Le début de la fin (Léo)

Le jour tant redouté par le jeune ingénieur et son mentor était finalement arrivé. Plus tard dans la soirée, un transport viendrait les chercher et les mènerait là où ils auraient leur prochaines instructions pour trouver Pipes. Ensuite, le destin parlerait. Avaient-ils raison de se méfier du terroriste? Devaient-ils lui faire confiance? Y avait-il des plans dissimulés, derrière tout ça?

Dans tous les cas, Ulrich était nerveux. Assez pour être silencieux, de manière étrange. Les deux androïdes étaient avec lui, sans réellement comprendre pourquoi il était aussi tendu. Du moins, Amaz le savait, mais il jouait bien le jeu.

Les Nomades, eut, étaient resté au rez-de-chaussé. Saarth'alis avait rassuré les autres, qui se tenaient tranquilles.

C'était probablement la meilleure question, et la pire dans le moment. La question décisive. Tout comme Léo, le chef scientifique ne semblait pas pressé de voir ce moment arrivé. Personne n'avait l'habitude de le voir nerveux, et maintenant, le fait qu'il était anxieux semblait encore plus étrange.

La voix du jeune homme le tira de ses réflexions dans un petit sursaut. Ulrich planta ses yeux, lumineux, sur lui et acquiesça doucement. Dans l'instant, il s'était emmené une canne, pour s'aider. L'objet semblait vieux, appartenant probablement à la famille Stein depuis aussi longtemps que la demeure. Il avait revêtit son habituel manteau rouge et portait son masque, encore et toujours.

- Allons-y...

L'attention du scientifique se tourna vers ses androïdes, qu'il regarda quelques instants.

- Je vais revenir tard. Il est temps que je donne des nouvelles. Gardez le fort. Je vous fais confiance.

La voix de l'Élu avait été, cette fois, convainquante. Il pivota pourtant, avant de laisser le temps à Zama de faire entendre ses protestations, et sortit.

Le duo sortit, et à leur surprise, un transport les attendait déjà. Ulrich tourna son attention vers Léo, visiblement prit de court par cette vision. Par contre, il prit une bonne inspiration et avança avec son héritier.

Le duo monta à bord et la calèche couverte se mit en route. Aucune chaleur suspecte, simplement eux deux à l'intérieur. Le transport avançait, les emmenant vers le secteur des sciences, toujours leur destination avec Pipes, semblerait. Ulrich essayait de garder son calme. Malgré tout, il tremblait un peu. Son regard montrait bien son incertitude. Sa peur, peut-être.

- ...tout s'est tellement passé d'étrange manière... Notre première rencontre... Te rappels-tu, Léo? La manière que tu as mis ta main sur mon épaule... Par les étoiles, ça a été douloureux pendant des jours...

L'Élu eut un petit rire. Le souvenir l'amusait visiblement.

- ...tu avais l'air de vouloir fodnre sur place. Je suis désolé pour le ton que j'ai utilisé... j'ai essayé de garder mon sang froid.

Stein tourna son regard vers le jeune ingénieur, toujours un peu amusé, mais surtout, terrifié.

Ulrich eut un petit rire doux. Si Léo s'était caché, ils n'en seraient pas là. Clairement pas. Mais le jeune homme avait perservéré. Et maintenant... ils partageaient un destin. Un moment presque noble de par son côté totalement désespéré. De par la raison, la cause, qui les menait vers la gueule du loup, béante et dangereusement près.

- ...personne ne savait. Alors aucune racoeure n'est nécessaire...

Stein eut un petit soupir, puis pensa un peu.

- La première fois que j'ai rencontré Pipes... je devais avoir 7 ans. Mon père venait de nous quitter. Il nous avait embusqué, ma mère et moi, sur le chemin du retour. Je me rappel encore son ton, sa silhouette, et la totale terreur que je ressentais. Ensuite... il est revenu, à la mort de ma mère. Il m'attendait à mon bureau. Et sa première question a été: "As-tu besoin de parler?"

Il se tut, baissa la tête et se massa les yeux.

- La question, à l'époque, m'a décontenancé. J'avais encore l'image de l'ombre effrayante en tête. Et là... ça chamboulait tout ce que je croyais vrai

Il regarda Léo et haussa les épaules. Parler du passé semblait le calmer, lui changer les idées.

Ulrich acquiesça lentement. Il resta songeur quelques instants, réfléchit un peu plus à la deuxième question, puis parla finalement.

