Entre quatre murs (DM & Leo)

La scène sembla se figer un peu quelques instants. Gabrielle n'osait pas bouger, ni parler, malgré que la main sur son épaule la rassure un peu. Les deux autres restaient totalement silencieux eux aussi. Amon contrairement à Hékathon, jouait avec ses mains nerveusement et regardait un peu partout. Visiblement, la situation semblait difficile pour ses nerfs, en ce moment. Le Mutalythe, lui, semblait totalement froid, comme à son habitude, et restait bien droit. Son regard était d'un sérieux glacial et on ne captait presqu'aucune compassion de sa part. À la question, par contre, ce fut lui qui répondit, avançant de quelques pas.

- Son corps n'a montré aucun signe de rejet au changement des connecteurs. Nous avons pris la liberté de faire un nettoyage de ses systèmes, pour les zones que nous avons mis à jour. Je ne vous mentirai pas, le dernier traumatisme que son corps a subi a brûlé quelques terminaisons nerveuses. Les modifications sont également très difficiles pour son corps, ce qui nous oblige à opérer par sections. Nous allons garder la tête en dernier, comme les dommages qu'il a subi à cet endroit sont les moins importants, mais que les modifications seront les plus délicates à faire. Il était mal en point, mais il ne peut qu'aller mieux, maintenant.

Gabrielle écouta attentivement, puis examina de nouveau son frère du regard, avec attention. Elle fronça les sourcils, l'air dévastée et inquiète, mais aussi contrariée.

- ...pourquoi avoir couvert l'un de ses yeux?

La question sembla rendre Amon encore plus nerveux, anxieux même. Hekathon, lui, ne broncha pourtant pas, de son côté. Il jeta un regard sévère à l'Altéré, par contre, qui se ressaisit instantanément.

- Le court-circuit qu'il a eut dans la zone du nerf oculaire à causé une cécité permanente. Il ne voit plus de cet œil. Avec sa permission, nous allons le remplacer. Pour l'instant, nous avons préférer le couvrir pour qu'il ne travaille pas inutilement. Écoutez, mademoiselle… votre frère va bien aller. Il va s'en tirer. Par contre, j'ai cru remarquer qu'il était du genre très protecteur. Il va avoir besoin que vous soyez forte. Même si vous êtes inquiète, essayez de garder une certaine contenance. Il va rester dans le bloc médical pendant quelques jours, le temps que nous terminions, oui, mais aussi qu'il se repose. Ensuite, je vous promet qu'il se sentira mieux que jamais.


Gabrielle fixa Hekathon quelques instants, puis acquiesça lentement en baissant la tête. Elle ramena ensuite son attention sur son aîné, glissa sa main sous la couverture et alla lui prendre la main, très doucement. Le contacte sembla infiniment la rassurer, mais ramena également les larmes à ses yeux.

Leo hocha gravement aux propos d’Hakathon et détourna rapidement le regard.

"Merci messieurs."

Il avait les informations dont il avait besoins et il avait beaucoup de difficulté à gérer ses émotions en ce moment. Sa main posée sur l’épaule de Gabrielle demeurait douce et réconfortante, mais son autre main était maintenant réunie en un poing douloureusement fermé. Lionel avait perdu un œil… Tout ça pour l’atteindre, lui. Pipes allait devoir répondre de ses actes. Une bonne dose de colère se rajoutait maintenant à ce qu’il ressentait mais, fidèle a ses habitudes, il entreprit de se calmer, de tout refouler pour gérer ses émotions a un moment plus opportun. Pour le moment son amie avait besoins de support.

Il une grande inspiration et expira lentement. Il remit de l’ordre dans ses idées et quand il se sentit assez stable, posa enfin son regard sur la jeune femme.

"Il n’aura plus de crises quand ce sera terminé, tu te rends compte ? Il va pouvoir vivre sa vie et reprendre du service."

La perspective était rassurante, surtout quand Leo savait à quel point l’oisiveté avait été dure sur l’esprit du gardien. Il guetta la réaction de son amie, sa main toujours en support sur son épaule.

Hekathon se contenta d'acquiescer lentement, puis recula un peu. Il s'éloigna avec Amon et les deux se mirent à chuchoter, tout bas, dans leur coin.

