Convictions et Persuasion (Leo&MJ)

La journée touchait a sa fin lorsque Leo atteingnit finalement les portes du manoir Stein. Ses bottes étaient trempées de neige, ses épaules basses... il était incroyablement fatigué de sa journée et il devait en avoir l'air... aussi prit-il un petit moment, devant la porte, pour s'arranger convenablement, prendre une grande inspiration et se redresser en une pose plus naturelle.

Il allait devoir encore une fois apporter une nouvelle aussi étrange qu'inquiétante a son mentor... et il allait devoir compter soit sur le bien fondé de ce que Pipes tentait de faire, soit en la présence d'une solution alternative. Il soupira, tendit la main et frappa a la porte.

Peut-être trop tôt pour le jeune homme, la porte s'ouvrit. Derrière elle se tenait Amaz, comme toujours, qui sembla exulter de joie à le voir. La machine lui fit signe d'entrer, joyeusement, sautillant presque sur place.

- Monsieur Steinhart! Nous ne vous attendions pas! Entrez, entrez! Je suis heureux de vous voir! comment allez...

Les mots cessèrent de couleur comme une chute d'eau. Son regard examina Léo. La machine venait de comprendre que le jeune homme, malgré les airs qu'il voulait se donner, était épuisé. Loin d'être à son meilleur. Que quelque chose n'allait pas.

- ...je suis désolé, je... Voudriez-vous prendre le temps de vous ressourcer avec un thé? Le père d'Ulrich trouvait toujours la chose agréable, avant une rencontre difficile... Est-ce pour cette raison que vous êtes là? une... rencontre difficile?

Un ton inquiet s'était glissé dans le vocalisateur de l'androïde, qui le fixait sans plus savoir quoi dire.

L'ouverture de la porte arriva en effet un peu trop tôt au gout du jeune homme, qui avait quand même eut le temps de retrouver un semblant de contenance.

Il écouta attentivement le discours d'Amaz, s'étonnant encore une fois de la facilité avec laquelle il arrivait a considérer comme une personne la machine se tenant devant lui. Certaines de ses connaissances auraient sans doute eut une certaine réticence a traiter comme tel un amas de métal, d'engrenages et de circuits électroniques, tout aussi sympathiques soient-ils... Mais pour Leo ça importait peu. Il avait un ami en face de lui, un ami inquiet qu'il tenta de rassurer en levant une main calme.

"Je vais bien Amaz... c'est juste... ça a été une dure journée et... j'ai en effet une rencontre difficile a préparer."

Il ne voyait aucune raison de cacher quoi que ce soit a l'androïde. De tout façon peu importe a quel point il essayait de camoufler ses émotions son corps et son visage le trahissaient, manifestement. Il soupira.

"Je ne dirais pas non a une tasse de thé, ceci dit..."

Il esquissa un sourire franc pour remercier Amaz de son offre.

L'androïde acquiesça, le plus naturellement du monde. Après tout, il avait travaillé avec maintes générations de Stein. Il devait être habitué à des réponses qui en disent juste assez, ou encore, aucune réponse du tout.

Il fit donc signe à Léo et le guida jusqu'à la grande cuisine. Tout étais somptueux, du four au charbon jusqu'aux chaises, mais surtout, grand, laissant deviner qu'à une époque, la famille devait être plus fournie. Ça, ou bien le manoir avait plus de visiteurs.

Amaz se mit tout de tête au travail et alluma le charbon, d'un genre de torche dissimulée dans l'un de ses doigts. Il déposa une théière faite exprès pour le four sur un réceptacle, puis ajouta un mélange d'herbes fraîcches dans un infuseur. Il avait l'habitude et le faisait avec une joie non-dissimulée.

