réaction de l’homme avant de courir.

La personne secoua de nouveau la tête. Elle semblait encore désorientée, malgré qu'elle se tenait bien debout. Les bruits lui firent tourner la tête, puis les mouvements autour, des sphères qui se faisaient lancer, semblèrent la rendre nerveuse.

La personne sembla retrouver ses sens, puis fixa Léo quelques instants. Un genre de chant se fit entendre, provenant de l'attaquant... semblant pourtant fait de trois voix. Elle se pencha un peu, puis dans un bond vertigineux, se retrouva sur le toit adjacent. Elle jeta un regard à l'ingénieur, puis partit passant par les toits, rapidement. On la perdit de vue, sa silhouette se confondant avec l'obscurité de la nuit.

Leo resta paralysé pendant quelques secondes, à essayer de comprendre ce qui venait de se passer. La silhouette n’avait pas mis plus de dix secondes pour se remettre de l’équivalent d’une grenade lumineuse et venait de faire un bond de plus de deux mètres de hauteur. Et ce chant… qu’est-ce que c’était? Altéré, cyborg… une seule chose était certaine : celui ou celle qui venait d’essayer de le voler n’était pas humain. Pas totalement du moins. Peut-être une sorte d’armure assistée?

Une fois l’esprit de Leo remis d’aplomb son premier réflexe fut de vérifier dans son sac si rien ne manquait. Peut-être qu’il n’avait pas été assez vif? Que la figure avait eu le temps de prendre ce qu’il ou elle cherchait?

Ensuite il se mit rapidement en marche vers la maison de Gabrielle. C’était ce qui se rapprochait le plus dans son esprit d’un endroit sécuritaire en ce moment : avec un peu de chance Lionel serait présent. Revenir seul dans son appartement n’était pas attrayant, pas plus que d’essayer de raconter ce qui venait de se passer aux défenseurs. Tout en marchant son esprit continua de travailler. Il avait eu beaucoup de chance : si cet évènement était prémédité, alors ceux qui l’avaient orchestré l’avaient sous-estimé. C’était une bonne chose et une mauvaise chose, car s’il y avait une autre tentative ils seraient plus prudents… Il allait donc lui falloir de nouvelles tactiques de défense. L’idée de se retrouver entourer de personnes semblables à ce qu’il venait de voir ne l’enchantait pas particulièrement.

Si ce n’était qu’un incident isolé alors il avait beaucoup de chance que son assaillant n’aie pas été plus déterminé. Ce qui le poussait à écarter cette hypothèse… mais… au final peut-être que Leo était tout simplement trop enclin à crier au complot.

Le réflexe de Léo fut bon, et surtout instructif. La personne n'avait pas pu partir avec ce qu'elle voulait, mais l'objet de sa convoitise n'était plus dans le sac, plutôt sur le sol, devant Léo. Le jeune homme avait failli se faire voler sa trousse de soin. Rien d'autre. Elle gisait d'ailleurs sur le sol, en parfait état. Ça avait été la cible de l'attaque, vraisemblablement.

L'ingénieur n'eut aucun autre dérangement pendant sa route. Il n'y avait que le silence, les patrouilles qu'il croisait de temps à autres, ainsi que quelques personnes pressées, seules, probablement des messagers qui travaillaient tard. Dans tous les cas, les réflexions et les pas du jeune homme le menèrent devant la maison de Gabrielle. L'extérieur était éclairé par des lampes à l'huile, et la lueur de chandelles étaient visibles dans l'espace cuisine, qui avait une fenêtre, et une pièce au premier. La demeure semblait encore accueillante. D'ailleurs, de nouvelles fleurs, à longues pétales et d'un rouge profond, avaient été plantées le long de l'entrée.

Tout en marchant Leo repassa toute la situation dans sa tête. De tout ce que son sac contenait… c’était la trousse de premiers soins que la silhouette avait essayée de dérober? Il était pris d’un furieux doute… si la personne avait besoins d’aide pourquoi avait-elle essayée de le voler? Avait-elle peur que Leo refuse?

