(Annabelle) Conflit d'intérêts.

Pendant toutes ses réflexions, le cyborg était resté immobile et silencieux. Il n'avait franchement plus rien à dire, même qu'il commençait à se sentir mal à cause du froid. Il ne la vit donc pas hocher la tête, se contentant d'être la tête basse.

Quand elle se mit à parler, il leva difficilement les yeux sur elle, l'air assez surpris. Elle était là, agenouillée devant lui, et il ne semblait pas y croire.

- ...je ne comprends pas...

Voyant tout le sérieux de ses paroles, par contre, il se leva à son tour, lentement. Ses jambes émirent une plainte, le métal ne voulant pas bouger.

- ...nous nous reverrons... je le jure... Pour parler de vos motivations ou autre... Soyez prudente, je vous en pries...

Le cyborg, dans un mouvement surprenant, s'inclina bien bas. Il attendit ensuite, très tranquille. Le vent soufflait toujours... et comme Annabelle l'avait dit, son équipe semblait près de leur position. Selon les bruits, du moins, elle pouvait le déduire.

La Gardienne libéra donc le Netralite d'une seule menotte. Lui aussi semblait avoir entendu les bruits. Il s'inclina de nouveau, puis ne perdit pas de temps: d'un directe puissant, à la tête, il mit K.O la patrouilleuse. Ça laisserait indéniablement une douleur au réveil...

Quelques heures plus tard, Annabelle revint à elle. Elle reposait sur un lit, dans l'aile médicale de la caserne, et était au chaud. On lui avait retiré son armure, mais pas ses vêtements, bien entendu. D'ailleurs, l'équipement de la Gardienne reposait sur une chaise, près d'elle. Dans le lit voisin, le Mutalythe était installé, semblant encore assommé de son côté. Du sang encore frais perlait de son nez, mais sans plus. Un silence relatif régnait à cette heure: sinon le médecin de service et un infirmier, il n'y avait pas grand travailleurs en poste durant la nuit. Sur la chaise, avec son équipement, une pomme l'attendait: indéniablement une petite attention de son chef d'équipe, qui faisait le coup à chaque membre malade de son groupe.

Annabelle n’avait eu que le temps de sortir son pistolet de son étui avant que le poing du cyborg ne la plonge dans le noir.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux sa première sensation fut une violente migraine et une douleur aigue à la tempe. Elle sembla surprise quelques instants de ne pas sentir de neige sous son dos, puis repris lentement le fil de la réalité. Elle avait libéré le netralite et pour faire semblant qu’il s’était échappé elle lui avait demandé de la mettre K-O. Jayx et le reste de l’équipe était arrivés sur les lieux et l’avaient trouvé elle, inconsciente. Elle devait être de retours à l’avant-poste des défenseurs… Elle regarda un instant autour d’elle. La jeune femme sourit à la vue de la pomme posée près d’elle. Le reste de son sourire disparut en voyant le mercenaire étendu sur un lit non loin du siens. Avait-elle prit la bonne décision ? Le temps seul le dirait. En attendant la patrouilleuse rassemblait son courage parce qu’elle allait devoir mentir, du moins en partie, à son supérieur direct. Avec un peu de chance la mise en scène serait suffisante pour éviter les soupçons, mais elle allait quand même subir quelques remontrances.

Ce ne fut pas l'équipe de la patrouilleuse qui se pointa le nez en première, mais plutôt la conscience du mercenaire. Dans un petit grognement, il ouvrit les yeux. Où se trouvait-il? Que s'était-il passé? D'une regard rapide, il observa les alentours. Lits, la plupart vide, bâtiment qu'il reconnaissait que trop... et la patrouilleuse, là, qui était sa voisine de lit. Un profond soupir lui échappa et il fixa le plafond, visiblement déplu de se réveiller là. Oui, Zolvar, tu as perdu connaissance au milieu de la rue et te voilà au dernier endroit où tu voulais l'être... N'empêche, la Gardienne avait une sale mine. Elle semblait autant en douleur que lui, quelques... heures plus tôt?

- ...vous avez une sale mine... allez-vous bien?

Malgré tout, il gardait une attitude gentleman. Tu ne changeras donc jamais, espèce de grand doucereux. Non, visiblement, il ne changerait jamais.

La question arracha un petit rire à la gardienne, qui se changea rapidement en grognement de douleur.