Gabrielle resta immobile quelques secondes, l'air lunatique. Les paroles qu'elle avait entendues l'avaient rassuré et horrifié en même temps. La jeune femme ne savait pas trop quoi faire de tout ça.

- ...il va aller mieux...c'est ce qui compte... je... merci, Léo. Pour tout. Je vais rester avec lui...

La jeune femme se pencha sur le lit, appuya sa tête contre Lionel et ferna les yeux. Toutes ces émotions semblaient l'avoir épuisée.

Leo acquiesça lentement et retira sa main de l’épaule de sa compagne avant de reculer un peu pour leur laisser de l’intimité.

"Je vous laisse quelques instants… je… je reviens…"

Il avait réussit a empêcher sa voix de trembler, mais toute trace de sourire avait disparu de son visage maintenant que Gabrielle ne le regardait plus. Il se détourna pour regarder la porte un instant.

« Merci pour tout… »

C’en était trop… Leo marcha lentement vers la sortie sans se soucier d’Hekathon ou d’Amon. Ses oreilles bourdonnaient et il ne savait plus où ranger les émotions qui le submergeaient. Il avait besoins de deux choses en ce moment : de l’air et être seul. Une fois sortis de la salle le jeune homme continua de marcher, d’un bon pas, jusqu’à ce qu’il trouve enfin une salle inoccupée. Il y entra, ferma la porte et laissa enfin céder le barrage qui retenait tout ce qu’il gardait pour lui depuis le début de cette histoire. Il sentit ses jambes céder sous lui et il dut s’appuyer contre le mur d’en face pour rester debout. Il avait mal, sentait la culpabilité le ronger de l’intérieur et était en proie à une fureur comme jamais il n’en avait ressentie. Il avait envie de se rouler en boule, de se pendre et de tuer. C’est à peine s’il se rendait compte qu’il avait commencé à pleurer. Il resta là pendant de longues minutes à laisser le flot d’émotion quitter son esprit surchargé avant de reprendre un semblant de contrôle. Assez pour se tourner dos au mur et lentement se laisser glisser jusqu’au sol. Il prit une grande inspiration, complètement vidé, renifla un bon coup et se passa une main tremblante dans le visage.

Et maintenant ?

Il soupira. Lionel était stable et allait prendre du mieux. Gabrielle était morte d’inquiétude mais au moins elle n’avait rien. Stein était déclinant, les nomades étaient sains et saufs mais cloîtrés a l’intérieur du manoir et Leo… Leo était enfoncé jusqu’au cou dans une histoire qui défiait les lois naturelles de ce monde. Il était en une nuit devenu un instrument de pipes, l’héritier de la famille Stein et le sauveur d’une équipe de reconnaissance extra-terrestre.

Ça en faisait beaucoup a digérer. Il resta encore un moment appuyer contre le mur, le temps de reprendre ses esprits. Il n’était définitivement pas prêt à retourner affronter la réalité tout de suite.

Le jeune homme s'en fut, observé autant par Hekathon que par Amon. Aucun des deux n'avait directement suivit Léo, probablement pour lui laisser un peu de paix, mais après une dizaine de minutes, on cogna à la porte où se trouvait l'ingénieur. Ce fut la voix monotone d'Amon qui se fit entendre, teintée d'une inquiétude toute sincère.

- Léo? Tout va bien? J'entre, d'accord?

L'Altéré n'attendit pas réellement de permission et entra doucement dans la pièce. Il observa Léo quelques secondes, referma la porte puis approcha très lentement de son cadet. L'inquiétude marquait ses traits, assez qu'il en semblait également nerveux. Sa queue se déroulait et se roulait de nouveau, dans un balancement rapide, instinctif.

- ...tu sais… nous faisons partie de la même équipe, maintenant… Si tu as besoin de parler, je suis là pour écouter… Je sais que les choses ne sont pas faciles, dernièrement… probablement pas totalement, mais je vois que le poids sur tes épaules est lourd...

Le généticien soupira doucement et s'agenouilla devant Léo. Ses grands yeux cuivrés l'observaient toujours attentivement.

Leo ouvrit la bouche pour répondre mais la referma rapidement en voyant la porte s’ouvrir. Il soupira, ne tentant même pas de rajuster quoi que ce soit au portrait qu’il offrait en ce moment. Il écouta attentivement les paroles de l’altéré et eut un long soupir. Par où commencer ?

