Discussion d'actualité avec la sommité (Pv Léo)

L'ingénieur était sorti de la maison de sa compagne, diligemment surveillé par son frère aîné, et s'était mis en route, directement vers le complexe scientifique. Il y avait, fort heureusement ou non, personne dans les rues, sinon les habituelles patrouilles de Défenseurs. À la différence de l'habitude, par contre, les Gardiens s'étaient équipés contre le froid et on voyait parfois de la fourrure sortir des joints d' armure de quelques-uns.

Le chemin avait pris quelques heures, qui étaient passées vites. La neige était légère, le froid n'était pas trop mordant, et quelques gros flocons tombaient doucement du ciel. Sous les lampadaires allumés le long des avenues principales, ça donnait un cachet presque féérique à la scène. Même, une sérénité toute nouvelle à l'État.

Léo s'était donc rendu au complexe sans accros, pour une rare fois depuis quelques temps. Les lumières brillaient dans les bâtisses, prouvant bien une chose: beau temps ou mauvais temps, les scientifiques et médecins étaient toujours à leur poste. Qui trouverait une solution, sinon, à la crise actuelle? Définitivement pas les Orchids, qui gelaient dès qu'ils sortaient dehors.

L'ingénieur put donc entrer dans le complexe et en parcourir les couloirs. Du matériel avait été sorti de quelques pièces, pour permettre au scientifiques de s'y reposer. Peu voulaient quitter leur travail et risquer de ne pas pouvoir revenir à cause du froid. On essayait donc d'accommoder le nombre grandissant de travailleurs qui avaient besoin d'un endroit où dormir.

À cette heure, l'agitation habituelle commençait à retomber. On croisait peu de gens dans les couloirs, et ceux qui s'y trouvaient étaient visiblement pressés. Léo pouvait donc circuler en toute quiétude et se rendre à l'endroit qui l'intéressait.

L’endroit en question se trouvait être le local que l’équipe de l’élu occupait. Lionel lui avait mentionné que sa coéquipière allait faire des tests de compatibilité entre le brachium et la cybernétique d’Enzo non ? C’était donc l’endroit où il risquait de trouver Gabrielle et en même temps d’apprendre si Ulrich était encore présent.

Le jeune homme avait beau être habitué à marcher le trajet l’avait fatigué plus qu’il ne l’aurait aimé. Il ne prit donc pas la peine d’arrêter par son casier pour se déshabiller, préférant rejoindre au plus vite la jeune ingénieure pour la rassurer et prendre des nouvelles. Ces deux derniers jours apparaissaient maintenant à Léo comme si une semaine s’était écoulée. Il aurait du rattrapage à faire… mais avant quelques dossiers d’une importance capitale requéraient son attention.

Les couloirs se déroulèrent sous le pieds de l'ingénieur, le menant directement à l'endroit qui l'intéressait: la section de l'équipe de l'Élu. Avant mêne qu'il n'entre dans ladite section, par contre, qu'il ne passe les doubles portes blindées menant aux bureaux de l'équipe de génériciens, il put voir que la porte de leur local à eux était ouverte. D'ailleurs, à l'intérieur se trouvaient Gabrielle et Enzo, qui parlaient tranquillement en faisant les tests. L'énorme cyborg donnait les informations qu'il recevait de l'interface, et Gabrielle les notait, tout en essayant différentes choses. Elle demandait au cyborg de faire différents mouvements, simples et plus complexes, sans se presser. La blondinette semblait fatiguée, mais tout de même de bonne humeur. Même, elle était un peu rouge de gêne.

Les doubles portes, elles, étaient ouvertes, mais on n'entendait peu de choses. La voix monotone d'Amon produisait un fond étrangement relaxant alors qu'il chantonnait tranquillement de son local. On n'entendait ni Hekathon, ni Matthew, ni Tania et encore moins Ulrich, qui était la sutbilité incarnée. Simplement la voix grave et exotique de l'Altéré cantoris.

L’ingénieur arrêta sa course en voyant Gabrielle et Enzo dans leur local. Avant d’aller voir Ulrich une petite visite à celle chez qui il venait de laisser une charge considérable était de mise. Ne serait-ce que pour lui dire qu’il se remettait et que tout était sous contrôle. Il frappa donc quelques coups à la porte avant d’entrer dans le local.