"Disons que je préfère être dans cet état après une soirée à la truffe et non pas pendant un quart de travail… mais je vais bien. Je crois. Et vous ?"

Elle tourna la tête autant qu’elle le put. Elle était encore étourdie mais elle était en terrain connu aussi arrivait-elle lentement mais sûrement à redevenir un minimum fonctionnel.

"Je suis désolé qu’on vous ait reconduit ici… mais je me disais que vous préféreriez ça à ce qu’on vous livre inconscient à votre famille."

Annabelle haussa les épaules d’un air désolée. Une chose était sûre et c’était qu’elle regrettait tout ce par quoi le mercenaire était passé au courant de la soirée.

Savoir que la patrouilleuse allait bien lui arracha tout de même une sourire. C'était une inquiétude de moins. Un poids qui s'envolait de ses épaules déjà trop lourdes. Son regard était toujours fixé sur le plafond, et un rien brillant. Son nez saignait encore, il le sentait, et le tout était accompagné d'un léger mal de tête. Au moins, il n'avait plus l'impression que son corps allait exploser... Un soupir lui échappa et il monta ses mains devant lui, les étudiant du regard. Elles étaient tremblantes. Les veines étaient affreusement apparentes, signe évidant que son corps n'en pouvait plus. Tout cet entraînement pour quoi? Avoir durer une heure de plus? C'était... pathétique. Ses sourcils se foncèrent au fil de ses réflexions, et il soupira de nouveau.

- ...je suis heureux de l'entendre... c'est une inquiétude de moins...

Son regard se tourna ensuite vers Annabelle, alors qu'elle prononçait sa sa dernière phrase. L'avoir déposé chez ses parents, inconscient, aurait effectivement été une mauvaise idée. Pouvait-il leur en vouloir? Non, bien sûr que non... Ils lui avaient sauvé la vie. Le cyborg, lui... il ne savait simplement pas quoi en penser, maintenant...

- ...je ne me sens pas bien, mais je suppose que ça va passer... je comprend que vous ne m'ayez pas raccompagné chez moi. Parfois, j'oublis le protocole...

Du revers de la main, il essuya le sang de son nez, l'air épuisé et à bout. En plus des dernières inquiétudes, maintenant il avait cette histoire de pression dans le crâne et de saignement de nez. Que pouvait-il demander de plus?

La jeune femme garda le silence un moment. Elle voyait bien l’état dans lequel le mercenaire se trouvait et même s’il lui manquait encore beaucoup de pièces de puzzle elle commençait à avoir une vague idée de ce qui se passait. Elle plaignait Zayne, bien sûr… mais en même temps une certaine curiosité subsistait. Quelles étaient ces mystérieuses capacités qu’il était en train de découvrir ? Seul le temps le dirait. Au moins, avec le cyborg en liberté, aurait-il un peu d’aide pour continuer de cheminer. Quand il serait prêt.

La gardienne essaya de sourire.

"Comme ça au moins vous pourrez vous inventer une excuse : une soirée trop arrosée avec des trigger happy ou simplement un empêchement à cause de la tempête. Qui sait… peut-être une charmante mutalhyte vous a-t-elle kidnappé pour la nuit ?"

Elle pouffa un peu, doucement pour ne pas réveiller son mal de tête. Elle n’en était pas fière mais elle avait eu à utiliser ce genre de stratagème quelque fois lors de son adolescence.

Le mercenaire n'eut pas le temps de répondre quoique ce soit que le chef d'équipe d'Annabelle entrait. Le renard ne portait pas son casque ni son armure, mais il semblait visiblement fatigué de sa journée. Voyant que les deux étaient éveillés, il l'avait cru de par son ouïe mais il en avait maintenant la confirmation, il eut un soupir de soulagement.

- ...bon. C'est rassurant de vous voir réveiller. Steinhart, j'ai ton rapport que tu dois remplir. Je m'excuse de ne pas te laisser le temps de te reposer, mais mon boss à moi le veut hier. Pas besoin de dire que vous restez tous les deux sagement ici jusqu'à demain, hm?

Le professionnalisme seulement empêchait Jayx d'afficher sa mine inquiète. Tout ce foutoir le rendait nerveux et ça, sa queue de renard le montrait bien. Il jeta un oeil au mercenaire, puis ramena son regard sur sa compagne.