- Ensuite... j'étais sceptique un peu. Je ne comprenais pas pourquoi cet homme, cette figure qui m'inspirait le danger depuis tout petit... me demandait si j'avais besoin de parler de comment je me sentais. Je lui ai demandé pourquoi il poursuivait ma famille depuis toujours. Pourquoi il semblait toujours savoir où je me trouvais. Et il m'a répondu que c'était pour protéger les principes de ma famille. Principes qu'il partageait lui-aussi.

Stein toussa un peu, prit le temps de souffler, puis recommença lentement.

- Je trouvais tout ça étrange, vraiment. Comment pouvait-il connaître nos principes, assez bien pour les partager? Et c'est là qu'il s'est mis à réciter les mêmes paroles que mon père m'a dites sur son lit de mort... "De la morale scientifique, nous sommes les Protecteurs. Du bon sens humain, nous sommes les Gardiens. Derrières des cadenas nous enfermons la science impie, et sous la lumière nous plaçon le savoir bénéfique. Nous sommes ceux choisis par les Archivistes, qui resterons tant que notre sang sera. Nous sommes Stein, nous sommes fiers."

Le scientifique se tut. Ses yeux lumineux devinrent humides et il mena une main à son masque, marmonnant quelque chose en allemand.

- Ça m'a à la fois convaincu... à la fois effrayé un peu plus. Beaucoup de grands hommes sont devenus des monstres, parce qu'ils avaient de bonnes intentions, mais une mauvaise manière de faire... Nous nous sommes revus ensuite. Alors que je faisais des recherches, sur des vieilles opérations, qui pouvaient rendre n'importe qui surhomme. Ma tête s'était remplie d'une utopie, où nos Défenseurs seraient durables, assez forts pour ne pas tomber au combat. Il m'a averti que je m'aventurais sur un mauvais chemin... et... j'ai fait l'erreur qui a donné sa vie à Hexus...

Ulrich toussa de nouveau et baissa la tête quelques instants. il tremblait de nouveau un peu.

Ulrich secoua doucement la tête, négativement. Il baissa les yeux, toussa, puis prit le temps de bien organiser ses idées.

- Je ne savais pas. J'avais l'impression que... mais je n'avais rien pour me prouver directement qu'il était de mon côté. N'importe qui aurait pu apprendre ces phrases. Mon père les a dites plusieurs fois. Utiliser ma famille pour m'amadouer est simple, si on apprend à me connaître un peu. Je suis un homme de famille... Mais non. J'avais plus l'impression d'un grand jeu de manipulation qu'autre chose. Je ne lui faisais pas confiance, et je ne lui fais toujours pas confiance...

L'Élu observa Léo quelques instants, de son regard particulier. Il semblait trop sérieux, maintenant.

- Il est dangereux, Léo. L'agenda de Pipes n'est connu que de lui-même. Ses motivations restent cachées, Je sais qu'il a fait disparaître des gens, par le passé. Il a tué, il a kidnappé, il a torturé. Il va probablement continuer de le faire. Et quand on touche à trop de cordes sensibles, dont on ne sait même pas l'existence... il peut devenir imprévisible. Si tu n'avais pas joué en son sens... je ne sais pas ce qu'il aurait pu te faire. Il EST dangereux, Léo. Ne te méprend pas sur ce fait.

Ulrich toussa de nouveau, un peu. Il se replaça sur le banc, déposa ses mains gantées sur ses cuisses, puis pianota des doigts. Le mouvement semblait très difficile pour son bras "blessé", même s'il ne le remarquait pas réellement.

Ulrich écouta avec attention ses paroles, sembla y penser longuement même. Il se massa les yeux, quelques instants, puis soupira longuement.

- Aussi longtemps, tapis dans l'ombre. Aussi longtemps à être seul, à devoir tout prévoir, à voir tout le monde être enterrés autour... ça mène un homme vers la folie, peu importe sa force d'esprit. Espérins seulement que ce n'est pas la folie qui lui a fait prévoir les événements de ce soir...

Stein se tut de nouveau. Il sembla se perdre dans ses réflexions et, du même coup, redevenir anxieux.

Le temps passa, dans le silence. À un moment, leur transport ralentit, puis s'arrêta. Le chauffeur lâcha alors un "Allez à l'arbre" comme seule indication, attendit qu'ils descendent, puis se remit en route.