Il continua à se torturer avec la réponse jusqu’à ce qu’il arrive face à la maison de sa collègue. Il fut pris d’une grande fatigue et faillit s’affaler sur le perron en grimpant les trois marches menant à la porte d’entrée. Il sonna et attendit qu’on lui ouvre la porte. Il tenta d’afficher un sourire avenant, mais il avait tout de même une tête à faire peur…

Ce ne fut pas long que des pas se firent entendre jusqu'à la porte. Celle-ci s'ouvrit, découvrant Lionel plutôt que Gabrielle. Le Défenseur sembla pris par la surprise quelques instants, puis inquiet en voyant la tête de Léo.

- Monsieur Steinhart... je vous en prie, entrez. Voulez-vous un thé? Une couverture? Vous avez une mine effrayante...

Il s'écarta de la porte, rapidement, semblant toujour aussi inquiet. D'ailleurs, il surveillait l'ingénieur de près, craignant de le voir s'effondrer.

- Gabrielle! Descend s'il-te-plaît!

D'autres pas se firent entendre, descendant les escaliers, accompagnés par les petits petons de la belette écailleuse.

Leo entra avec reconnaissance dans la maison, appréciant la douce chaleur qui y régnait. Il offrit un sourire faible à Lionel, tout de même soulagé que ce soit lui qui ait ouvert la porte.

"Un thé serait la bienvenue, merci. Mais ne vous en faites pas, je… je suis juste très fatigué. "

Le mensonge était évident… même si Leo n’avait aucune blessure il était évident que deux journées aussi mouvementées collées l’une sur l’autre avaient pris son dut sur le jeune rat de bibliothèque.

"Je viens seulement donner des nouvelles à Gabrielle : je devais me charger de quelques courses pour elle. "

Il tendit l’oreille, soulagé d’entendre que la principale intéressée arrivait. Il lui tardait de pouvoir s’asseoir : après ce qu’il venait de vivre et après avoir passé la journée à marcher ses jambes lui semblaient faites de cotton.

Lionel ne sembla pas rassuré le moins du monde. Il s'en alla tout de même faire du thé, s'assurant que l'ingénieur s'en sortait avant de le quitter.

- Des nouvelles pour Gaby? Elle s'en vient, ça ne sera pas trop long. Je vous en prie, entrez et installez-vous.

Justement, quelqu'un venait vers lui. Ce fut en premier Racaille qui lui fonça dessus, pour se coucher sur le dos, sur ses pieds, et lui présenter son ventre. Gabrielle suivit et se figea en voyant l'air qu'affichait le pauvre Léo. Elle vint lui prendre une main et le tira gentiment vers la cuisine, éloignant la belette écaillée de leur chemin en même temps.

- Léo! Mais qu'est-ce qui s'est passé?! Vient t'asseoir. Tu as l'air mort!

Elle le fit s'installer à table et lui couvrit les épaules d'une couverture chaude, mais légerte. Lionel lui faisait toujours du thé.

Même si Leo essayait de son contrôler, il s’écroula plus qu’il ne s’assis sur la chaise proposée par Gabrielle. Il avait un sourire béat de gratitude et il remerciait le ciel de ne pas avoir un miroir sous la main. À voir la réaction de ses hôtes, il devait vraiment faire peur.

"Eh bien… disons que j’ai de bonnes nouvelles pour notre projet… et… de mauvaises nouvelles pour quelque chose que j’ignore encore… Avant toute chose j’ai besoins que vous me promettiez que ce que je vous dis ne quitteras pas cette pièce."

Il était plus sérieux qu’il ne l’avait jamais été en prononçant ses mots. Il faisait confiance a Gabrielle et Lionel et ne voulait surtout pas les mettre en danger. Lentement, en restant aussi cohérent que possible, Leo commença par faire un petit compte rendu à Gabrielle de l’avancement du projet pour son frère. Les complications reliés au projet, le support de Stein, l’acquisition des matériaux… puis il commença à parler des évènements des derniers jours : sa rencontre avec la silhouette encapuchonnée et masquée, l’attaque dans le quartier des mercenaires, la discussion entre Hexus et l’élu, l’attaque de ce soir et ses doutes quant à la raison… tout y passa. Malgré la fatigue il avait pris son temps pour éviter de bombarder ses amis d’informations. Il prit le temps de répondre aux questions. Lorsqu’il eut finis il sentit un poids se lever de sa poitrine, même si la fatigue était plus présente que jamais.