"J’apprécie énormément, Amon. Vraiment. Mais je ne sais pas exactement ce que je suis en mesure de révéler ou non…"

Il soupira. Beaucoup de choses avaient étés énoncées uniquement en présence des gens concernés et il avait peur de ce que la propagation de ces informations pouvait faire.

"En ce moment la seule chose que j’ai de la difficulté à digérer est la pensée que je suis à l’origine de ce qui est arrivé à Lionel. Il a accepté de m’aider et résultat : il reçoit une décharge suffisante pour lui brûler le nerf rétinien… "

Leo serre les poings et lutte pour ne pas retomber dans le chaos émotionnel dont il vient juste de sortir.

"Tu fais déjà tout ce que tu peux pour m’aider en t’occupant de Lionel."

Il soupira et planta son regard vert dans celui, cuivré, de son aîné.

"Tu voulais me poser une question tout a l’heure… c’est un bon moment maintenant. "

Amon sembla dépité par ses paroles, surtout parce qu'il ne pouvait pas faire grand chose, et ne comprenait pas réellement plus de choses non plus. Il continua d'observer Léo tout de même et joua doucement avec ses propres mains, comme il semblait avoir l'habitude de le faire quand il était nerveux. Leurs regards se fixèrent l'un dans l'autre, et l'Altéré eut un long soupir. Il prit une bonne inspiration…

...puis l'enlaça de manière amicale, toute protectrice. Le mouvement avait été très doux, sans brusquerie, et sa prise n'était pas solide: Léo pouvait s'en défaire à n'importe quelle seconde. Il lui fit tout de même cette accolade, qu'il semblait juger d'actualité, puis se recula suite à quelques minutes… ou quand le jeune homme se dégagea de lui-même.

- ...maintenant j'ai l'impression que je peux parler… Même si ma question me paraît totalement inconsidérée pour toi, dans le moment… Je...

Amon se tut, regarda un peu le sol, puis ramena son attention sur Léo.

- ...nous avons eu une lettre d'Ulrich, ce matin. Elle disait que mademoiselle Gabrielle et toi feriez officiellement partie de l'équipe, même quand le Brachium sera fini… alors, et bien… j'aimerais me montrer présent pour mon nouvel équipier.

Leo se figea un moment devant cette accolade soudaine, mais rapidement l’altéré put sentir le jeune homme devenir mou comme une guenille. Il profita pleinement du support qu’il se faisait offrir en ce moment et ne fit aucun mouvement pour se dégager, enroulant même ses bras autours de l'altéré pour répondre a l'accolade.

Maintenant qu’il avait évacué ce qu’il avait besoins de laisser sortir il avait besoins de tout le support qu’il pouvait avoir.

Lorsque le contact fut rompu, organiquement, Leo prit un instant pour essuyer ses yeux avant de regarder son collègue. Il hocha la tête à la nouvelle. Il n’était pas surpris suite a tout ce qui venait de se passer… comme si toutes les expériences qu’il avait vécu avec Ulrich avaient en quelque sorte vendu la mèche. Il se contenta d’un sourire faible.

"Tu peux poser ta question. Je… ça va. "

Amon le garda un petit moment contre lui, sans réellement se presser. Lui qui semblait ne pas aimer les contactes physiques, habituellement, il avait outrepassé ce blocage dans ce moment de besoin. Voir que la chose avait fait du bien à Léo sembla le rendre un peu plus calme, lui donner un minimum de soulagement, même. Un stricte minimum.

- ...si tu insistes… Je… je sais que tu étais avec Ulrich, hier… je ne veux rien savoir, très franchement. S'il veut me parler de ce qui s'est passé, il le fera lui-même… Mais… comment va-t-il? Après avoir senti et vu tout ce sang… la question m'a obnubilée toute la nuit… je… je dois savoir...

L'altéré le regarda de nouveau, timidement maintenant. Sa queue s'enroula autour de son abdomen et il joua avec son extrémité, nerveusement. On voyait toutes les petites manies du Cantoris sur Amon, ce qui prouvait que le mélange avait été bien fait.