L'arbre mort, qui revenait en mémoire dans l'esprit de Léo. Il était déjà allé là. Un trou avait été fait dans le tronc, et dans se dit trou se trouvait un papier, roulé serré.

"Vingt pas en avant. Quinze à droite. Suivez le bleu. Cognez deux coups." étaient les indications écrites sur le morceau de papier.

Ulric sembla devenir songeur à cette mention, mais n'en dit rien. L'élu n'aimait pas s'exprimer sur des questions dont il n'avait pas de réponses. Il n'aimait pas parler en travers de son chapeau, comme on dit.

Stein suivit tranquillement son cadet, s'aidant de sa canne. À la lecture du message, il donna effectivement son approbation à Léo. Si près du but, ils ne pouvaient pas se permettre de rebrousser chemin. De toute manière, peut-être ne le pourraient-ils simplement pas.

Ils suivirent les indications, lentement mais sûrement. Dites indications qui donnèrent sur un trappe, assez bien dissimulé pour qu'on ne la voit pas, si on ignorait son existence. Sous la trappe, des escaliers qui descendaient, longtemps, dans la terre. Après un petit regard à Léo, Ulrich descendit justement, pas à pas, marche après marche. Relativement bien au début, sa descente se fit de plus en plus laborieuse. Après une dizaine de minutes, par contre, ils arrivèrent sur un terrain plat, un long couloir sans éclairage, et l'Élu se permit de faire une pause.

Une impression familière traversa Léo. Des tubes en caoutchou sur les murs, qui étaient accrouchés assez hauts, guidaient presque leur route. L'air était sec, frais un peu. Il n'y avait pas réellement de poussière, plutôt une odeur de refermé. Le chemin avançait, longtemps, puis finalement, après un tournant de 90 degrés, de la lumière se fit voir. Une simple lampe à l'huile, accrochée dans un cadre de porte, sans porte.

- Je suis heureux de vous voir... J'ai eu peur que vous ne vous présentiez pas. Entrez, ne soyez pas timides...

La voix, impersonnelle, venait encore et toujours de partout. La pièce, elle contenait un bureau, un genre de gros cylindre à la verticale, beaucoup de filage qui longeaient les murs et trois chaises. Des tables de métal vieilli soutenaient divers objets, outils et autres, à gauche et à droite. Surtout, une grosse quantité d'électricité semblait se rendre au cylindre, dont un peu de froid se dégageait.

Les deux hommes firent leur descente dans la gueule du loup, en silence. Ulrich regardait partout, très attentivement. Il semblait sur le point de faire une crise d'anxiété, mais se retenait comme il le pouvait. Le duo s'enfonça de plus en plus dans la terre, puis, finalement, la lumière se fit.

La voix de Pipes retentit et Stein eut un sursaut monumentale. Il en échappa presque sa canne, qu'il rattrappa de justesse, du bout des doigts. Pipes, lui, eut un rire, tout en émergeant de derrière le cylindre en réajustant ses gants.

- Je ne suis pas caché. J'ai simplement préféré vérifier le matériel une dernière fois... Comme vous dites, vous êtes tous deux nerveux, alors passons les plaisanteries. La machine que vous voyez ici va servir à numériser le savoir de Stein. Tu vas donc devoir t'y installer, Ulrich. C'est une technologie qui fonctionne et qui a déjà été utilisée, les Archivistes en sont la preuve.

Pipes indiqua le cylindre d'un mouvement de main, tout en se déplaçant vers le milieu de la pièce, d'un pas lent. L'Élu, lui, observait la machine du coin de l'oeil, sans pourtant lâcher Pipes du regard. La présence du terroriste semblait le rendre excessivement nerveux.

- Tant qu'à vous, Steinhart... je vous installerez sur une chaise, le temls du scan. Quand la disquette sera prête, nous pourrons l'installer dans le dispositif à l'arrière de votre tête. Le tout devrait prendre une vingtaine de minutes. Après, vous repartirez et je vous laisserez tranquilles. Des questions?

Ulrich tourna le regard vers Léo. Le pauvre semblait totalement perdu dans le moment, incapable de parler, même.

Pipes acqiuesça doucement à la question. Il s'assura que ses gants étaient bien remontés, puis croisa les bras, de manière nonchalante. Il ne semblait pas nerveux, dans son cas, contrairement à Ulrich.

- Des maux de tête, des étourdissements et de la fatigue. Rien de plus.