- Venez-vous lui parler de sa santé? Je sais qu'il voulait vous montrer les Archivistes. Même s'il n'est pas en état. Il m'aurait probablement demandé de vous guider. Aaaaah, comme il me fait penser à son père... tous deux sont têtus comme un âne et doneraient tout ce qu'ils ont pour les autres... Madame Stein était beaucoup plus logique sur ce fait. Je... m'ennuis d'eux, parfois. Mais... pas autant qu'Ulrich.

L'androïde se déplaça rapidement dans la pièce, fluidement aussi, s'empara d'une tasse et petite assiette, puis versa son thé à Léo. L'odeur était boisée et mentolée. Un petit biscuit aux amandes se rajouta dans l'assiette, qui fut finalement tendue à l'ingénieur.

Leo suivit l’androïde dans la cuisine, s'assit un peu plus lourdement qu'il ne l'aurait voulut sur l'une des chaises (son corps lui faisait encore un peu mal de sa "rencontre" avec Heimpher) et observa le manège de son hôte avec un sourire attendrit. La simple présence d'Amaz avait le don de faire sourire l'ingénieur, pour une raison qu'il n'arrivait pas encore tout a fait a cerner.

Il écouta attentivement et inclina doucement la tête en signe de remerciement lorsqu'il reçut sa tasse de thé. Malgré la chaleur il en prit une petite gorgée et aussitôt une partie de la pression qui l'habitait sembla le quitter.

"Au risque de me répéter, Merci beaucoup, Amaz... c'est... exactement ce dont j'avais besoins."

Il sourit, prit une nouvelle gorgée de thé et déposa son assiette sur la table avant de répondre, sans sourire.

"De sa santé... On pourrais dire ça, oui."

Il soupira et se passa une main dans le visage.

"Pipes m'a... recontacté. Il a peur qu'Ulrich ne meure avant de m'avoir transmit son savoir."

Il n'y avait malheureusement pas de manière plus douce d'annoncer ce genre de choses. Nouvelle gorgée de thé, qu'il accompagna cette fois d'une bouchée de biscuit. La saveur explosa dans sa bouche, faisant presque mal... depuis combien de temps n'avait-il pas mangé ? Leo secoua la tête pour lui même. Son esprit était tellement occupé qu'il en négligeait son corps. Il commençait a ressembler a Stein, on dirait...

"Le... système qu'il m'a installé. Il l'a fait spécialement pour accueillir... enfin... les mémoires de monsieur Stein..."

Il leva un regard aussi fatigué que confu vers Amaz.

"Après avoir tant travaillé pour l'amener a accepter un traitement qui lui donnerait quelques chances de survie, je dois venir lui apporter un message défaitiste... et proposer une rencontre avec Pipes. Tu... comprends pourquoi je suis aussi pâle ?"

Il haussa les épaules, offrant un air désolé au robot.

La machine s'inclina joyeusement en entendant que le thé faisait du bien à Léo. Il semblait aimer faire plaisir aux gens et c'était facile à voir. Par contre, son maintient léger et dégageant la bonne humeur se mua rapidement en quelque chose d'un peu plus droit, tendu même. Entendre parler de Pipes ne lui faisait pas spécialement plaisir, sans le mettre autant en colère que Zama, cela dit, mais il n'aimait pas la chose. Parler de Pipes voulait dire parler de problèmes.

- Je... comprends. Je ne sais pas comment Ulrich va réagir. Par contre... je vais emener Zama avec moi pour votre discussion. Si vous voulez un entretient neutre, nous ne devrons pas être présents. Elle va être totalement contre. Déjà qu'elle insiste pour le retracer et le capturer...

La machine émit un soupir très réaliste et sembla penser. Elle mena une main à son menton, puis ramena son atention sur Léo.