- Le doc vous a examiné. Je peux aller chercher vos dossiers si vous voulez. Sinon... vous avez faim, quelque chose?

Zolvar allait répondre quand l'Altéré entra. Il ne dit donc rien et se contenta d'écouter, sagement. De ce qu'il en voyait, c'était le chef d'équipe de la patrouilleuse à ses côté. La pauvre avait déjà de la paperasse à faire... N'était-ce pas ce genre de chose qui l'avait découragé d'être Défenseur lui-même? La foutue paperasse, oui...

À la question, il ne réfléchit pas une seconde et répondit simplement qu'il voulait de l'eau, dans un murmure. Au moins, maintenant, ils étaient calmes... Rencontré une Mutalythe, hum? Si au moins c'était vrai... Depuis le temps qu'il se cherchait une compagne de vie. L'Excuse des Trigger Happy ne marcherait pas non plus. Il se tenait avec les Inhumains, membres de son groupe, et aucuns autres, après tout...

La jeune femme s’était redressé dans son lit à l’arrivée de son sergent. Elle n’était pas tenue de saluer dans ces circonstances, mais elle tenait quand même à démontrer qu’elle était prête à reprendre du service. La douleur dans son crane battait au rythme des paroles de Jayx, mais elle faisait son possible pour que rien ne paraisse sur son visage.

"A vos ordres chef. Ça ne devrait pas être très long je vous rassure… je perdrais connaissance après, tout simplement. "

Elle lui envoya un petit sourire et prit le rapport en question pour commencer à le remplir. Elle entendit le mercenaire marmonner qu’un verre d’eau serait la bienvenue aussi se tourna-t-elle à nouveau vers le renard.

"Je ne sais pas s’ils ont du café quelque part dans cet avant-poste, mais une grande tasse serait très appréciée, pour ma part. Noir. On verra pour le sandwich plus tard. "

Elle avait l’air piteuse. En temps normal ça aurait par remord été d’avoir laissé le suspect s’enfuir… pour le moment c’était d’être à l’origine de toute cette commotion : avec le netralite en cellule tout le monde aurait été plus détendus. Mais bon. Ça allait passer…

Elle prit donc son stylo et commença à gratter le papier pour écrire tout ce qui s’était passé : le début de la patrouille, rencontre avec Zayne, assistance de l’orchid, apparition du netralite, retours à l’avant poste, chemin vers la maison du mercenaire, nouvelle apparition du cyborg et finalement l’envoi de Simmons au loin avec le mercenaire et l’attente pour le reste de l’équipe. Là elle écrivit qu’elle avait guidé le netralite jusqu’à une alcôve pour le protéger du vent. Elle avait baissé sa garde toutefois (elle pensait que le froid affectait ses circuits) et pendant qu’elle l’abriait d’une couverture le cyborg lui avait balancé un coup de tête qui l’avait mit K-O. Fin. Parfois en mettre trop ne rendait pas le tout plus facile.

Le renard lui jeta un regard incertain et désapprobateur. Il n'aimait pas les blagues de ce genre, visiblement. Tout de même, il déposa le rapport sur la petite table près d'Annabelle, avec un crayon.

- On est à la caserne, alors oui, il y a du café. Je vais vous chercher ça.

Jayx s'en fut donc, rapidement, à la recherche des breuvages demandés. Probablement parce qu'on les avait déjà soigné/examinés, personne ne vint les déranger. Si leur état n'était pas problématique, le médecin les laisserait tranquille, logiquement.

Le mercenaire observa le chef d'équipe partir, puis la patrouilleuse remplir sa paperasse. Il se remit donc sur le dos et fixa de nouveau le plafond, pensif. Surtout, il essayait de faire partir ce mal de tête tenace. Ses parents devaient être tellement inquiets... Quelle heure était-il? Probablement tôt le matin, maintenant. Trop tôt, et pas assez tard. Il n'aurait pas de bonnes excuses à leur donner, sinon encore les faits: il s'était retrouvé avec un malaise en pleine tempête et s'était encore fait attaquer. Si ça continuait à se rythme, on ne le laisserait plus sortir de chez lui... Quand ce n'étaient pas des Puristes qui le cramaient, c'était un chef de culte qui le poursuivait... Il eut un profond soupir, ponctué d'un grognement, puis regarda sa main droite, qui virait au vert. Oui, douce petite parcelle de mon être, je sais que tu es là pour moi. Merci.