"Bonsoir !"

Sa voix était enjouée, reflétant bien son humeur. Être entre les murs du complexe avait quelque chose d’apaisant, de sécurisant pour le jeune homme. Plus que n’importe où ailleurs c’était là qu’il se sentait chez lui. Il retira une partie de ses vêtements, laissant son manteau sur sa chaise avant d’aller voir sa collègue et le cyborg.

"Monsieur Enzo, heureux de vous revoir. "

Il s’inclina légèrement avant de se tourner vers la jeune scientifique.

"Tu as besoins d’un coup de main ? Sinon je pourrais t’emprunter quelques secondes ? "

L'ingénieure sursauta à la salutation de Léo, tellement qu'elle faillit en échapper son crayon. Enzo, lui, eut un petit gloussement, mais sans plus. Il était assis directement sur le sol. Les connexions qui le reliaient au Brachium avait été fait sur son avant-bras droit, où il semblait surveiller un petit indicateur, d'ailleurs. Son regard s'était pourtant fixé sur Léo, en même temps qu'il l'avait salué d'un mouvement de tête.

- ...Léo! J'ai failli faire une crise cardiaque... Je ne m'attendais pas à te voir! Qu'est-ce que tu fais ici? *Son air devint immédiatement inquiet, comme si elle imaginait le pire* Tout se passe bien?

Le cyborg laissa l'ingénieure faire sa salutation, puis la fit à son tour, tranquillement.

- Je suis également heureux de vous voir. Le froid n'est pas trop mordant, dehors?

Gabrielle sembla ensuite très troublée par la proposition de Léo, puis sa demande. Elle regarda ses notes, puis Enzo, pour finalement regarder Léo.

- Non, ça va aller. On finissait. Je vais venir. Je reviens dans deux minutes, d'accord monsieur Enzo?

La blondinette jeta un regard tout naïf au cyborg, qui lui fit signe d'y aller d'une main, doucement. Il ne semblait pas du tout dérangé. Plutôt amusé par la gêne de la jeune femme. Gabrielle se leva donc et se rendit jusqu'à son collègue, non sans avoir l'air encore plus inquiète.

Leo secoua doucement la tête à la question du cyborg et amena Annabelle dans le corridor, à l’extérieur de la salle. Il avait l’air à l’aise et ne se départis pas de son sourire.

"Tout va bien Gabrielle. Beaucoup de dossiers demandaient que je passe pour voir Monsieur Stein, j’ai simplement décidé de ne pas attendre à demain. Je profitais d’être dans les environs pour prendre des nouvelles : j’ai l’impression que ça fait une éternité que je n’ai pas mis les pieds ici. "

L’ingénieur était encore un peu pâle mais au moins avait l’air plus reposé et alerte que la dernière fois que la jeune femme l’avait vu, chez elle. Il se tourna vers le local de l’équipe d’Ulrich avant de revenir sur sa collègue.

"Tu sais si il est dans le complexe en ce moment ? "

L'ingénieure le suivit donc dans le couloir, l'air encore et toujours inquiète. C'était son genre, de toute manière, de s'inquiéter. Et encore, elle n'était pas au courant pour la suspension médicale de son frère. Ça aussi, ce serait probablement toute une nouvelle....

- Ah. D'accord... et bien, les tests avancent bien. Monsieur Enzo est très coopératif et précis dans ses indications. Sinon... j'ai entretenu le Brachium un peu, j'ai fait les quelques retouches que je voulais faire sur l'esthétique... ça ressemble à ça. Oh, monsieur Matthew est venu dans notre salle de travail aujourd'hui. Il m'a parlé d'à quel point il attrape le fixe sur la queue de monsieur Amon! C'était assez drôle...

L'air inquiet de Gabrielle venait de s'envoler. Elle qui aimait son travail, ça ne lui en avait pas pris beaucoup pour la replonger dans sa passion. À la question qui suivit, elle sembla songeuse, puis acquiesça en souriant.

- Oui, il est là. Dans son bureau. Il s'est même excusé à tout le monde s'il ne passait pas nous saluer à la fin de notre quart, vu qu'il allait lui-même rester tard... Toi, comment vas-tu? Et est-ce que c'est endurable, dehors?