- La bonne nouvelle est que cette technologie existe, alors il ne se joue pas de nous. Les Archivistes ont été créés avec ce genre de procédé. Il y avait également des capsules de scans fait à cet effet à bord du Pathfinder. Peut-être en a-t-il une opérationnelle. Dans tous les cas, si c'est bien vrai... il y a des chances que les connaissances des Steins ne disparaissent pas. Même si c'est d'une manière loufoque. Je... il va me faire plaisir de vous servir, monsieur Steinhart, quand vous hériterez de vous. Même si je n'ai pas nécessairement la hâte que ça arrive. Comprenez que j'aime beaucoup Ulrich, alors... je préfère en profiter pendant que vous êtes tous deux ici.

Amaz s'était presque mis au garde-vous sous ces paroles solonnelles. Il observait toujours Léo, mais semblait calmé, maintenant.

Leo n’interrompit pas son interlocuteur, à mi-chemin entre ses propres pensées et celles d’Amaz. Il finit par rire légèrement. Pour lui ce jour était encore si lointain… même s’il se doutait qu’il arriverait en fait bien plus tôt que prévu.

"Toi comme moi, Amaz. Ce jour arriverais dans cent ans ce serait encore trop tôt… "

Il avait confiance en ses capacités… mais la succession voulait automatiquement signifier la disparition de celui qu’il en était venu à appeler son mentor. Et il n’était pas encore prêt. Il soupira.

"Je crois en effet qu’une conversation seul a seul avec monsieur Stein serait préférable. Merci beaucoup."

Il se passa une main dans le visage, termina son biscuit et prit la dernière gorgée de sa tasse de thé pour faire passer le tout. Il paraissait infiniment mieux que lorsqu’il avait passé la porte, quelques minutes auparavant.

"Au fond ce n’est qu’une manière de… ça va sonner incroyablement froid, mais de sauvegarder des données très importantes. Ce que Pipes propose est sage, vu la situation. Le gros point sera de savoir, en fait, a quel point monsieur Stein est prêt a faire confiance a notre ami « Yfer Vross »."

Leo eut enfin le déclic. Il venait de mettre le doigt sur ce qui l’inquiétait.

"En fait j’ai peur que Monsieur Stein se fie sur moi et mon sens du jugement pour prendre une décision… et j’ai peut des conséquences de cette décision. "

L'Androïde acquiesça doucement à quelques-uns des paroles de Léo… dont celle faisant mention que ce serait une sauvegarde de données importantes. S'il trouvait la chose froide, il ne le disait pas nécessairement et ne le faisait pas voir.

- Ulrich ne laissera pas sa sécurité et la vôtre entre vos mains seules. Il croit beaucoup en vos instincts, mais il sait aussi comment considérer monsieur Vross, si c'est réellement lui. Depuis des lustres, nous entendons parler de ce personnage… Les parents d'Ulrich avaient des problèmes avec lui, et tout ceux d'avant Il n'y a qu'une trentaine d'années suite à notre arrivée sur ce monde qu'il n'a pas fait parler de lui… et je crois… savoir pourquoi.

L'androïde mena une main à son visage, comme s'il avait eu une illumination. Il resta totalement immobile, par contre. Peut-être prenait-il le temps de bien penser à tout ça, peut-être était-il simplement en petit bug passager… on ne pouvait pas réellement le savoir.

Un petit son se fit entendre, provenant des étages du haut, Un bruit mat, comme un objet qui serait tombé, puis quelques pas, un peu plus forts que la normale, précipités un peu. Rien d'autre ne se fit entendre ensuite.

Leo hocha doucement la tête, rassuré. Il haussa un sourcil lorsque l'androïde sembla émettre un semblant d'hypothèse, mais tourna bien vite le regard vers le plafond en entendant le bruit mât. Il tourna un regard interrogateur vers Amaz et se leva doucement, sans vraiment s'en rendre compte.

"Est-ce que c'est... on devrait aller voir ?"

L'Androïde n'eut pas de réaction directe aux différents sons. Par contre, les paroles de Léo le sortirent un peu de ses réflexions.

