(Annabelle) Conflit d'intérêts.

Cela faisait maintenant une heure qu'il se traînait dans la tempête. La nuit était visiblement tombée, même s'il ne le remarquait pas vraiment. Les verres, incorporés à son masque, l'empêchait de recevoir la neige directement dans les yeux, mais sans plus. Il sentait le froid traverser ses vêtements, s'insinuer dans son corps, fibre par fibre. En plus, son horrible mal de tête ne l'avait pas quitté, ce qui l'affaiblissait de plus en plus. Pour couronner le tout, il avait l'impression d'avoir commencé à saigner du nez.

Une dizaine de minutes supplémentaires fut assez pour finalement l'achever. Il n'eut d'autre choix, après avoir trébuché et s'être retrouvé face première dans la neige, que de s'arrêter. Difficilement, il s'était traîner contre un mur, entre deux maisons, et avait ramené sa cape contre lui. Ce serait une maigre protection de plus contre le froid... mais serait-elle suffisante? Il ne savait pas. Il sentait sa respiration qui lui était de plus en plus difficile. Le froid qui lui écorchait les poumons, à chaque inspiration. Ses doigts et ses pieds, il ne les sentait plus. Aurait-il du rester au culte? Peut-être... mais il préférait de loin cette situation à celle où il serait resté et aurait indéniablement fait mal au Netralite.

Dans un élan de lucidité, il eut l'idée de se concentrer sur une seule chose: il ne devait pas s'endormir. Prendre une pause, oui, mais ne pas dormir ici. S'il le faisait... peut-être ne se réveillerait-il jamais.

Les pas d’Annabelle résonnaient dans l’air nocturne, ses bottes de combat faisant crisser la neige sous son poids. Elle aimait les rondes nocturnes : toute l’agitation qui régnait dans la caserne des défenseurs était bien accordée à sa personnalité mais la jeune femme avait quand même besoins d’un peu de calme une fois de temps en temps. Le silence… seul le froid venait rendre le tout inconfortable : les couches d’isolation qu’elle portaient sous son armure n’était pas suffisante pour dire qu’elle se sentait confortable… mais au moins ne gelait-elle pas. Son casque lui protégeait le visage de manière assez efficace aussi, la visière remplissant son rôle à merveille. Elle avait tendance à entrer dans un état méditatif qu’elle devait repousser sans cesse.

Il fallait qu’elle fasse son travail, après tout.

Les ordres étaient clairs : regarder pour les civils mis en danger par le froid, les assister si besoins… ensuite garder un œil pour toute agitation, causée par les puristes ou non. Compte tenu des circonstances elle tenait son fusils d’assaut en bandoulière, prêt à servir comme elle avait eu à le faire trop souvent ces derniers temps. Elle déambulait donc dans les ruelles, attentive, quand un léger mouvement attira son regard. Dans la ruelle, une grande forme encapuchonnée se tenait là, immobile… craignant le pire mais restant méfiante, la jeune femme s’approcha rapidement. Elle avait une main sur son arme, l’autre sur la poche contenant la fusée de détresse.

"Hey! Vous allez-bien? "

Son corps grelottait, maintenant. Tremblait, plutôt. De froid, de rage... il ne le savait pas vraiment. Et ce foutu mal de crâne qui ne partait pas... Il eut un petit grognement et appuyant sa tête contre le mur, la vision floue. Allait-il vraiment partir ici, pour de bon, oublié dans la neige? Bravo Zolvar... comme un champion.

Une voix résonna, de nulle part, et il eut un sursaut, à peine visible. Son regard, embrouillé et par la douleur, et par le froid qui avait décoré son masque de givre, ne capta qu'une silhouette, sans vraiment la reconnaître. Le vent avait déformé le son... qui était-ce?

Dans un élan un peu paranoïaque, il tenta de se mettre debout, rapidement. Le résultat en fut tout autre: la douleur dans son crâne augmenta de plus bel, et plutôt que de se mettre debout, il se redressa à moitié et tomba à genoux. Il toussait, longuement, le coeur sur le bord des lèvres. Tu n'es même plus capable de te lever, Zolvar. Ce n'est pas bon. Ce n'est pas bien.