La jeune femme posa son stylo et ouvrit sa main quelque fois pour la détendre. Elle avait appuyé beaucoup plus fort qu’elle ne l’aurait voulu en écrivant et avait été obligé de raturer quelques passages à cause d’erreurs grossière d’orthographe. Elle était épuisée en nullement en état de remplir un rapport… mais même dans son état elle prenait son travail très au sérieux aussi avait-elle laissée Zolvar seul à ses réflexions pendant quelques minutes. Une fois son rapport remplis toutefois, son regard s’aventura de l’autre côté de la salle, vers le mercenaire. Elle voulait dire tellement de choses… sans savoir par où commencer.

"Je suis désolé que ça se soit passé comme ça. "

Dans cette seule phrase il y avait presque l’ensemble des pensées d’Annabelle. À un tel point qu’elle la laissa flotter longtemps avant de poursuivre.

"Je tiens à vous remercier d’avoir agis comme vous l’avez fait. Beaucoup de vos… collègues, se sont montré beaucoup moins coopératif avec nous par le passé. "

Les mercenaires faisaient régner l’ordre dans leur secteur… mais certains individus moins disciplinés avaient tendance à oublier que ces frontières n’étaient pas aussi étendues qu’ils le pensaient. Ce n’était jamais rien de grave… mais c’étaient toujours des situations très tendues.

Loin dans sa tête, le mercenaire fut presque surpris d'entendre la voix de la Gardienne. Même, la teneur de ses paroles le surprenait tout court. Il l'observa et cligna des yeux, quelques longues secondes, puis soupira longuement. Elle était désolée... mais tout ça n'était pas de sa faute. La phrase continua de flotter, donc, quelques minutes. Quand Steinhart parla de nouveau, cette fois, Zolvar se mit assis, difficilement.

- ...ne soyez pas désolée, ce n'est pas votre faute... ça aurait pu être nettement pire... J'aurais pu ne pas me réveiller du tout dans cette tempête... et mes parents auraient retrouvé mon corps gelé...

Il fit une petite pause, fit ensuite rouler ses épaules, puis se remit machinalement à masser sa main verte. Se rassurer et la rassurer elle, en même temps. Tout un pro, Zolvar.

- ...ça ne paraît pas à première vu, mais j'ai eu la formation complète de Défenseur. J'ai même servi quelques semaines avant de démissionner. Je sais ce qui est en jeu, je sais ce que vous avez à endurer, je sais ce qui est désagréable ou non... et j'essaie simplement de rendre la journée de tout le monde moins pénible... Comme vous dites, vous avez assez des autres mercenaires... Les seuls qui ne doivent pas être un problème sont indéniablement les Loyals, non?

Il eut un petit sourire doux, qui s'accordait bien avec son visage déjà doux lui-même, et continua de la regarder de son regard bienveillant. Il s'en aurait voulu pour longtemps si quelque chose de grave était arrivé à la Gardienne... d'accord, il s'en voulait déjà qu'elle aie reçu un coup... mais elle n'avait pas à le savoir.

- ...comment avez-vous été blessée? Rassurez-moi... je n'y suis pour rien, n'est-ce pas?

Eeeeet voilà, il venait de perdre son air prévenant! Bravo! Maintenant, tu as l'air d'un gros nounours inquiet! Ah!

Annabelle écouta attentivement alors que le mutalhyte parlait. Il avait, même dans son état de faiblesse, une présence forte, rassurance… qui n’était pas sans lui rappeler celle d’Evans. Elle fut surprise d’apprendre qu’il avait une formation complète de défenseur, mais n’en laissa rien paraitre.

La plupart des gardiens qui tombaient mercenaire le faisaient soit avant d’avoir compléter leurs formations soit après quelques années de services… c’étaient la plupart du temps les deux moments clés où la désillusion du métier pouvait frapper suffisamment fort pour causer un changement de carrière. Mais quelques semaines après avoir commencé ? Il devait s’être passé quelque chose…

Quoi qu’il en soit elle admirait le code de conduite de son interlocuteur. Quelqu’un d’aussi empathique et altruiste était rare. Elle rit un peu à la question de Zayne, se voulant rassurante.

"Le seul à qui vous avez probablement fait mal après avoir perdu connaissance c’est Simmons… c’est lui qui vous a porté jusqu’à la base et vous étiez, selon ses dires, très lourd. "

Elle lui lança la pique sans se cacher, avec un beau grand sourire pour enlever tout venin à la remarque.