- Oh, Zama était entrain de faire une petite intervention de rien du tout. Probablement a-t-elle échappé quelque chose. Dans tous les cas, la chose qui est tombée n'a pas fait assez de bruit pour être Ulrich. Les pas n'étaient pas assez précipités pour que ce soit urgent. Et puis, nous n'avons pas entendus les injures en allemand qui accompagneraient une situation désastreuse...

Amaz se tut, semblant réaliser quelque chose, observa les dispositions de Léo, puis se frotta la tête dans un petit son métallique.

- Par contre, nous pouvons monter, si c'est ce que vous voulez… Vous êtes venu pour Ulrich, après tout. Une petite pause discussion lui fera du bien.

L'ingénieur prit un bref moment pour continuer d'écouter, toujours un peu inquiet.

"Non... je... ça va..."

Il soupira. Les derniers événements étaient en train de lui instiller une paranoïa certaine... Il espérait de tout cœur ne pas être coincé avec ce sentiment que quelque chose allait exploser d'une minute a l'autre. Il se rassit lentement, revenant vers l'androïde.

"Vous disiez ? a propos de Yfer ?"

L'androïde acquiesça doucement, sembla tendre l'oreille encore un peu, puis ramena finalement son attention sur Léo, totalement. Il eut un petit gloussement timide à la question, mais décida de ne rien cacher au jeune homme. Après tout, étant l'héritier d'Ulrich, il lui appartiendrait, un jour.

- La situation suite au crash du Pathfinder était assez... chaotique. L'équipage ne savait pas nécessairement quoi faire, quelques personnes d'autorités étaient mortes dans l'écrasement et nous nous retrouvions sur ce monde inconnu. Des votes ont été fait quant à notre futur. La majorité a décidé que nous repartirions à zéro. Yfer était de cet avis.

Les survivants ont décidés de démonter les composantes du vaisseau. Éliminer toutes traces du "avant". Ils ont détruit les technologies problématiques, qui auraient pû être nuisibles pour un nouveau départ. Ils ont fait diapraître tout ce qui avait rapport à notre monde d'origine, dont les cartes spatiales. Mais... Yfer était notre navigateur. Le seul, du moins, avec des modifications qui lui permetraient de parfaitement se rappeler des itinéraires et coordonnées, en plus d'avoir la longévité qui aurait pu saboter ce nouveau départ.

Je... crois que quelques extrémistes ont voulu l'abattre. La dernière fois que nous avons vu Yfer, il passait au milieu de la nuit pour dire à madame Stein de nous cacher. Puis... nous n'avons plus jamais eu de ses nouvelles. Pipes a fait surfave trente ans plus tard.

Amaz se tut et soupira longuement. Son regard était tourné vers l'entré, comme s'il revivait ce soir fatidique, cette dernière fois où il avait vu le navigateur.

Leo haussa un sourcil. Cette information amenait beaucoup de nouvelles données, sur les motivations possibles de Pipes. Sur la place des Steins dans Sicherheit, également... c'étaient les gardiens du savoir "d'avant". Transmettant les connaissances ne devant pas être perdue ni dévoilée avant le bon moment de génération en génération. Il regarda un moment Amaz, incertain.

"Les... ces gens voulaient vous détruire ? Zama et toi ?"

La machine n'hésita pas une seconde avant de répondre au jeune ingénieur. il n'y avait aucun doute dans sa voix. Tout sonnait... implacable et décisif.

- Ils ont voulu. Ils n'ont jamais pu. Nous étions cachés. Des mensonges sur notre destruction ont été dits. Ensuite, on nous a oublié... Sauf Pipes. Je... je suis certain qu'il est Yfer. Tout concorde trop bien... Mais je me demande pourquoi il a aussi mal fini...

Amaz émit un petit soupir, puis tourna son attention sur l'entrée, avant de ramener son regard sur Léo. Il ne savait visiblement pas quoi ajouter.

Le jeune homme soupira.