Leo hocha lentement la tête et se passa une main dans les cheveux.

"Il est stable. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il va bien mais compte tenu de sa condition ce n’est pas trop mal. Il est entre de bonnes mains et il se repose en ce moment."

Il soupira. Il se doutait que ce n’était pas là les nouvelles qu’il aurait aimé recevoir. Un détail sembla revenir à Leo.

"Je…"

Il fit très attention sur la manière de formuler la suite.

"Tu connais quelque chose sur les cellules souches ? Un phoetus est vraiment la seule manière d’y avoir accès ?"

C'était là la clée pour stabiliser l'état de Stein, non ? Peut-être que si il en parlait a d'autre ils pourraient trouver une solution. Tous ensemble ?

Peut-être ces paroles n'étaient pas celles qu'Amon aurait aimé recevoir, mais elles semblaient définitivement le rassurer au plus haut point. Il soupira longuement et eut un petit sourire de soulagement. Petit, subtile, mais tout de même là.

La question qui suivit, par contre, sembla le rendre nerveux, le surprendre même. Ses pupilles se dilatèrent presque totalement, et il se remit à jouer avec ses mains. La nervosité l'avait repris à la gorge.

- ...je… comment as-tu….? Oh, peu importe le comment. je...

Amon observa autour, tendit l'oreille un peu, puis quand il eut la confirmation que personne ne les écoutait, il se tourna vers Léo de nouveau.

- ...je sais ce qu'elles sont, oui. En théorie, le seul moyen d'en avoir est en prélèvement sur un fœtus, oui… Mais… je suis certain qu'on pourrait en synthétiser d'une certaine manière… Je… j'avais soumis le projet à Ulrich, avec Matthew… Hekathon avait approuvé nos théories et nos potentielles méthodes de fonctionnement… mais Ulrich a refusé que nous nous intéressions à ce projet. Il disait que ce serait "une perte de temps vu que ça ne profiterait qu'à lui", et je le cite ici… Je...

L'Altéré soupira longuement, puis se massa les tempes, utilisant ses mains supérieures.

- ...je ne veux pas jouer dans son dos, du tout. C'est la dernière chose que je veux faire. Mais… avec un bon échantillon de ses tissus à lui… nous serions probablement capable de synthétiser quelque chose…

Amon eut un profond soupir, puis regarda Léo. Il semblait dépité et épuisé, lui aussi, par les émotions.

La mâchoire de Leo tomba sur le sol suite aux paroles d’Amon.

"Quoi ?!"

Il prit un moment pour digérer l’information, toujours sidéré.

"Vous voulez me dire qu’une solution éthique existe a son problème, que vous le lui avez proposé et qu’il a refusé de se laisser aider ?!"

Leo serra les dents.

"Donnez-moi quelques jours le temps que je puisse lui parler de nouveau et vous aurez votre échantillon. Préparez le nécessaire en attendant. Je veux tout connaître de la procédure, je veux arriver devant lui avec un dossier béton pour lui montrer que c’est faisable de le sauver ou du moins de l’aider simplement avec un peu de temps et d’effort. "

Il soupira. A moins qu’Ulrich ait des idées suicidaires c’était tout simplement aberrant de refuser l’aide de gens qui tenaient à lui. Peut-être que maintenant qu’ils étaient plus proche il serait en mesure de pousser Ulrich a accepter ?

Dans cet instant précis, Amon sembla être la personne la plus vulnérable et misérable de l'État. Lui aussi semblait outré de voir qu'Ulrich refusait les chances qu'ils voulaient lui donner, mais c'était visible qu'il avait arrêté de se battre depuis un moment. Il semblait las de toujours buter contre le refus de Stein.

- ...la solution existe. Oui… mais elle serait longue. Le développement des tissus prendrait du temps. Aux vues de notre technologie actuel, on aurait besoin de faire la culture des tissus sur un hôte, ou encore de laisser Enzo s'en occuper sans arrêt… c'est faisable, oui...

Amon l'accompagna dans son soupir, puis se remit à jouer avec ses mains. Il en passa d'ailleurs une dans ses "cheveux", ébouriffant à peine le duvet turquoise qui recouvrait sa tête.