On entendait encore et toujours le doux chant d'Amon dans le couloir, sinon, le silence.

Le jeune homme hocha doucement la tête. La jeune femme avait le don de s’inquiéter mais heureusement elle était facile à rassurer.

"Je vais bien je te remercie. J’ai l’impression d’avoir dormis une semaine et ça m’a fait beaucoup de bien. "

Il se rapprocha un peu et baissa le ton.

"Nos invités aussi vont bien. Ils ont trouvé une manière de pouvoir communiquer avec nous sans problème. Lionel est là en ce moment alors il n’est pas seul ne t’en fais pas. "

L’ingénieur regarda en direction du corridors.

"Je viens aussi prendre des nouvelles de l’alliage que j’ai concocté pour les circuits de ton frère… je les ai envoyés au laboratoire biomécanique il y a peu, monsieur Stein devrait avoir les résultats maintenant. Si c’est positif nous allons être prêt à procéder à des tests très bientôt. Avec le froid et tout… le dossier devient un peu plus urgent. "

Il ne voulait pas être celui qui annoncerait la nouvelle à Gabrielle aussi ferma-t-il son idée.

"Je suis content de voir que les travaux avancent bien… je vair régler ce que j’ai à faire avec monsieur Stein et ensuite je reviendrais t’aider si jamais tu en as besoins. "

Il était sur son départ, mais sembla être retenu par quelque chose.

"Et Gabrielle... enfin… merci encore beaucoup. Pour m’avoir aider, pour les avoir aidé… pour tout."

Leo avait rougit imperceptiblement. Il ne s'était pas rasé depuis quelques jours maintenant et un début de barbe commençait à orner sa mâchoire. Avec ses cheveux encore humides de neige et en bataille il avait l’air un peu plus vieux que d'habitude.

Gabrielle l'observa et l'écouta attentivement tout le long, sans rien dire. Son air inquiet, qui tirait un peu trop les traits de son visage et la pâlissait plus que nécessaire, s'en fut rapidement par contre. Même, elle avait un petit sourire à l'idée de finalement être capable de communiquer avec le futur papa habitant leur maison. Entendant aussi que les alliages étaient probablement prêts aux tests, un merveilleux sourire éclaira son visage. On y sentait là un soulagement presque total, qui réchauffait son petit cœur.

- C'est plein de bonnes nouvelles...! Je suis contente que Lionel se soit rendu à la maison sans problèmes... et qu'on se rapproche de sa guérison aussi! J'ai tellement hâte qu'il arrête d'avoir tout le temps mal...

La jeune femme lui offrit un sourire doux alors qu'il proposait de venir aider après sa rencontre avec leur chef d'équipe, puis eut un air un peu troublé ensuite, alors qu'il la remerciait.

- ...oh. Ne me remercie pas... je ne fais pas grand chose. Je veux dire, je fais mon travail et je ne suis pas désagréable... c'est le minimum, je trouve... mais bon... De rien. Et... je ne pense pas avoir besoin d'aide: j'avais presque fini.

Elle aussi se surprit à rougir un peu. Son apparence à elle était soignée, comme toujours. Elle avait attaché ses cheveux dans un chignon serré pour ne pas les avoir dans la figure alors qu'elle travaillait.

Dans tous les cas, ils avaient encore le doux chant d'Amon en bruit de fond, rendant la situation un peu moins gênante.

Leo eut un sourire bref et rougit encore un peu plus. Il était tellement mal habile avec ce genre de choses… mais il était heureux d’avoir dit ce qu’il avait à dire. Il se sermona : complimenter quelqu’un avait toujours été plus difficile pour lui que l’inverse.

"D’accord. Je… je vais… heum… voir Ulrich… je veux dire Monsieur Stein. Je … dois repasser par le local de toute façon chercher mon manteau alors s’il y a quoi que ce soit n’hésite pas !"