"Voilà… en gros je ne sais absolument pas quoi faire de tout ça. J’ai l’impression d’avoir mis le doigt dans un engrenage que je ne comprends pas encore, sans savoir ce qui va se passer. "

Leo eut un petit rire, offrant un sourire qu’il espérait rieur à Gabrielle.

"Mais bon, je t’avais dit que tu pouvais me faire confiance! On a tout ce qu’il faut pour commencer l’alliage."

Tous deux promirent. Pour Lionel, le temps de réflexion fut plus long. En tant que Défenseur, il ne savait pas s'il devait vraiment faire cette promesse. Il promit tout de même, au bout du compte, et le frère et la soeur l'écoutèrent attentivement.

Le visage de chacun passa par une gamme d'émotion au fil de l'histoire de Léo. Gabrielle sembla heureuse d'entendre que leur projet avançait, surtout qu'ils avaient le support de l'Élu sur ce coup. Le reste la fit blêmir. Lionel, lui, resta neutre en premier. Puis, dès que Léo parla des événements plus agités de ses derniers jours, son regard se fit sévère. On pouvait voir qu'il réfléchissait, et comprenait même de quoi l'ingénieur parlait, de temps en temps. Le récit terminé, aucun des deux ne sembla rassuré.

Gabrielle resta silencieuse, semblant inquiète. Ce fut donc son frère qui parla.

- ...n'en parle pas. C'est le mieux que je peux te dire de faire. Si tu en parles à quelqu'un, on risque de te faire emmener à la caserne, et c'est certain qu'un haut-placé va te cuisiner. Trop de gens cherchent des informations sur Pipes, l'homme encapuchonné. Les Gardiens n'attendent qu'une preuve pour arrêter Hexus, également. Et la chose qui t'a attaqué... que voulait-elle?

Gabrielle lui fit un petit sourire forcé quand Léo lui en fit un rieur. Elle ne semblait pas à l'aise, plus blanche qu'à l'habitude.

- ...tu ne retourne pas seul chez toi ce soir, ok? Au pire, on peut te faire dormir ici...

La jeune femme semblait infiniment inquiète pour son ami. La seule personne qui ne se souciait de rien dans la maison était Racaille, qui quêtait des caresses à Léo en se frottant sur ses jambes.

Leo hocha la tête aux propos de Gabrielle. Il n’y avait pas pensé… En même temps il était tellement fatigué qu’il était un peu soulagé que l’on prenne la décision à sa place. Il offrit quelques caresses à racaille, appréciant le contact joyeux et insouciant de la petite boule de poil.

"Ce serait peut-être une bonne idée oui… je ne sais pas si je serais en mesure de me rendre de toute manière. Je vous remercie."

La question de Lionel ramena toutes les interrogations que Leo s’était posé en cours de route.

"Je n’en sais rien… Elle a essayé de prendre la trousse de premiers soins qui était dans mon sac. Je ne comprends pas trop : tout le monde sait que les membres du complexe sont formés un minimum. Il n’aurait eu qu’à me le demander: ça fait partie de notre devoir de citoyen je… je me promenais avec un sac remplis de platine et de palladium, ça vaut une petite somme : à me faire foncer dessus comme ça avec tout ce qui s’est passé je… enfin…"

Leo s’interrompit, maintenant plus que jamais conscient de l’état dans lequel il se trouvait. Il avait besoins de repos sinon il allait devenir incohérent.

"Stein est le seul au courant a part vous deux. Et… il avait l’air plus inquiet pour moi qu’autre chose. Je crois qu’on peut lui faire confiance. Je… je crois que je vais continuer à trimbaler mes gadgets sur moi…"

Leo termina son thé d’une traite pour reprendre constance. Il avait tout dit… du moins il pensait.

"Je… je crois qu’il serait mieux que je me couche… je… je suis désolé d’arriver dans cet état je… enfin. Au moins on va pouvoir avancer maintenant. Je peux vous emprunter un fauteuil jusqu’à demain matin?"