- ...je vais aller chercher le dossier du projet. Je l'ai encore dans mon bureau. Je vais te le donner ensuite… avec les ajustements qu'Enzo a eu, ces dernières années, on devrait être capable de faire quelque chose, de manière réaliste et dans un temps plus raisonnable...

Doucement, Amon se mit debout. Il s'étira un peu, tendit l'oreille quelques instants, puis regarda de nouveau Léo. Il se demandait visiblement s'ils avaient finit la conversation, ce qui allait se passer aussi… la journée semblait être un ramassis d'incertitudes pour lui.

Leo entreprit de se lever lui aussi.

"A tout le moins il va m’écouter… et à partir de là je réussirais peut-être à le convaincre. Je veux juste voir si quoi que ce soit dans la procédure pourrait le pousser à refuser le traitement. "

Il soupira. Il avait beau être officiellement l’héritier de la famille Stein le jeune homme préférait endosser ce titre après avoir eu le temps d’apprendre de son mentor. Ce serait une bonne chose de garder la boussole morale de l’état en vie le plus longtemps possible aussi… non ?

"Je retourne voir Gabrielle… Il va falloir qu’elle lâche la main de son frère si vous voulez continuer l’opération. "

Il prit une grande inspiration et retrouva un peu de contenance. A part ses yeux encore un peu rouge rien ne subsistait de son moment de faiblesse de tout a l’heure.

"Merci Amon. Pour tout. "

Il se prépara a se diriger vers la salle d'opération si rien d'autre n'était dit.

Amon acquiesça lentement, l'air un peu plus rassuré dans la situation. Il accompagna Léo jusqu'à la porte, puis s'arrêta en l'entendant parler de Gabrielle. Du fait qu'elle devrait lâcher son frère pour qu'ils puissent continuer.

Il eut un petit gloussement, à la fois amusé et découragé. Il tapota doucement l'épaule de Léo, pour le rassurer un peu, peut-être.

- ...nous ne continuerons pas aujourd'hui. Alors elle peut prendre son temps avec lui. Nous recommencerons demain. Pour le moment, il a besoin de repos...

L'Altéré lui offrit un doux sourire au remerciement, lui chuchota un "ce n'est rien", puis ouvrit la porte. Lui aussi retourna directement à la chambre du Gardien, aux côtés d'Hekathon, justement. Le mutalythe avait visiblement couvert Gabrielle d'une couverture.

La jeune femme, elle, était montée sur le lit et s'était blottie contre son frère. Contre toute attente, Lionel était réveillé, un bras passé autour de sa sœur, et lui caressait doucement le dos. L'ingénieure, elle, dormait profondément, à première vue.

Leo suivit le scientifique jusqu’à la salle d’opération et figea un bref moment en voyant que Lionel était réveillé. Il n’était pas prêt à ça… et se surpris à souhaiter qu’il soit encore endormis.

Lorsque cette pensée passa dans sa tête le jeune homme se fit violence et se força à continuer de marcher. C’était le coup qu’il lui fallait. La culpabilité faisait naître un réflexe de fuite qu’il détestait. Lionel était son ami. Il avait souffert. C’était en partie sa faute. La moindre des choses était de piler un moment sur ses sentiments et d’aller le voir pour s’assurer qu’il aille bien.

Il franchit rapidement la distance qui le séparait du lit et vint s’asseoir doucement sur la chaise précédemment occupée par Gabrielle. Il regarda un moment Lionel et lui offrit un sourire qu’il voulait encourageant avant de parler.

"Bonjour Lionel… comment tu te sens ? "

Il avait hésité un peu. Qu’il le veuille ou non sa gorge s’était serrée.

Les deux membres de l'équipe d'Ulrich restèrent de leur côté et subtile, assez que personne ne les entendait. Ils étaient simplement deux présence presque rassurante, compte tenu qu'ils pouvaient tous deux aider Lionel si quelque chose de mal arrivait au Cyborg.

Le Gardien ne le remarqua pas immédiatement et ne le vit donc pas hésiter. Il fixait le plafond, l'air lunatique, épuisé… mais au moins avait-il l'air de moins souffrir un peu. Quand Léo approcha, par contre, il le regarda du coin de l'œil. On peut deviner un sourire sur son visage, de par les pattes d'oies qui apparurent dans le coin de ses paupières. Il était heureux de le voir.