Il s’inclina légèrement (bien que de manière un peu raide) et tourna les talons. Alors qu’il s’éloignait de sa station de travail, d’Enzo et de Gabrielle une curieuse impression le pris… mais il n’était pas en mesure de savoir ce que c’était. Dans tous les cas il marcha tranquillement jusqu’à la porte du bureau de l’élu. A l’approche de la porte une nouvelle impression le saisit mais celle-là, il savait exactement ce que c’était : de l’appréhension. Il espérait ne pas s’être trompé au sujet de l’élu... car ce qu’il s’apprêtait à faire pouvait sauver Saarth’alis, Thyrînn et leur équipe comme les condamner. Le jeune homme soupira une fois devant la porte en métal froid et frappa fermement.

L'ingénieure acquiesça, elle aussi plus rouge qu'au début de leur conversation, puis retourna elle-même au travail. Ce ne fut pas long qu'elle se remit à parler avec Enzo, qui lui indiqua quelques autres petits détails.

La porte de Stein était tout au fond, un peu à part, même. On entendait encore le doux chant d'Amon, mais rien d'autre. une fois devant la porte, par contre, et avant même de cogner, Léo put entendre autre chose. C'était entre une respiration difficile, sifflante, et des grognements de douleurs. Dans tous les cas, l'ingénieur cogna fermement. Un certain silence se fit entendre, puis le bruit de quelqu'un qui traîne les pieds. Léo put même entendre un bruit mat contre la porte, comme quelqu'un qui s'y appuis lourdement, mais rien de plus précis.

- ...Hekathon? Je t'ai dit que tout allait bien...

La voix de l'Élu était pourtant horriblement déformée par la douleur. On la reconnaissait à peine. Une forte toux suivit ses paroles, puis le silence.

Le jeune homme secoua doucement la tête. Ça n’augurait pas bien.

"Non Monsieur Stein, c’est Leo… je… je peux repasser à un autre moment si vous n’êtes pas… disposé à me parler. "

Il attendit devant la porte, crispé et inquiet. Peut-être était-ce un contrecoup de sa formation médicale mais il était incapable de rester près de quelqu’un de souffrant sans rien faire. Il commençait à saisir Ulrich toutefois et… son besoins d’intimité. De souffrir seul. Il ne voulait pas forcer son aide sur lui.

Suite à la réponse de Léo, le silence resta quelques longues secondes. Un autre frottement se fit entendre, puis la voix de l'Élu revint.

- Léo...

La voix s'arrêta dans un grognement de douleur, puis la respiration devint erratique. Léo entendit même le bruit de quelque chose qui percute le sol, dans un bruit mat déstabilisant. Le pire, par contre, fut la fine coulisse de sang qui passait sous la porte.

Le jeune homme eut un hoquet de surprise lorsqu’il entendit l’élu tomber. Il s’approcha de la porte , incertain et terriblement inquiet.

"Monsieur Stein ?"

Il tendait l’oreille quand il vit le mince filet de sang couler par l’ouverture de la porte. Il n’avait pas besoins de sa formation médicale pour savoir que c’était très mauvais signe. Il tomba instantanément en mode secouriste et actionna la poignée pour ouvrir la porte.

"Monsieur Stein!"

Tendant l'oreille, le jeune ingénieur put entendre une respiration erratique et quelques hoquets étranges. Il n'eut pas de réponse à son appel, mais au moins, il entendait encore respirer, et même souffrir.

La poignée obéit à Léo et tourna, faisant s'ouvrir la porte. Il ne put pas l'ouvrir très grand, par contre: Ulrich la bloquait malencontreusement de son corps. Il n'y avait pas de lumière d'ouverte, mais pourtant, une luminosité était présente dans la pièce.

L'Élu était à genoux au sol, presque étendu sur le flanc, et se gardait difficilement droit. Son bras gauche était à découvert et brillait, dans des masses étranges, qui semblaient autant être de la chair que du métal. Les tissus pulsaient, même, et faisaient couler le sang, abondamment. une assez importante quantité du liquide vermeille s'écoulait du masque, dans l'espace entre ledit masque et le menton. Chaque expiration en faisait couler un peu plus, et la nouvelle toux qui naquit chez le scientifique ne fit qu'empirer la chose.

Le jeune homme aurait voulu avoir le loisir de rester paralyser devant le spectacle qui s’offrait à lui, d’observer attentivement ce qui se passait et de s’étonner devant cet étalage de phénomènes qu’il n’arrivait pas à expliquer. Il aurait aimé pouvoir se permettre un minimum d’observation pour établir un plan d’action et réagir de la manière la plus productive possible.