Pour une fois, Leo avait l'air beaucoup plus jeune que son âge. Il avait de nouveau l'air du petit garçon piteux qu'il avait tant essayé de faire devenir un homme.

Gabrielle lui offrit un sourire compatissant quand il les remercia, puis écouta sangement ses réponses ensuite. Elle essayait de rester de glace, mais visiblement, elle était horriblement inquiète pour Léo.

Lionel, lui, sembla tout prendre mentalement en note. Son regard s'était sérieux plutôt qu'inquiet.

- Elle voulait une trousse de soin... Des rapports que nous avons eu, c'est toujours ce genre de chose qu'ils veulent. De ce qu'on sait aussi, aucun n'a dit un seul mot dans notre langage... Aucune victime n'a été dénombrée, au moins. Si vous en recroisez un, éloignez-vous rapidement. Ils évitent les zones avec trop de gens.

Le reste les laissa tous les deux silencieux. Le Défenseur s'en alla préparer une chambre d'ami, et Gabrielle lui servit de thé, doucement.

- Lionel est allé te faire ça... Repose-toi. On ira au travail ensemble demain. D'accord? C'est horrible tout ce qui t'es arrivé... Je suis désolée...

Elle lui fit un petit sourire triste et attendit des nouvelles de son frère, comme quoi tout serait prêt.

Leo prit un bref instant pour analyser (au mieux de ses capacités présentes) les informations que Lionel venait de lui transmettre. Ce n’était pas un incident isolé? C’était déjà arrivé à d’autres? Ça voulait dire que celui ou celle qui l’avait agressé n’était pas humain, altéré ou cyborg? Ce n’était ni un orchid ni un mutalyte ni un Neorithe… Alors qu’est-ce que c’était exactement? Les hypothèses essayaient de se former dans son esprit mais il fut rapidement submergé par la fatigue et la tête commença à lui tourner.

Les paroles de Gabrielle et l’odeur du thé lui permirent de se ré-ancrer dans l’instant présent. Il haussa un sourcil.

"Tu n’as pas à te sentir désolé… ce n’est pas comme si c’était toi qui avait causé quoi que ce soit. Pour beaucoup ce n’est que de la malchance, pour le reste j’imagine que j’ai un peu couru après. "

Il eut un petit rire. Il avait toujours été très curieux. Ça ne datait pas d’hier…

"Ce n’est pas la première fois que je m’attire des ennuis de cette façon. Mais je dois avouer qu’en termes de proportion là, ça bat des records."

Un détail sembla revenir en tête au jeune homme, ne se rappelant plus si il l’avait mentionné au cours de son récit.

"Gabrielle… l’alliage que nous allons mettre au point pour aider ton frère. Il va falloir être discret et garder en tête qu’il ne pourra pas être accessible au grand public ou commercialisé. Chaque cas est traité discrètement et même si je ne sais pas encore pourquoi c’est un sujet très délicat. Ton frère va en bénéficier, c’est officiel. Pour le reste il faudra attendre les instructions de Stein."


Il espérait que la jeune chercheuse se contenterais du bien être de son frère.

Gabrielle le surveilla alors qu'il remarquait le thé. Elle l'écouta tout aussi religieusement, inquiète pour son ami. Elle roula des yeux en entendant qu'il courait après les événements bizarres et esquissa un sourire. Maintenant, elle n'avait plus l'air au bord de la panique pour son compagnon.

La suite la laissa un peu pantois. Elle semblait se poser infiniment de questions, ne comprenant pas. Son regard devint sévère quelques instants, mais elle écarta ses doutes d'un soupir.

- Même si je ne comprend pas pourquoi seules quelques personnes ont le droit de ne plus souffrir, je ne m'insurgerai pas publiquement. Juste dans ma tête...

Elle eut un autre soupir, puis regarda son frère qui revenait. Racaille était toujours aux pieds de Léo, à se rouler et à jouer avec les rebords de son pantalon. Le Défenseur observa Léo quelques instants avant de prendre la parole.

- La chambre d'amie est prête. Elle est au rez-de-chaussé, alors vous n'aurez pas besoin de monter les escaliers... ça vous va?

Il lui sourit gentiment, puis jeta un oeil à sa soeur, sans afficher une quelconque pensée.