- ...si c'est encore toi... tas de ferraille... je t'arrache tes plaques....!

Encore, de la confusion. Il mena une main à sa tête, incertain de s'il l'avait dit de haute voix ou non. De ce même fait, il renifla un bon coup... pour voir le sang perler de son masque et s'écraser dans la neige, silencieusement. Ça n'avait pas été qu'une impression, finalement...

La jeune femme continua de s’approcher, toujours dans la même position. Elle distinguait maintenant un peu mieux la silhouette et elle n’aimait pas trop ce qu’elle voyait. Il était couvert de pied en cap par une armure et si elle ne voyait pas d’armes encore elle avait définitivement affaire à un mercenaire et ces derniers se déplaçaient rarement désarmés.

"Monsieur ?"

Elle avait répété, plus fort, mais n’eut toujours pas de réponse. Puis l’inconnu sembla faiblir… il toussa et tomba à genou. Il semblait à la défenseure qu’il avait dit quelque chose mais elle n’avait pas compris exactement quoi.

"Eh merde…"

Cette fois-ci elle accéléra le pas et fut bientôt juste à côté de l’inconnu. C’était un vrai mastodonte, mais à voir son état il lui était sans doute arrivé quelque chose. Elle avisa les petites taches rouges sur la neige… ce n’était pas bon signe. Elle poussa son fusils d’assaut derrière son dos, ouvrit la poche de sa ceinture et en sorti sa fusée de secours qu’elle pointa vers le ciel. Il ne restait plus qu’à espérer qu’avec toute cette neige les autres membres de son équipe verraient son signal. En temps normal elle ne l’aurait peut-être pas fait, mais si le mercenaire était réellement en mauvais état Annabelle doutait de pouvoir le transporter seule sur une longue distance. Maintenant il ne restait plus qu’à attendre… Elle leva la visière de son casque afin que son interlocuteur puisse voir ses yeux. Le froid la fit sourciller mais elle tint bon.

"Écoutez-moi : je suis gardienne. Patrouilleuse Steinhart. Vous pouvez me dire votre nom ? "

Le faire parler en attendant l’arrivée de l’aide permettrait à la gardienne d’évaluer son état… et d’obtenir certaines informations.

La personne s'était rapproché, il l'avait entendu. Qui était-ce? Ses oreilles ne captaient pas très bien les dires de la personne, mais avec un peu de concentration, malgré le vent qui sifflait dans ses oreilles, il réussit à comprendre. Patrouilleuse...? Steinhart? Était-ce une erreur? Une coïncidence?

Difficilement, il essaya encore de se mettre debout. Ses jambes tremblantes le lui refusèrent. Il essaya donc de se replacer assis, buta contre son fusil de précision et grogna de plus bel. Sa tête lui tournait, en plus de toujours lui faire autant mal. Finalement, il essaya plutôt de voir la patrouilleuse. Sa vision défaillante ne le laissait pas voir grand chose, sinon ses yeux... Encore de foutues yeux. Une lumière, aussi, au-dessus d'eux, dans le noir et la tempête.

- ...je veux juste... retourner chez moi... O-où sommes-nous...?

Combien de mètres aies-je franchi? aurait été une meilleure question. Il redoutait tout de même de voir quelqu'un dans la ruelle, autre qu'eux. Toutes ses angoisses le prenaient à la gorge, probablement pour faire revenir l'adrénaline. Le tenir en vie.

- ...Zayne... je... j'ai mes papiers... mais je ne sens plus mes mains...

Il mena une main à sa tête et se remit à tousser, sur le bord de tourner de l'oeil. Pourquoi donc avait-il ce mal de tête horrible?

La jeune femme soupira. Ce n’était pas bon… L’un des membres de son équipe avait des compétences de premier soins et pourrait regarder les blessures du mercenaire… le froid ne faisait pas saigner du nez après tout. Mais en attendant qu’il arrive il fallait absolument qu’elle commence à gérer l’hypothermie.

"On verra les papiers plus tard, pour le moment vous êtes dans un sale état. Continuez à parler, essayer de rester avec moi, d’accord ? Nous sommes dans le secteur des habitations, entre la cinquième et la sixième avenue. Où habitez-vous ?"