"Non… je suis resté seul avec le Netralite en attendant le reste de mon équipe. Vous aviez l’air de réagir assez fortement à sa présence alors j’ai cru que la meilleure décision était de vous séparer. J’ai peut-être été trop pressée de commencer à le questionner ou alors il a changé d’idée en cours de route… toujours est-il qu’il m’a balancé un beau direct après s’être libéré des menottes. Si c’est la faute à quelqu’un, c’est la mienne. "

Compte tenu qu’elle avait littéralement demandé de se faire mettre K-O, c’était loin d’être un mensonge…

Zolvar restait attentif à la réponse de la Gardienne. Il voulait savoir à quoi s'attendre, visiblement. Surtout, il voulait calmer ses instincts de protecteur, qui lui disaient sans cesse qu'il n'avait pas bien fait son travail. Les paroles de la Défenseure eurent tôt fait de la calmer... mais lui firent ouvrir les yeux beaucoup plus qu'à son habitude. Qu'il était... lourd? Ce ne fut pas long qu'il éclata de rire et mena une main à sa tête sous la douleur que le fait de rire lui éveillait. Un poids lourd... oui, c'était vrai! Et sans une once de gras, en plus!

- ...j-je suis tellement désolé pour lui....Il rigola un peu encore....je vais m'en rappeler et essayer de perdre un peu de poids...

Il continua de rire encore un peu, puis se calma, non sans cacher sa grimace de douleur. Il sentait son coeur battre dans ses tempes, de manière désagréable... Son calme revint totalement alors qu'Annabelle lui expliquait ce qui s'était passé... et il resta la bouche entrouverte de surpris. Le Nétralite s'était enfuie? Qu'est-ce que ça voulait dire pour lui? Que le cyborg le traquerait encore? Une partie de lui en était soulagée... mais les autres non. L'une était en colère, et le reste avait peur.

- ...je suis heureux que rien de pire ne vous soit arrivé... Sincèrement... Mais s'il s'est enfuie... Ma famille sera en danger. Je sais qu'il va essayer de revenir vers moi. Ce serait même stupide qu'il ne le fasse pas...

Il eut un soupir et un grognement, puis fixa Annabelle, d'un air totalement sérieux. Peut-être même celui d'un grand frère.

- Beaucoup d'eau, beaucoup de repos également... Je suis à peu près certain que vous aurez un arrêt de travail. Malgré que vous trouviez le repos ennuyant... ça va être important.

Subitement, il sembla se trouver stupide. Pourquoi la traitait-il comme ça? Oh, probablement parce que c'est une belle jeune femme, qu'elle a été mise en danger par ta faute et que tu te sens responsable, redevable... Il se surprit à sentir le rouge lui monter au joue (elles devenaient plus foncées dans le cas des Mutalythes) et détourna rapidement le regard, non sans rouler les yeux pour lui-même. Sa facette verte, en ce moment, riait bien de lui.

Alors que le mercenaire rougissait et détournait les yeux, Jayx revint finalement dans la pièce. Le renard avait emmené un petit plateau, soutenant café, eau, et deux bols de potage. Le médecin en charge à cette heure, un Altéré aux allures froides, chevelure bleue très pâle et yeux tout aussi pâles, le suivait de près. Probablement que le renard lui avait demandé de venir faire son rapport, alors que les blessés étaient éveillés.

- Voilà! Un café et potage aux légumes pour toi, et de l'eau avec le même potage pour toi. Je me suis dit que manger un morceau de quelque chose de chaud serait agréable.

Le renard déposa les repas respectifs aux tables respectives des deux blessés, puis recula un peu. Il avisa le rapport d'Annabelle, mais attendit un peu avant d'en faire mention.

Le médecin, lui, les observa de son regard froid. Sa peau aussi avait un air exagérément pâle, assez que l'on voyait assez bien les vaisseaux sanguins sur son visage.

- Mademoiselle Steinhart, vu que vous êtes le cas le plus important ici, je vais commencer par vous, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je suis le docteur Dallas, médecin en chef de la caserne. Donc... vous avez reçu un violent coup à la tête. Nous soupçonnons une commotion cérébrale. Maintenant que vous êtes éveillée, j'aimerais que vous me disiez comment vous vous sentez. Dans tous les cas, je vais vous donner des anti-douleurs pour la contusion.