Stein secoua la tête lentement. Il semblait ne pas comprendre que l'intervention serait aussi simple. Sa nervosité le rendait probablement paranoïaque, ajouté au fait qu'ils se tenaient devant l'ennemi numéro un de l'État.

- ...juste ça? Simplement ça?

- J'aurais apprécié t'en faire part avant, Ulrich, mais te contacter et te parler en privé est excessivement complexe, dernièrement. Surtout considérant que tu ne veux pas me voir... D'autres questions?

Pipes décroisa les bras. Les verres jaunes se promenaient de Léo à l'Élu, chacun leur tour. Ulrich baissa la tête, figé sur place par la nervosité.

Pipes eut un gloussement, puis retourna près du cylindre. Il l'ouvrit, et une petite fumée froide en sortit. L'intérieur était tout droit sorti d'un imaginaire science-fiction, à la fois matelassé et asceptisé. Une lueur bleuté éclairait l'intérieur, faible mais bien là. Quelques autres appareils étaient accrochés dedans, de manière si ordonnée qu'on aurait cru qu'ils étaient partie intégrante du design.

- Maintenant, pour le confort, il serait mieux que tu retires ton manteau et le masque. Je ne pourrai pas effectuer le scan avec ça sur ton visage. On t'installe face vers nous. C'est froid un peu, et c'est totalement normal. La capsule va se refermer et faire son travail. Ensuite, fini, vous repartez en professeur et élève heureux.

Stein jeta un oeil à Léo, toujours inquiet. Il eut un soupir, par contre, puis retira son manteau, qu'il déposa sur une chaise. Il fit de même avec son masque, approcha du cylindre... puis monta. Pipes l'aida, contre toute attente, et se mit à installer des instruments sur sa tête. L'élu ne semblait pas à l'aise, effrayé même, mais il tenait bon.

- Voilà... je referme et on se revoit dans une dizaine de minutes au maximum.

- ...je fais confiance à Léo pour s'assurer que ce soit respecté...

- Bien. Au moins as-tu confiance en quelqu'un dans la salle.

Pipes recula, actionna un petit clavier sur le côté de la capsule, qui se referma lentement. Un sifflement se fit entendre quand elle se ferma complètement, puis un ronronnement régulier.

- Début du scan... Oh, Léo. Je vous en prie, prenez place. Et laissez-mi vous raconter l'histoire d'un chasseur qui a attrappé une aiguille.

Pipes eut un petit rire et s'installa sur la chaise la plus loin de Léo. Il semblait surveiller, d'un côté, ce qui se passait avec le cylindre, et de l'autre, le jeune ingénieur encore trop nerveux.

- Il n'y a rien de théâtrale dans ce que je dis. Le Chasseur que tu surveille a mis la main sur Needles. Aiguilles, en anglais. Dans les faits... je crois plus que c'est la femme qu'il a ramené. Bref... ils le gardent avec eux. Semblerait que le pauvre tortionnaire et aussi brisé et tordu que sa victime...

Le ronronnement de la machine continua et le terroriste se détendit un peu plus. Il étira un bras, saisit un fil qui pendait le long du mur, puis le planta dans son abdomen, toujours au même endroit.

Le jeune homme écoutta attentivement les paroles de Pipes de jura tout bas. C'était a la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. La proximité avec Needle n'était pas bonne pour Heimpher, ça avait dut être un choc... mais d'un autre côté le fait de l'avoir enfermé était une excellente façon d'avoir des réponses a leurs questions.

Il soupira longuement. Une autre tâche a ajouter a la liste de plus en plus longue d'événements a rattraper.

"Vous... ne m'avez toujours pas expliqué en quoi va consister... enfin. Le fait d'avoir les souvenirs d'une autre personne dans cet appareil. Je... vais entendre des voix ? Ou ces souvenirs vont être comme si ils avaient toujours étés là ?"

Pipes l'observa, eut un petit rire fatigué, puis ramena son attention sur le cylindre. Il resta quelques instants à regarder devant, comme ça. Son corps produisait moins de chaleur plus le temps passait, avec ce fil dans l'abdomen.

- Ça va être le même principe que de fouiller dans un classeur... sauf que celui-là sera dans votre tête. Les souvenirs vont donner un étrange sentiment familier, les premières fois. Ensuite... vous allez vous habituer. Et puis... vous allez avoir Stein pour vous les expliquer.

Il eut un autre gloussement, encore fatigué, puis tourna la tête vers Léo. Sans rien dire, il semblait pourtant l'observer, l'examiner, longuement.