La patrouilleuse regarda autours d’elle en attendant la réponse… puis décida qu’elle n’avait pas le choix.

"Je reviens."

Ils avaient de la chance d’être au beau milieu d’un quartier résidentiel. Elle se leva rapidement et alla cogner à la première porte qu’elle croisa.

"Défenseur! Ouvrez. "

Il fallait absolument qu’elle mette le dénommé Zayne au chaud et à l’abris du vent… peu importe ce qu’elle tenterait avant serait totalement inutile.

Le mercenaire lutta visiblement pour la comprendre. Entre la Cinquième et la Sixième...? Il s'était à peine éloigné du lieu de culte... Était-il dans un état aussi lamentable? Il eut un grognement, se recula de nouveau contre le mur... puis força comme un boeuf, tout en lâchant une plainte de douleur, pour finalement se remettre debout. Sa tête allait éclater, il en était certain... Il resta adossé au mur, tremblant comme une feuille, les jambes molles et la respiration sifflante.

- ...j'habite... au fond... de la 13ième... bon sang... ma tête...va exploser comme sa foutue figure!!!

Sans d'autres cérémonie, le Mutalythe s'offrit une spectaculaire baffe, qui manqua l'envoyer au sol. Plutôt, il acquiesça mollement, puis regarda la Défenseure qui allait cogner à une porte. Un citoyen comme les autres? Ou alors la maison d'un puriste? Peut-être n'était-ce qu'un mirage... Il savait simplement qu'il commençait à manquer d'air, avec tout ce sang qui imbibait son masque.

Le vent qui sifflait, les flocons qui tombaient, furent la première réponse de la Défenseure. Déjà, à cette distance, elle voyait à peine la silhouette du mercenaire, presque totalement cachée par la neige. À cette heure, en plus, la plupart des gens dormaient... Pourtant, la porte s'ouvrit, probablement au moment où la Gardienne allait perdre espoir. Ce fut un Orchid qui lui ouvrit, aux allures de fleurs... Il était grand et mince, décoré de jolies fleurs mauves. Quelques pétales, autour de son cou, donnaient l'impression qu'il portait un haut-col très noble. D'autres, à sa taille, formaient l'arrière d'un manteau long. Celles sur sa poitrine, plus pâles, copiaient presque une chemise. Une autre pétale revenait sur son visage, lui donnant une coupe assez spéciale, cachant l'un de ses deux yeux, de couleur saphir. Ses longs doigts étaient décorés de feuilles délicates. Il fixait la demoiselle avec une totale confusion.

- Madame... comment puis-je vous être utile?

L'Orchid eut un genre de moue inquiète, semblant réellement se demander pourquoi on cognait chez lui à cette heure.

Du côté du mercenaire, le mal de tête ne partait pas. Dans les faits, il n'empirait pas non plus... mais il se changeait, lentement mais sûrement, en étourdissement assez intense. Son corps picotait encore au complet, sauf les endroits atteints par le froid, qu'il ne sentait pas du tout. Au bout de la rue, par contre, entre les flocons... il put voir deux yeux, brillants et d'un bleu hypnotisant, qui venaient vraisemblablement de se fixer sur lui.

Annabelle soupira de soulagement quand la porte s’ouvrit. Elle n’avait pas de temps à perdre.

"J’ai besoins de votre aide : quelqu’un est en train de mourir de froid. Il faut le mettre à l’abris."

Elle n’attendit même pas d’avoir la confirmation de l’orchid et retourna précipitamment auprès de Zayne.

"Suivez-moi. Il faut vous mettre à l’abris sinon vous allez mourir de froid. Littéralement. Des secours vont arriver, on pourra vous reconduire chez vous à ce moment-là, mais dans l’état où vous êtes ce serait du suicide. Allez ! Appuyez-vous sur moi."

Elle prit l’un des bras du mercenaire et le plaça sur son épaule. Annabelle n’était pas très grande mais elle était solide : Zayne pouvait vraiment s’appuyer sur elle. Elle ne lui laissa d’ailleurs pas vraiment le choix et entraina le mercenaire vers la maison, à l’abris des éléments.