Mais il n’avait pas ce loisir. Le jeune homme avait devant lui un homme souffrant visiblement le martyr qu’il n’avait aucune idée comment aider. En faisant attention pour ne pas ouvrir d’avantage la porte sur son supérieur, Leo se glissa dans l’ouverture de la porte et s’agenouilla devant Stein. Il tendit la main pour l’aider à se soutenir mais se retint à temps. Il se rappelait l’épisode alors qu’il était encore membre de l’équipe du docteur Von Talbeim. Ce n’était pas le moment et ce n’était manifestement pas une bonne idée.

"Monsieur Stein vous m’entendez ? Je… qu’est-ce que je peux faire ? "

L’ingénieur ouvrit son sac et sortis sa petite trousse de premiers soins. Il connaissait son contenu par cœur et doutait très fortement qu’elle contienne quelque chose susceptible d’aider l’élu mais peut-être se trompait-il ?

"Vous voulez que j’ailles chercher quelqu’un ?"

Léo se retrouva agenouillé devant Ulrich, et dans un peu de sang, par la même occasion. L'Élu tremblait un peu et toussait, faisant sortir un peu plus de sang de sous son masque. Sa respiration se faisait visiblement plus difficile. Quelque chose était encore pire à entendre que la toux et le sifflement des inspirations, par contre: le son de la chair qui bouge, toute seule, et des muscles qui se déchirent un peu, comme de la viande qu'on arrache d'un os.

- L-Léo... vous ne devriez... pas... voir ça... Vos vêtements... je suis désolé...

L'Élu eut une autre quinte de toux, se tourna brusquement, puis souleva son masque. Léo ne vit pas son visage, mais par contre il assista à la masse sanglante qui tomba sur le sol et que le généticien venait de recracher. Quelques blobs brillaient en travers de la masse sanglante, d'un bleu pareil à celui qui recouvrait le bras du scientifique. Celui-ci baissa de nouveau son masque, d'une main tremblante, puis s'affaissa simplement sur le flanc. Son long manteau rouge se confondait presqu'avec le sang sur le sol, dans un fresque abstraite presque grotesque.

- ...j-juste... de l'eau... S'il-vous-plaît... D-de l'eau... et... des cataplasmes...

Le regard tremblant, et toujours bleu lumineux, de l'Élu se planta dans celui de Léo. On y lisait une souffrance sans limite, mais tout de même une lucidité bien présente. Stein savait totalement ce qui se passait et n'en semblait pas heureux.

Le spectacle aurait été terrifiant en d’autres circonstances… mais un peu comme avec Hexus le jeune homme ne montrait aucun signe de peur ou de dégout. Simplement de l’inquiétude et un désir d’aider. Il ne releva même pas sa remarque sur ses vêtements : il s’en moquait éperdument pour le moment.

Aux demandes de Stein Leo hocha la tête et se leva rapidement pour trouver ce dont il avait besoin. Il revint rapidement avec une carafe remplie d’eau fraiche et un pot en verre contenant une sorte de pâte rougeâtre ainsi que des bandages. Il versa un verre d’eau qu’il tendit doucement à l’élu, se tenant prêt à l’aider s’il en avait besoins. Il ouvrit ensuite le pot et prépara quelques bandages.

"Je peux vous aider ou c’est préférable que vous le fassiez vous-même ?"

Stein avait l’air si fragile en ce moment… l’ingénieur avait beau être délicat il ne voulait pas risquer de commettre une erreur qui couterait cher à l’élu.

Le cher scientifique le regarda aller, de son regard lumineux encore, puis ferma les yeux quelques instants. Léo n'entendit aucune plainte de douleur, mais le craquement dans l'épaule de l'Élu, lui, fut très facile à entendre. Quabd Stein rouvrit les yeux, il avait le regard un peu vague sous toute cette douleur.

- ...je vais... essayer... par moi-même...

Stein se redressa difficilement, en grognant, puis se mit finalement assis. Il prit le pot des mains de Léo, tremblant, et l'ouvrit avec difficulté. Il s'arrêta, néanmoins, puis retira son manteau pour éponger son bras avec. Quand ce fut fait, il se mit à appliquer du produit rouge généreusement, tout en tremblant encore.