"J'imagine que lorsque tous le monde se tourne contre vous... des changements arrivent, tôt ou tard. J'imagine qu'il a eut ce qu'il voulait mais pas exactement de la manière dont il le souhaitait."

Il resta un moment silencieux.

"Au moins... il est rassurant de voir qu'il ne semble pas s'être tellement éloigné de l'objectif de départ. Son objectif reste, après tout, de garder un oeil sur les avancées technologiques."

Leo tourna lentement son regard vers les escaliers.

"Il va falloir que j'y ailles. Avant que je ne change d'avis."

Il avait l'air moins fragile qu'a son arrivée au manoir, même si il donnait encore l'impression d'être resté éveillé plusieurs jours sans dormir. Au moins, grâce a la tisanne et au biscuit, il était moins pâle.

Amaz se contenta d'acquiescer doucement, en silence. Il ne savait pas quoi dire, dans les faits. Le destin, les actes et le temps changeaient définitivement les gens.

Son regard suivit celui de Léo, se portant vers les escaliers, et il acquiesça encore doucement.

- Je comprends. Je vais monter avec vous et ramener Zama avec moi... question qu'elle vous laisse tranquille.

L'androïde approcha un peu, puis offrit une accolade au jeune homme, tout en lui tapotant le dos, délicatement. Le contact était froid, mais tout de même doux, la machine ne voulant pas lui faire mal.

- Tout va bien aller. Ne vous en faites pas.

Amaz recula ensuite, fit signe au jeune homme de laisser sur une petite table sa tasse, puis monta les marches, le précédent vers cet entretient particulier qui s'annonçait.

Leo répondit a l'accolade. Il lui faisait un peu drôle de serrer ainsi un robot dans ses bras... mais juste quand il eut cette pensée, il réalisa qu'il avait toujours considéré Amaz et Zama comme des personnes a part entière et non pas comme un assemblage de pièces mécaniques et electroniques. Il aurait aimé répondre "je sais"... être assuré, montrer qu'il savait ce qu'il faisait. Au lieu de ça Leo regarda en direction de l'escalier et se contenta de murmurer.

"J'espère..."

Puis il se dirigea vers la chambre d'Ulrich, montant une a une les marches de l'escalier menant au premier étage.

Amaz l'observa encore un peu, puis monta l'escalier, précédant le jeune homme. Le silence régnait dans le manoir Stein. En même temps, les Nomades étaient connus pour être silencieux, de ce que Léo en avait vu, et Ulrich... C'était lui-aussi une petite souris, en terme de subtilité.

Le duo monta l'escalier, puis Amaz se fit silencieux dans ses mouvements. Il approcha de la porte de la chambre de son protégé... puis s'arrêta. Ils entendaient des voix, et visiblement, l'androïde voulait entendre. Il fit signe à Léo d'attendre, sans faire un son.

- Scheiße... les résultats ne sont pas comme je l'aurais voulu. Ulrich... ça ne réglera pas le problème. Ça-

Zama semblait inquiète. Sa voix, si humaine, laissait voir un certain désespoir. De la tristesse même. Celle d'Ulrich se fit entendre, la coupant doucement, tout de même.

- ...peu importe si ça règle le problème... L'important est que je puisse sembler bien, en publique... Le meilleur moment pour frapper est quand notre adversaire est... en état de faiblesse. Tu le sais. Pour l'instant... ça fonctionne. Je me sens... mieux. Je sais que ça ne durera pas... je sens que ça ne durera pas... mais je vais bien... Zama. Zama, regarde-moi.

La dernière phrase avait été dite avec une douceur qui était rare chez l'Élu. Il y eut un moment de silence, puis quelques pas se firent entendre. Celles de la machine, visiblement.

- Zama... ma mère serait très fière de toi. Tu le sais, n'est-ce pas? Je suis très fière de toi... Merci.

Amaz mima un soupir, sans faire un son, puis cogna à la porte, deux petits coups.

- Ulrich? Tu as une merveilleuse visite!