La Défenseure partie, il resta immobile, incertain et de plus en plus confus. Il avait l'impression que le sol bougeait sous ses pieds... Dans un essaie de retrouver ses repères, il commença par regarder devant lui. Les murs ne bougeaient pas... bougeaient-ils? Il secoua la tête, ce qui le fit souffrir et lui arracha une autre plainte de douleur, puis regarda sur sa droite. Là, les murs ne bougeaient pas. Il en était convaincu. Continu, Zolvar. Tu vas voir, ce n'est rien. Tes sens te jouent des tours. Il regarda donc sur sa gauche... puis son coeur manqua un battement. Non... non! Il l'avait suivi? Vraiment?! Pourquoi?! Il veut mourir, le pauvre con! Vas-y! Va lui arracher la face! Fait arrêter ses yeux de briller! Vas-y!!!

La Défenseure arriva de manière précipitée, et de ce fait, passa à deux cheveux de recevoir un coup en pleine figure: Seule chose qui arrêta le Mutalythe, son manque totale d'équilibre. Il ne la toucha heureusement pas, mais son regard resta fixé sur les yeux, qu'il voyait encore.

- ...il est juste là! S'il m'approche, je le met en pièces!!!

Il avait à peine écouté, dans le brouhaha qui lui occupait l'esprit et les oreilles, mais ce ne fut pas long qu'elle l'entraîna. Ce n'est pas comme s'il avait eu la force de se retenir, non. Il se laissa donc faire et se retrouva rapidement dans la maison, appuyé sur elle de presque tout son poids. À peine rentré à l'intérieur, ses jambes le lâchèrent, et il se remit à tousser. Il devait enlever son foutu masque s'il voulait respirer...

L'Orchid regarda Annabelle partir, avec encore plus de confusion. Le message n'était pas passé dans l'oreille d'un sourd, par contre: dès qu'ils revinrent, couvertures et autres tissus les attendaient. Tout avait l'air chaud, d'ailleurs. Probablement que cet Orchid appréciait beaucoup la chaleur.

- Je... je vais aller préparer de l'eau tiède... et de la chaude. Pour boire. Oui, pour boire...

L'Orchid s'en fut dans sa demeure particulière. Elle était remplie de plantes, assez que le plafond en était presque tapissé. Tout était sur des étagères, sans vraiment qu'il y aie de meubles de visibles. Dans l'entrée, du moins, ils n'en voyaient pas vraiment. ils étaient éclairés par la seule lueur de chandelles, recouvertes par un capuchon de verre.

Les yeux bleus, brillants étaient toujours dans la rue... et la lueur d'une fusée éclairante se fit voir, difficilement, en travers de la neige.

Annabelle avait tourné la tête vers l’autre bout de la ruelle… elle ne distinguait rien mais il lui semblait… non. Sûrement un jeu de lumière. Avec cette neige son imagination lui jouait des tours.

La gardienne guida donc le mercenaire vers la maison de l’orchid et le déposa délicatement sur le sol, bien adossé contre le mur. La chaleur entra comme une douce caresse à travers la visière encore ouverte de son casque, mais elle ne s’arrêta pas pour en profiter. Elle retourna vers la porte et scruta attentivement la ruelle… elle savait qu’il n’y avait rien… mais… quelque chose l’incitait à la prudence. Elle sortit une fusée de signalisation de sa poche et l’alluma avant de la laisser tomber au pas de la porte. Ainsi son équipe saurait où la trouver. Elle referma ensuite la porte et la verrouilla.

"Désolé de vous déranger à cette heure… merci de votre assistance. Mon équipe est en route et du moment que monsieur… Zayne, ici, sera prêt à se déplacer nous quitterons les lieux. "

Elle prit les couvertures que leur hôte avait préparés et commença à les enrouler autour des épaules du mercenaire. Elle entreprit ensuite de retirer ses gants et son casque, qu’elle déposa à ses pieds. Puis, ce fut le tour du mercenaire : bottes, gants et masque furent retirés. Vint ensuite les diverses pièces d’armure… se trimbaler avec du métal sur sois sans une bonne couche d’isolation en dessous était suicidaire. À quoi avait-il pensé ? Enfin. La gardienne s’affaira à enlever les couches, essayant de noter au passage tout ce qu’elle remarquait : engelures, coupures, ecchymoses, etc.