Il se tut ensuite, examinant la Défenseure du regard. Le mercenaire aurait son tour bien assez vite, dans tous les cas.

Un grand sourire, plus attendrit qu’autre chose, vint rapidement se ficher sur le visage de la défenseure. Elle côtoyait assez de mutalhytes pour remarquer sa gêne et ne put s’empêcher de constater encore une fois la perle d’empathie qu’elle avait face à elle. Elle appuya son dos plus confortablement contre le sommier du lit et regarda le mercenaire d’un air taquin.

"Je vous remercie de vos recommandations, monsieur Zayne. Soyez sûr que je prendrais soins de moi : ce n’est pas la première fois que ça m’arrive, malheureusement. Et puis… il existe bien des manières de rester… productif tout en se reposant."

La gardienne lui envoya un clin d’œil. Rester assise ou couchée sans rien faire était en effet insupportable pour elle : le simple fait qu’il ait été en mesure de le deviner laissait entendre qu’ils étaient probablement taillés du même bois. Elle replaça ses cheveux nonchalamment : Ils étaient passablement ébouriffés à cause de toute l’action qu’ils avaient vue au courant de la soirée mais ce n’était rien qu’une bonne douche n’allait pouvoir arranger. Elle s’apprêtait à continuer quand son supérieur entra, suivit du médecin de service. L’arôme de la soupe et du café emplirent instantanément ses narines et son estomac émit une plainte audible partout dans la salle. Elle prit le repas offert avec gratitude.

"Merci chef… vous avez bien fait je meurs de faim ! j’ai finis mon rapport : Pas la peine de faire attendre Joana plus longtemps."

Elle écouta attentivement tout ce qu’ils avaient à dire et haussa simplement les épaules.

"Je me sens relativement bien. J’ai mal à la tête et j’ai quelques étourdissements mais pour le moment ils sont tolérables. Pas de faiblesse générale ou de douleurs localisée, a part la contusion. "

Elle se tut, jugeant qu’elle avait fait le tour de la question.

Le sourire de la Gardienne eut tôt fait d'encore plus le faire rougir. Il se sentait tellement stupide, maladroit et... timide... Il se retint de soupirer pour lui-même, surtout de faire la morale à sa facette verte qui se moquait de lui à n'en plus finir en ce moment, mais ramena tout de même son regard sur Annabelle alors qu'elle parlait. Que devait-il comprendre de ça...? Les humains avaient le don de le rendre totalement confus... Le clin d'oeil termina de le rendre confus, ce qui fut très visible de par son sourcil haussé, mais il n'ajouta rien de son côté.

Son attention se tourna plutôt vers les deux arrivants. Le chef d'unité leur avait ramené de quoi manger. Il lui murmura un "merci", assez fort pour que le renard l'entende, puis se mit à siroter son eau, tranquillement. Il ne voulait pas déranger le médecin, ou alors la patrouilleuse et son supérieur. Il saurait attendre son tour, comme un bon petit mercenaire. C'est ce qu'il était, non? Un bon petit mercenaire?

Le renard accepta les remerciements, sans rien dire d'autre. Il savait que le médecin avait son travail à faire, aussi prit-il le rapport, pour le lire en attendant.

Le médecin, de son côté, écouta attentivement ce qu'Annabelle lui disait. Il semblait même prendre des notes mentales. Il acquiesça finalement, lentement, son regard trop pâle encore fixé sur la Gardienne.

- Avec les anti-douleurs, je vous donne une semaine de congé. Si vous voyez que votre état s'aggrave, allez directement au Secteur des Sciences et de l'industrie, section médicale du complexe scientifique. Une commotion n'est pas à prendre à la légère. Pendant votre semaine de congé, interdiction de faire quoique ce soit d'exigeant, entraînements physiques inclus. Vous devrez vous reposer le plus possible. Si vous venez qu'à avoir envie de lire, à chaque trente minutes de lecture, vous devez prendre une pause d'une heure. Ah, et je vous garde pour le restant de la nuit.

Son attention se tourna ensuite vers le mercenaire, et son regard devint plus sévère. On sentait qu'il y avait de l'incompréhension dans son expression, et que la chose le frustrait au plus haut point. Il détailla donc Zolvar du regard, longuement.