- ...enroulez... les bandages... Très serrés... s'il-vous-plaît...

Son regard bleu revint sur Léo, qui put maintenant y lire un total épuisement. Stein se mit à tousser, encore, faisant couler un peu plus de sang de son masque.

Leo hocha la tête et commença à enrouler autour du bras de Stein les bandages qu’il avait préparés. Une partie de lui restait entièrement focalisée sur la tâche qu’il devait accomplir… mais une autre part commençait à porter un peu plus attention à ce qui se passait.

Sous ses doigts, à travers les bandages, il pouvait presque sentir la chair de l’élu bouger, se remodeler ; même à travers l’épaisse couche de cataplasme on pouvait voir des points de lumière bleue à la surface de la peau ; et un être humain normal aurait déjà perdu connaissance après avoir perdu autant de sang… Il savait que le corps de Stein était en proie à des changements perpétuels mais il ne s’était jamais douté que les changements en question pouvaient être si violent.

Il noua les extrémités du bandage déjà rouge et entreprit de nouer le prochain. Tellement de questions passaient par la tête du jeune homme en ce moment, mais il se doutait que ce n’était aucunement le moment pour les poser. Une seule refusait de quitter son visage : « comment faites-vous pour endurer ça ? ». Il travailla en silence jusqu’à ce qu’il eut terminé. Il dut ramasser une bonne dose de son courage pour finalement ouvrir la bouche.

"Vous seriez vraiment resté là à souffrir seul si je n’étais pas entré ? "

Il n’y avait aucun reproche dans la voix du jeune homme. Jamais il ne se serait permis de faire la morale à l’élu du secteur scientifique. C’était une question honnête, à une personne trouvant la force de dire « s’il vous plait » même en proie à une souffrance pareille.

Le généticien se laissa faire et serra les dents. Il ne fit pas un son, gardant sa douleur pour lui, mais Léo pouvait capter le grincement de ses dents, sa respiration qui se faisait plus difficile, sèche, et même ses muscles se crisper dans un son de déchirement subtil, mais présent. Le bras de l'Élu était réellement entrain de changer, là sous les yeux de l'ingénieur. Là où il y avait habituellement la peau, il n'y avait maintenant rien. Ladite peau semblait avoir fondu et avait pris une texture étrange, froide. On aurait eu l'impression un métal avec la texture du cuir plutôt que le derme d'un homme d'âge mûre. Les muscles, eux, entre le sang épais qui sortait des tissus, reflétaient faiblement la lumière, encore une fois comme une sorte de métal. On ne distinguait plus où la transformation commençait et où elle s'arrêtait. Les masse bioluminescente, elles, semblaient intimement reliées avec le système nerveux et brillaient un peu plus quand les pics de douleurs arrivaient.

Le bruit de déchirement se fit entendre de nouveau, et Léo put sentir quelque chose claque sous ses doigts alors qu'il finissait d'enrouler les bandages. Le son d'après, lui, fut beaucoup plus lugubre, ressemblant à s'y méprendre à un os qui casse. L'épaule sembla baisser d'un niveau à ce moment, et Ulrich passa près de tourner de l'œil.

L'Élu prit tout de même le temps de respirer, du moins essaya de le faire. Il semblait commencer à hyper ventiler, même s'il tentait, tant bien que mal, de contrôler le rythme de ses inspirations. La question de Léo resta quelques instants sans réponses, Stein étant simplement incapable de prononcer une seule parole. Puis, il répondit, d'une voix faible et brisée.

- ...personne... ne mérite de porter ce fardeau... j'ai l'habitude... je dois seulement attendre... que ça se stabilise...

Stein leva les yeux sur lui et eut un léger gloussement, à peine audible. Il baissa ensuite la tête et se crispa un peu plus, menant son autre main à sa poitrine. Ses yeux s'agrandirent, même, et cette fois, il se mit réellement à chercher son air.

- ...d-dernier... tiroir... du bureau... 300... v-vite...

Son regard devint un peu plus paniqué, mais il se força tout de même à se mettre sur le dos. Il défit même le devant de son manteau, se mettant à hoqueter.