"Monsieur Zayne ? Vous m’entendez toujours ? Dites-moi… vous… vous étiez seul ? Quelqu’un vous accompagnait?"

Cette impression que quelque chose se trouvait dans la ruelle était difficile à chasser… elle voulait en avoir le cœur net.

Maintenant dos contre le mur, au chaud, ce ne fut pas long que Zolvar ferma les yeux. Il voulait faire partir ce tournis horrible, la douleur... mais surtout, l'agressivité sans précédent qui l'habitait. Il prit le temps de respirer, difficilement, dans tous les cas, et de faire minimement bouger ses membres. Il devait garder une circulation dans son corps, pour s'assurer que la chaleur se rende partout...

Il sentit son masque glisser sur son visage, agrippa brusquement, et fermement, le bras de la Défenseure tout en ouvrant les yeux, puis se détendit en se rendant compte de qui le touchait. Sa main retomba mollement sur sa jambe, alors qu'il respirait dans un sifflement désagréable. Au moins, le métal sur son armure était moindre, n'étant presqu'exclusivement de cuir.

La Gardienne put noter que, malgré le temps dehors, le Mutalythe, qu'elle pouvait maintenant identifier de cette race, n'avait pas d'engelure sévère. Quelques très légères sur les doigts et les orteils, mais rien de grave. Ce qui était étrange, par contre, c'était le reste: la peau du Mutalythe changeait constamment de couleur, le rouge et le bleu se battaient presque férocement. Aussi, l'une de ses pupilles était ridiculement dilatée, tandis que l'iris de l'autre, entre le doré et le vert, brillait? Ses yeux yeux étaient injectés de sang, au maximum, son nez saignait à profusion et ses veines étaient assez ressorties qu'on pouvait parfaitement les voir.

- ...ce salopard était dehors... dans la ruelle... je ne sais pas ce qu'il m'a fait... il a foutu ma tête à l'envers!!!

Le mercenaire secoua la tête, farouchement, et un peu plus de rouge recouvrit son corps.

- ...je vous entend... je suis désolé... je ne comprend pas ce qui m'arrive... J'étais seul... mais le... il m'a suivit... il ne voulait pas que je parte... mais je devais partir... Aies-je reçu un coup sur la tête?

La question était totalement sincère, mais pourtant, il n'avait rien. Aucune marque de coup. Rien.

L’inquiétude de la gardienne augmenta au fur et à mesure qu’elle enlevait des couches au mercenaire. Le froid n’avait vraisemblablement pas aidé à son état, mais ce n’était pas la principale cause de son malaise… quelque chose d’autre se passait et elle en eut la confirmation lorsqu’elle retira le masque de Zayne. Elle avait simplement stoppé son mouvement quand le mercenaire lui avait agrippé le bras, reprenant où elle avait arrêté quand il la lâcha.

Elle n’avait jamais rien vu de pareil… déjà que l’anatomie des humains lui échappait parfois elle était totalement étrangère au fonctionnement des mutalhytes. Sa perplexité augmenta encore un peu en entendant les propos du mercenaire.

"Je… euhm… non, vous ne semblez pas avoir d’ecchymoses ou quoi que ce soit. "

Elle regarda en direction de l’orchid. Elle voulait savoir ce qui se passait mais ne voulait définitivement pas inquiéter leur hôte non plus aussi se dépêcha-t-elle avant qu’il ne revienne.

"Qui vous a fait ça ?"

Elle sortit un chiffon de sa poche et l’offrit au mutalhyte, pour son nez.

Entendre qu'il n'avait pas reçu de coup sur la tête sembla rassurer un peu le Mutalythe, qui soupira longuement pour le démontrer. Un peu de sang, encore et toujours de son nez, perla sur ses lèvres, qu'il essuya du revers du bras. La Gardienne eut tout son temps pour réfléchir. L'air absent, lui essayait de se calmer. De chasser la douleur, l'étourdissement, la confusion, mais surtout, l'agressivité. Il essayait de mettre de l'ordre dans sa tête, lentement mais sûrement. La question le surpris donc, et il leva un regard confus sur la Gardienne.