- Pour ce qui est de vous, monsieur Zayne... j'aimerais que vous m'expliquiez ce qui s'est passé. Avez-vous reçu un coup? Vous avez perdu beaucoup de sang, mais rien n'explique les saignements.

Le docteur Dallas croisa ensuite les bras et attendit que le Mutalythe réponde, ne semblant pas vouloir bouger de là avant.

La jeune femme acquiesça, retenant un soupir qu’elle garda pour elle-même. Quand le cerveau avait une possibilité d’être touché et qu’on prescrivait du repos elle connaissait la procédure : si on a l’impression de s’emmerder c’est qu’on fait exactement ce qu’il faut. Heureusement elle connaissait beaucoup de manière de passer le temps sans avoir besoins de réfléchir… mais… Une semaine complète ? N’était-ce pas un peu excessif ? Elle jeta un regard désespéré à Jayx en quête d’un support quelconque, même si elle savait qu’il soutiendrait le médecin.

Elle se renfrogna donc un brin, mais demeura attentive. Les réponses que le mercenaire allait fournir seraient précieuses…

D'une oreille distraite, il avait suivi les directives du médecin pour la Gardienne près de lui. Comme il l'avait pensé, elle avait hérité de beaucoup de repos. Aucune surprise dans cette décision, qui était habituelle pour ce genre de blessure. Les yeux de l'Altéré se fixèrent ensuite sur lui, et il se surpris à retenir son souffle. Lentement, il avala sa gorgée d'eau, avant de déposer son verre, doucement. Comment expliquer tout ça...? Comment le dire de manière à ce qu'il ne passe pas pour un fou? Ce serait compliqué. Il soupira longuement, se massa les temps, puis planta son regard doré dans celui glacial du médecin.

- ...j'aimerais vous expliquer et vous donner toutes les réponses, mais je ne sais pas réellement ce qui s'est passé. Ça a commencé par un malaise, alors que je méditais. Le malaise s'est changé en une migraine horrible. J'ai perdu conscience à l'endroit o;u je méditais. Quand je suis revenu à moi, avec une nausée et encore une douleur à la tête, je saignais du nez. J'ai tenté de retourner chez moi. Je n'avais pas d'équilibre et j'étais épuisé. Je me suis arrêté pour respirer un peu. La patrouilleuse m'a trouvé et m'a emmené à l'abris. Après... mes malaises et migraines sont revenues, mon nez s'est remis à saigner et j'ai encore perdu conscience. Je n'ai reçu aucune coup dans l'histoire et je ne sais pas comment ça aurait pu commencer. Je n'ai pas non plus ingéré de substances illicites ou autres.

Il n'avait pas bougé pendant ses explications. Son regard était resté dans celui du médecin, malgré son mal de tête encore présent. Même, il avait l'air calme et déterminé. Peut-être n'avait-il pas dit que les maux de tête se présentaient en présence du Nétralite, mais le médecin devait-il réellement le savoir? Ça ne changerait rien aux faits, dans tous les cas.

Jayx secoua doucement la tête en réponse au regard d'Annabelle. Oui, il prenait totalement le camps du médecin. En tant qu'Altéré, il savait que les traitements médicaux étaient importants.

Le silence plana dans la salle alors que le mercenaire expliquait les faits. Plus il parlait, et plus le pauvre médecin semblait se poser des questions. Il jeta même un regard aux deux Défenseurs, rapidement, puis ramena son attention sur son patient. Qu'il le croit ou non, Zolvar venait tout de même de lui expliquer les faits. Il semblait ne pas être capable de mettre le doigt sur ce qui avait accablé le mercenaire... mais ne pouvait rien faire de plus. C'étaient les médecins au Secteur des Sciences qui pourraient mieux l'examiner, avec leurs gadgets.

- Votre état me laisse perplexe, je dois l'admettre. Je vous demanderais de vous rendre au complexe scientifique, section médicale, dès demain pour vous faire examiner. Ce n'est pas normal, et votre état m'inquiète. Je vous recommande également un arrêt d'une semaine de travail, pour être certain que vous ne déclenchiez rien. Ah, aussi... évitez les étirements. Les brûlures sur votre corps ne le tolèrent pas. Il y a eut déchirement des tissus à plusieurs reprises... mais je crois que vous l'avez remarqué.

Le médecin soupira, puis les observa chacun leur tour.