À peine Ulrich avait-il finit d’énoncer sa demande que le jeune homme était déjà parti. Il atteignit le bureau et commença rapidement à fouiller dans le tiroir en question. Ses yeux s’écarquillèrent de stupeur en voyant l’objet qu’il renfermait.

Un défibrillateur…

Leo resta paralysé une fraction de seconde avant de se reprendre et d’accourir de nouveau près de l’élu. Il déposa la boite sur le sol et appuya sur les boutons nécessaires pour entamer le processus de chargement. Les chiffres montaient lentement sur le petit écran. 175, 180, 185… L’ingénieur appliqua un peu de gel conducteur sur les électrodes et observa les chiffres continuer de monter.

"Allez, Allez… "

Voir l’élu hoqueter de la sorte n’aidait pas le jeune homme à rester calme. Une petite voix dans sa tête n’arrêtait pas de lui murmurer ce qui allait se passer s’il ratait son coup et que l’élu mourrait dans ses bras. Était-il seulement en train de mourir ? Le cri aigu de la machine retentit et Leo braqua son regard dans celui de Stein. Il posa une main sur le bouton de mise en marche.

"Attention, un, deux... Trois !"

Il pressa le bouton et plaqua les électrodes sur le torse de Stein. Un au-dessus de la clavicule droite, l’autre sous le pectoral gauche.

L'Élu le laissa chercher et revenir. Que pouvait-il faire de plus, de toute manière? Il s'était mis sur le dos et avait dégagé sa poitrine de son manteau, mais il n'avait pas enlevé la combinaison caractéristique qui le recouvrait. Dans tous les cas, il semblait tristement habitué de faire ce genre de chose, de par sa rapidité à remarquer son état et également sa rapidité à se mettre dans une bonne position.

Les chiffres montèrent lentement, effectivement. Quand ce fut prêt, et que Léo mit le défibrillateur en marche, Stein échappa un grognement de douleur. Son corps au grand complet se tendit et se cabra sous le choc. Ses yeux s'étaient injectés de sang, d'ailleurs, et une petite odeur de roussi flottait maintenant dans l'air.

- ...e-encore...

Les mots lui avaient été difficiles à dire. Son regard resta sur Léo, mais il semblait faiblir. Avoir de la difficulté à rester conscient. Sans air, il étouffait.

Les chiffres montèrent encore ridiculement lentement, dans tous les cas. L'ingénieur avait là en effet tout un problème. Que se passerait il si on le découvrait avec le cadavre encore chaud de Stein?

Une fine couche de sueur commençait à couvrir le front de l’ingénieur, qui faisait preuve d’un sang-froid exemplaire mais qui commençait à être dépassé par la situation. Il avait beau avoir une formation médicale assez complète il n’avait pas l’habitude de ce genre d’évènements et encore moins d’être en charge que tout se passe bien.

Ce n’était pas bon… normalement le défibrillateur devant arrêter le cœur puis le repartir… si Ulrich était encore capable de lui parler il y avait un problème. Avec littéralement la vie de l’élu entre les mains (du moins c’était tout ce que son cerveau trouvait à lui dire pour le rassurer), Leo attendit encore une fois la montée des chiffres salvateurs sur l’écran.

"Allez espèce de…"

Le cris se fit de nouveau entendre et l’ingénieur s’empressa de reprendre les électrodes.

"Attention, un, deux, TROIS!"

Il apposa de nouveau les électrodes sur le torse de Stein, anticipant la suite des opérations de plus en plus délicates.

Le cri salvateur de la machine se fit entendre, le courant traversa de nouveau l'Élu, le corps se cabra... puis Ulrich se mit à tousser, longuement. Il leva mollement sa main "fonctionnelle", pour faire signe à Léo de ne pas recommencer, puis apposa deux doigts contre sa jugulaire. Les secondes passèrent... et il laissa finalement tomber sa main sur le sol, dans un bruit humide.

- ...merci...

Il n'ajouta rien, toussa encore un peu, puis reprit son souffle. C'était fini tout aussi rapidement que ça avait commencé. L'Élu ramena toutefois son regard sur Léo, qui brillait toujours, et il grogna tout bas.

- ...je dois... me redresser...