Leo eut un soupir lourd.

"Pas si merveilleuse je le regrette..."

Il attendit devant la porte, le dos droit mais la tête baissée.

"Ulrich ? je dois vous parler... Seul."

Amaz le précéda dans la pièce, le duo maintenant annoncé. Il agrippa gentiment Zama par la main, puis les deux androïdes sortirent.

Ulrich était assis sur le bord de son lit, totalement couvert, cette fois, avec son fameux masque. Il ne portait pas son manteau habituel, mais le reste des vêtements étaient semblable. Il avait fait signe aux androïdes de partir, doucement, et son regard laissait maintenant paraître une inquiétude flagrante.

Il se leva, doucement, et approcha de Léo, lentement.

- ...voyons, Léo. Tu fais une de ces têtes... je t'en pries, assieds-toi. Raconte-moi ce qui se passe....

La main de l'Élu trouva l'épaule du jeune homme, dans un mouvement tremblant qui se voulait rassurant.

Leo salua de manière formelle une fois en vue de l’élu des sciences, le protocole prenant le dessus à cause de sa nervosité. Il soupira au contact de Stein, ne sachant honnêtement pas comment gérer ses émotions contradictoires qui se bousculaient dans sa tête. Tout le bienfait de la petite pause offerte par Amaz s’envolèrent d’un seul coup, balayés par la proximité de la tâche à accomplir.

"Je… "

Il se fit violence, faisant taire son indécision et son inconfort. Il avait beau être pâle, il se redressa et se campa plus solidement sur ses pieds.

"Pipes m’a contacté… et je dois vous parler. On peut dire que c’est un message de sa part. "

Il prit un moment pour organiser ses pensées, incertain de la manière de formuler le tout. Déjà savoir qu’il avait parlé avec le terroriste risquait de choquer Ulrich.

"Il a peur que vous succombiez à vos altérations avant d’avoir pu m’enseigner tout ce que je dois savoir pour être votre successeur. Il… il offre de transférer vos connaissances dans l’implant qu’il m’a installé dans le crâne. "

Voilà, c’était un résumé de la situation assez grossier mais le gros du morceau était sortis. Il prit encore quelques instants pour expliquer le contexte, la méthode proposée par Pipes ainsi que les paroles exactes employées. Une fois son exposé fait il soupira.

"Je ne peux pas vous donner mon avis là-dessus puisque j’ignore totalement comment me sentir. Deux choses sont sûres : Pipes a VRAIMENT le bien-être de l’état a cœur et je ne me sentirais aucunement à l’aise de vous laisser à sa merci. "

Il resta silencieux, attendant nerveusement la réaction de son mentor.

La main d'ulrich resta déposée sur son épaule, beaucoup moins tremblante maintenant qu'elle avait un appuis. Il regardait la généralité du visage de son protégé, dans sa manière habituelle. Une certaine fatigue flottait pourtant dans son regard sérieux, montrant là que Pipes avait probablement raison, au bout du compte.

Le lapin sortit du chapeau et la réaction fut longue à voir. Stein resta totalement immobile, à simplement cligner des yeux, en premier. Comme si son cerveau essayait de comprendre ce qu'on venait de lui dire. Il mena ensuite une main à son masque et se massa doucement les yeux par les trous pou voir. Puis, finalement, il se tourna et s'installa sur le bord de son lit, un peu instable sur ses jambes.

- ...transférer mon savoir dans l'implant. Parce que... je n'aurai pas le temps... Les Archivistes ont été faits sur ce principe... ce n'est pas impossible... et... s'il date vraiment de ce temps-là...

Il se tut, baissa la tête et sembla réfléchir davantage. Ses yeux toujours en mouvements montraient l'étendu de sa réflexion.

- ...il a raison. Dans un sens. Je n'aurai probablement pas le temps. Mais... pouvons-nous lui faire confiance à ce point... En même temps...