- Sur ce, je vais vous laisser vous reposer. S'il y a quoique ce soit, appelez moi, ou faites signe à l'infirmier. Que je n'en vois pas un qui décide de faire le mur pendant la nuit.

Sans rien ajouter d'autre, Dallas tourna les talons et retourna à la réception. Jayx, lui, eut un petit soupir, regarda Zolvar quelques secondes, puis vint s'asseoir sur la chaise près du lit d'Annabelle.

- Bon... bonne nouvelle: aucun de vous deux n'est mourant. Mauvaise nouvelle: j'ai l'impression que vous auriez préféré. Heh. Nuit de merde.

La gardienne avait gardé le silence. Elle n’avait rien appris de nouveau, sinon que ce qui affligeait le mercenaire n’avait pas d’explication médicale évidente. Elle se félicitait tout d’un coup d’avoir laissé partir le netralite, qui semblait avoir une idée beaucoup plus précise de ce qui était en train de se passer.

Une fois le médecin sorti, elle s’affala quelque peu. Le commentaire de Jayx lui avait, en quelque sorte, donnée la permission d’afficher une mine déconfite.

"Une semaine… sans entrainement, sans lecture, avec le moins de stimulation possible et surtout sans alcool. Génial. "

Elle soupira. C’était effectivement une nuit de merde. Mieux valait ne pas aborder trop le Netralite en présence de son chef d’équipe : elle était mauvaise menteuse et préférait éviter les questions trop pointues. Elle n’avait aucunement menti dans son rapport : elle avait simplement omis certains détails. Elle tourna son regard vers Zayne, un petit sourire au coin des lèvres.

"Bon… pour au moins une semaine j’imagine que je vais avoir de la difficulté à me trouver une excuse pour ne pas aller voir mon frère. Vous vouliez que je lui transmette un message quelconque ?"

Le seul fait d’imaginer son frère en compagnie d’une telle armoire à glace faisait sourire la gardienne : le tableau devait être impressionnant. Mais maintenant qu’elle connaissait un peu mieux le mercenaire elle était beaucoup plus rassurée quant à la manière dont la rencontre s’était déroulée.

Les directives du médecin le frappèrent tel un coup au ventre. Une semaine? Il ne pouvait pas se permettre d'arrêter une semaine! Pas avec l'aide qu'il emmenait aux gens, ou même avec le semblant de paix qu'il imposait à ses collègues! Il n'osa imaginer ce que donnerait une rencontre avec un humain perdu sans qu'il soit là pour modérer les autres Inhumains... même, un frisson d'horreur le parcouru. Il se contenta donc d'acquiescer en silence, sans dire sur quoi il était d'accord exactement. De toute manière... il irait au complexe, mais pour des raisons différentes. Personnelles.

Il écouta les deux Défenseurs parler d'une oreille distraite, l'air dépité. Même, quand Annabelle lui adressa la parole, il prit quelques seconds avant de comprendre qu'elle s'adressait à lui. Il se tourna donc vers elle, non sans un sourire plus forcé qu'avant, l'air simplement abasourdi. Comme il détestait les arrêts de travail... Il en avait tellement eu, le voilà qui héritait d'un autre!

- Oh... de ne pas se perdre chez les mercenaires pendant la semaine à venir... je ne serai pas là pour l'aider. Sinon... qu'il prenne soin de lui et qu'il reste au chaud.

Qu'aurait-il pu ajouter de plus? "Viens me voir si tu en as envie"? Ils n'étaient pas encore assez... intimes pour ça, non. Pour lui, Léo était une bonne connaissance, pas nécessairement un bon ami. Pas encore, du moins. Bientôt, probablement. Il lui avait assez fait confiance pour dévoiler le secret de sa race devant lui, dans tous les cas.

Assis tranquillement, le renard offrit un regard compatissant à sa collègue de travail et amie. Il savait oh combien Annabelle détestait l'immobilité... et à voir l'expression du Mutalythe, il se rendait compte qu'ils étaient semblables sur ce point.

- Tu en profiteras pour faire des trucs de fille... ou tiens, je t'inviterai à souper! Ou... à voir vos têtes, je vous verrais bien passer la semaine sembles... Heh.

L'Altéré sembla se trouver subitement très stupide et soupira en se grattant une oreille. Il était très fatigué lui-même et en perdait son professionnalisme, visiblement. Il bâilla même un peu, puis écouta en silence, une oreille se plaquant contre sa tête, de manière lâche.