- …hé… Léo… je me sens mieux… on peut… je vais bien…

Sa voix était faible, mais tout de même audible. Sont on laissait deviner qu'il était engourdis, probablement sur des anti-douleurs assez forts.

- ...pour ce que je sens… je me sens mieux… toi…? Ça s'est bien passé?

La question avait été toute simple, mais voulait tout dire. Il observait Léo, d'un œil entrouvert, et prenait son temps. Sa main continuait de machinalement caresser le dos de sa petite sœur, qu'ils ne réveillaient pas malgré leurs paroles.

Leo hocha lentement la tête, mais un peu d’hésitation se fit voir sur son visage.

"Tous les nomades sont en sécurité chez monsieur Stein. "

Il prit une grande inspiration avant de continuer.

"Et j’ai réussis à récupérer Thyrînn. Il est en parfaite santé. "

Leo espérait sincèrement que Lionel n’allait pas continuer ses interrogations… parce qu’il ne serait pas capable de lui mentir sur son propre état. Il préférerait de loin avoir cette discussion une fois Lionel en rémission. Le moment lui semblait mal choisis pour l’inquiéter d’avantage.

Le Gardien l'observa et acquiesça très lentement. Que tout se soit bien fini semblait infiniment le rassurer. Il se permit même un soupir, à peine audible, puis gloussa un peu.

- ...au moins... je suis content, alors...

Son oeil se fixa sur Léo et il le fixa, longuement. Il le détailla avec beaucoup d'attention, puis soupira de nouveau.

- ...Léo... je t'interdis de t'en vouloir... d'accord? Mon travail... est de protéger les gens... parfois, je prends des coups... pour des gens qui ne le méritent pas... je suis heureux... que ça aie été pour un futur père... alors ne t'en veux pas...

Lionel étira le bras un peu et tendit la main au jeunr homme, avec lenteur. Sa main tremblait, mais il semblait décidé.

Leo sourit un peu, mais faiblement.

"Lionel je… "

Il s’arrêta. Sa voix tremblait et il sentait l’émotion monter lentement en lui. Il prit une grande inspiration et regarda la main de son ami avant de la prendre, doucement.

"Je vais me sentir coupable avec ou sans ta permission."

Il rit un peu, sans tristesse cette fois-ci. Il ne put s’empêcher de regarder un moment l’ensemble du lit, des bandages recouvrant le gardien…

"Je sais que tout le monde était consentant dans cette histoire. D’une certaine façon c’est génial que tes connections soient refaites, c’est juste que… j’aurais simplement aimé que… que ça arrive dans un autre contexte. "

Il s’arrêta là, visiblement incapable de continuer. Comment résumer tout ce qu’il ressentait ?

Dès que Léo prit la main du Gardien, il put sentir celui-ci la serrer, avec une certaine fermeté. Il voyait bien l'amalgame d'émotions passer sur le visage de son cadet. Là où Léo tentait parfois de les cacher, lui avait été formé pour deviner les réactions des gens. De les lire, un peu, en vue d'agressivité, de mensonges.

- ...prenons-le comme ça... c'est un petit mal... pour un grand bien... Imagines... je vais finalement... arrêter d'avoir mal... je vais savoir ce que ça fait... de ne plus avoir de crises... wow...

Le Gardien eut un petit rire, doux, puis toussa un peu. Sa poigne devint un peu plus molle. Il commençait à se fatiguer, le pauvre.

- ...après ça... on va tous marcher jusqu'à la Truffe...

Hekathon s'approcha alors, l'air sévère.

- Je suis désolé, Léo, mais il va devoir se reposer. Pour l'instant, nous allons laisser Gabrielle dormir, mais quand elle va se réveiller, nous allons la transférer dans une autre salle... Vous reviendrez plus tard.

Lionel eut un soupir de son côté, mais ne s'obstina pas. Le docteur avait raison, dans tous les cas.

Leo était sur le point de répondre quand Hekathon intervint. Il referma lentement la bouche et se leva lentement, un peu piteux. Il était très émotif de voir Lionel en si bon état moral… et encore plus de voir qu’il ne lui en voulait réellement pas. Il resta debout un moment à regarder ses amis, sans savoir quoi dire à cause de l’émotion avant que la directive du responsable ne lui revienne a l’esprit.