Il se mit à marmonner, en français, puis en allemand. Son regard se planta sur Léo, finalement, et il eut un long soupir, difficile et presque plaintif.

- ...je... je n'aurai pas le choix... je ne vois pas autre chose... Je n'aurai pas le temps. Je ne lui fais pas confiance... mais les possibles pertes de savoir sont plus effrayantes que ce qu'il pourrait faire...

Son regard resta sur Léo, se teintant de détermination, peut-être un peu désespérée.

- ...j'irai, mais seulement si tu m'accompagne. Pas... seul. Ce serait trop risqué.

Il cessa finalement de parler, respirant fort, probablement à cause du stress ou de l'émotion.

Leo prit une grande inspiration. Il était incapable de connaitre ses propres émotions en ce moment.

Si vous… si tu sens que c’est la bonne chose a faire, Ulrich, évidemment que je t’accompagne. Je peux même, je crois, demander l’aide de quelques personnes discrètes si vous craignez pour votre sécurité.

Heimpher, Annabelle… ils pouvaient aider, au cas où. Non ? Il secoua doucement la tête.

"Savez-vous en quoi la procédure consiste ? Est-ce… est-ce qu’elle est sans danger pour vous ? "

L'Élu baissa les yeux et sembla se perdre dans ses réflexions. Il réfléchissait à toute allure, fouillait son esprit... et ce fut sans réelle conviction qu'il ramena son regard dans celui de Léo.

- ...je... je l'ignore. Je ne sais pas en quoi ça consiste... et je ne sais pas si ce sera sans danger... Mais... l'humanité n'a pas appris tout ce qu'elle sait sans prendre de risques...

Ulrich soupira, longuement. Quelques gouttes bleutées se glissèrent hors de son masque, par la paroie du menton.

- ...je ne mentirai pas en disant que... ça m'effraie. Mais je n'ai plus le choix. J'ai pris des engagements, enver l'État, mais envers toi avant tout. C'est le seule solution pour les respecter... Je n'ai plus beaucoup de temps.

Le scientifique s'hissa sur ses jambes, difficilement, puis approcha de son cadet. À un pas de lui, plus près encore... jusqu'à passer ses bras autour de lui et appuyer son menton sur l'épaule de Léo. Son corps tremblait, Léo pouvait le sentir. Par endroits, il était brûlant. À d'autres. totalement gelé. Sa respiration montrait sa peur, rapide et sifflante. Il semblait terrifié et cherchait un peu de force par ce contacte.

Leo resta paralysé un long moment en voyant l’élu approcher, puis encore un peu plus longtemps quand il sentir son corps s’approcher du siens. Il ne savait pas comment réagir, la détresse de son ainé menaçant de le pousser encore plus loin dans son sentiment d’impuissance et de confusion. Ulrich avait toujours été son point de référence et le voir ainsi apeuré et inquiet sapait le peu de point de repères qu’il lui restait.

"Monsieur Stein… "

Sa voix se brisa. Il était en proie a tellement d’émotions contradictoires. Mais a travers le maelstrom qui envahissait son esprit un fait balaya tous les autres. La personne en face de lui avait besoins d’aide et de réconfort. Lentement, maladroitement, il passa ses bras autours des épaules de l’élu. Il n’osa pas serrer, mais il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour qu’Ulrich ne se sente pas abandonné. Il prit une grande inspiration.

"Il doit y avoir un autre moyen… je, nous pouvons enregistrer, peut-être faire appel aux archivistes ? Vous n’avez pas un journal, des notes, des traces de tout ce que vous avez fait ? Sinon… nous obligerons Pipes à nous dire en quoi la procédure consiste avant toute chose. Je doute qu’il puisse forcer la chose non ? "

C’était là un collage approximatif de pistes de solutions tenant plus de l’optimisme aveugle que d’un réel processus de déduction. Mais c’était un début. Le seul objectif était de rassurer Ulrich.