Leo hocha gravement la tête aux paroles de Gabrielle. Il comprenait parfaitement son sentiment et quelque part il savait qu’il le nourrissait également. Mais dans la situation complexe et mystérieuse c’était le mieux qu’ils pouvaient espérer. Il ne restait plus qu’à croire que c’était pour le mieux… Lorsque Lionel revint Leo poussa un bâillement à faire peur et eut un petit rire.

"C’est vraiment aimable. Je vous jure que je vous revaudrais ça. "

Leo se leva d’un pas légèrement chancelant, mais déterminé. Au moment de se diriger vers la porte indiquée par Lionel, il s’arrêta soudainement.

"Oh, j’allais oublier…"

Il ouvrit son sac et en sortis une bouteille de vin rouge ornée d’une étiquette très sobre.

"Il est embouteillé juste à côté de la ferme où j’ai grandis… je prévoyais l’ouvrir ce soir pour célébrer. Faites-lui honneur si vous en avez envie… je ne crois pas être en état de boire ce soir."

Il passa la bouteille à Lionel avec un sourire chaleureux et se dirigea à pas tranquilles vers la chambre.

La jeune femme n'ajouta rien, perdue dans ses pensées et ne voulant pas agacer Léo plus que nécessaire. Quand son frère revint, elle le remercia d'un sourire, puis eut un petit rire elle aussi en voyant Léo bâiller de la sorte.

- Je vais te dire bonne nuit alors. Et avec ce que tu fais pour nous, tu n'as pas besoin de nous rendre la pareille.

Elle le regarda avec un sourire, puis remonta en haut. Mine de rien, elle était sur le point d'aller au lit quand l'ingénieur était arrivé chez elle.

Lionel le suivit sagement, voulant surtout s'assurer qu'il ne s'effondrerait pas d'épuisement. Il s'arrêta donc avec lui et haussa son seul sourcil normal en entendant Léo, curieux. Se retrouvant avec la bouteille dans les mains, il resta pantois quelques instants, puis eut un large sourire.

- Oh, mais je ne compte pas la boire sans vous! On se reprendra, c'est tout. Demain matin, Gabrielle va venir cogner pour le déjeuner. Ne soyez pas trop surpris. Oh, et si vous ne voulez pas de Racaille pendant la nuit, assurez-vous que la porte est bien fermée.

Le cyborg lui offrit un sourire doux, puis se mit sur son chemin pour aller dormir lui-aussi. Comme de fait, la belette écaillée était toujours aux pieds de Léo et le suivait religieusement, semblant aimer sa présence et avoir du nouveau dans cette maison.

La chambre d'ami était simple. Par contre, le lit était confortable et moelleux. Tout était parfaitement nettoyé, et des fleurs séchées suspendues au-dessus de la fenêtre, dont les rideaux opaques étaient tirés, laissaient flotter un parfum agréable dans la pièce. Il y avait une peinture au mur, face à pied du lit, qui représentait un homme sur une carriole, tirée par deux magnifiques chevaux blancs. Léo pouvait presque reconnaître une rue du secteur de l'agriculture tellement c'était bien représenté.

Leo entra dans la chambre et laissa la porte entrebâillée derrière lui, plus par négligence que par réel soucis que Racaille puisse aller et venir à sa guise. Maintenant débarrassé de toute pression sociale il laissa aller un soupir étouffé et s’affala, tout habillé, sur le lit. Sa tête lui tournait, ses jambes lui faisaient mal, ses yeux lui chauffaient… même sa blessure au nez semblait remonter à la surface uniquement pour ajouter une couche d’inconfort.

L’esprit de Leo n’était pas en repos, mais malgré tous ses efforts il ne parvint pas faire de ménage dans ses pensées. Il replia faiblement l’une des couvertures sous lui et essaya de repousser les questions et les hypothèses dans un coin de son esprit afin de se reposer. Il n’arriverait à rien dans cet état de toute façon. Les évènements des derniers jours avaient profondément ébranlés le jeune homme, qui savait malheureusement qu’il n’était pas au bout de ses peines.

Ce furent les pensées qui l’accompagnèrent tout au long de sa nuit de sommeil agitée, qu’il aurait de loin préférée sans rêve.