"Oui oui, bien sûr je… j’y vais. "

Il tourna les talons et fit quelques pas avant de s’arrêter. Il se retourna.

"Prends soins de toi Lionel."

Et il sortit. Voir ainsi le frère et la sœur déployer autant d’affection et garder le moral avait rassurer Leo a un point où la culpabilité se changeait lentement en admiration. Il sourit, se surprenant a penser que Lionel s’entendrait probablement très bien avec sa sœur, Annabelle.

Leo sortis de ses pensées un peu plus loin, à la sortie de l’aile médicale du complexe. Gabrielle était entre de bonnes mains, Lionel aussi… Même racaille était au chaud et en sécurité. Il était rassuré. Maintenant il ne restait plus qu’à aller chercher le dossier dont Amon lui avait parlé et de revenir au manoir pour convaincre Ulrich de se faire soigner. Facile.

Tout le monde dans la pièce, à l'exception de Gabrielle, le regarda partir. Amon se dépêcha, par contre, de lui emboîter le pas. Pour toute réponse, de son côté, le Gardien se contenta de lui faire un pouce en l'air, Léo étant un peu trop loin à son goût pour lui répondre de vive voix.

Le jeune ingénieur sortit, accompagné de l'Altéré, et Amon se mit ensuite en route vers son local. Le généticien ne parlait pas et avançait assez rapidement, nerveusement peut-être. Les couloirs défilaient autour d'eux, les gens circulaient, comme ils le faisaient à tout les jours… Personne, sinon eux, ne semblaient affectés par les derniers évènements. C'était à croire que Léo et ses amis étaient les seuls sous l'influence d'un mauvais sors.

Le duo se rendit au bureau d'Amon, et celui-ci y entra rapidement. Sa compagne de travail n'y était pas, contre toute attente. L'Altéré prit quelques bonnes minutes à fouiller, minutes pendant lesquelles Matthew vint se poster près de Léo, l'air lunatique.

Leo avait suivi l’altéré sans même avoir besoins de parler. La destination était claire, après tout. Son moral semblait aller en s’améliorant et il semblait plus détendu qu’à son réveil. Dire qu’il allait « bien » était peut-être un peu exagéré. Mais il allait « mieux », ça c’était certain.

L’ingénieur attendait patiemment qu’Amon trouve le document nécessaire lorsqu’il vit Matthew se positionner près de lui. Il sourit en secouant la tête. Et dire qu’il se trouvait lunatique… il n’était définitivement pas de taille face au scientifique.

"Salut Matthew... tu cherches quelque chose ? "

Amon cherchait, encore et encore. Le projet datait d'un moment, déjà, et il l'avait rangé dans ses dossiers. La question du moment était le "0ù", bien entendu. Peut-être le document avait été déplacé, ou alors Tania l'avait mis ailleurs, par mégarde. Dans tous les cas, l'Altéré commençait une belle suite de jurons, marmonnés à voix basse, de son ton encore et toujours aussi monotone.

Matthew, lui fixait droit devant lui, avec un air très lointain. Son albinisme ajoutait un côté un peu surnaturel à tout ça. Son regard, qui se tourna très lentement vers Léo, termina d'ajouter un côté ralentit à la scène. Réellement, on se demandait parfois comment Matthew avait eu son poste.

-...bonjour… j'attends… Je dois parler à Amon… un homme bizarre est venu, hier… encore. Mais ce n'était pas le même bizarre que d'habitude… une autre sorte de bizarre…

Malgré qu'il soit dans la pièce, Amon répondit. L'Altéré avait l'oreille fine, après tout.

- C'était le nettoyeur d'Ulrich, Matthew. Je n'arrête pas de te le dire… Il a eu un incident, hier. Son nettoyeur est passé.

L'albinos cligna des yeux quelques fois, puis acquiesça très lentement. Il fit un demi-sourire, comme s'il se trouvait un peu stupide, ce qui lui donna l'air d'un gamin, un peu.

- Ah… j'oublis toujours qu'il a un nettoyeur… j'espère qu'il va aller mieux… je vais lui faire sa tisane préférée quand il va revenir… En plus, le nettoyeur lui a laissé un sac… ce doit être un cadeau…