- ...je... j'assume que c'est quelqu'un... mais... je ne sais pas...

Devait-il être franc? Devait-il dire à la Gardienne qu'il arrivait d'un culte, et que c'était leur chef qui le suivait, là, dehors? Était-ce dangereux de ne rien dire? La confusion, l'hésitation, puis la frustration passèrent sur son visage, qui se teinta presqu'exclusivement de bleu. Ses yeux, verts sinon du contour de l'iris doré, maintenant, brillaient un peu plus. Même... on avait l'impression qu'un courant d'air se faisait sentir, assez intense qu'il en bougeait les cheveux en bataille du mercenaire.

- ...il a essayé de m'aider... je pense bien... j'ai dû partir... ma facette agressive est certaine que c'est sa faute...

Il eut un autre soupir, puis prit doucement le chiffon que lui offrait la Défenseure. Il commença d'ailleurs à s'éponger le nez, dont le saignement diminuait, tranquillement.

Jeu de lumière ou non, Annabelle put elle aussi voir la paire d'yeux, d'un bleu étrange et lumineux. La silhouette qui venait avec, elle, n'était pas précise, dissimulée par le torrent de neige qui s'abattait sur l'État.

Dans la maison, on entendait l'Orchid, qui faisait ses petites choses. Probablement préparer de l'eau, comme il l'avait précédemment dit. Dans tous les cas, il revint au moment où Zolvar s'essuyait le nez, avec une bon contenant d'eau tiède.

- ...avez-vous besoin d'autre chose? Plus de couvertures? Des bandages? Je... j'ai quelque chose, contre les saignements de nez, si ça vous intéresse.

L'Orchid, avec son air éternellement confus, les observait en silence. On ne voyait toujours que l'un de ses yeux, l'autre caché derrière la pétale qui lui tombait sur le visage.

Puis, dans la porte, il y eut un genre de grattement, avec le craquement de la neige sous quelque chose de lourd.

La jeune femme ne saisissait pas encore tout à fait les propos du mercenaire. Était-il pourchassé ? Avait-il était dans une bagarre ? Qui le suivait ? Elle… elle était persuadée d’avoir vut deux lueurs bleutés dans la neige… était-ce ce dont Zayne parlait ? Elle secoua la tête aux offres de l’Orchid.

"Je crois que ça ira pour le moment… il a l’air stabilisé. Monsieur Zayne ? Côté température ça va ? Vous commencez à vous réchauffer ?"

Annabelle prit le contenant d’eau tiède et l’approcha du mercenaire, le laissant formuler par lui-même toute demande qu’il aurait à leur hôte. Ils avaient eu une formation pour traiter l’hypothermie et les engelures suite aux dernier évènements, mais la gardienne était loin d’avoir des compétences d’infirmières.

"Mettez vos mains dans l’eau quand vous serez prêt… elle est tiède donc vous ne sentirez pas nécessairement de différence mais il faut absolument vous réchauffer graduellement. Sinon on risque les brulures. "

Elle se redressa ensuite, se rapprochant un peu de l’orchid.

"J’ai oublié de me présenter. Patrouilleuse Steinhart, à votre service. Et vous êtes ?"

Elle tendit la main amicalement. Quand le grattement se fit entendre à la porte la gardienne se tourna brusquement, une main proche de son arme d’appoint. Elle regarda lentement leur hôte, puis le mercenaire avant de s’approcher de la porte. L’absence d’œil de bœuf ou de fenêtre à la porte rendait la reconnaissance de l’invité surprise difficile.

"Qui est là ? "

Toutes les questions de l'Orchid semblèrent le rendre confus, et il secoua donc négativement la tête pour toute réponse. Avec un certain soulagement, il sentait que son mal de crâne diminuait. Probablement qu'il tomberait dans un état de faiblesse, dès que ce serait fini. Il ne devait pas être ici quand ça arriverait.

La Défenseure posa elle aussi des questions, et il prit donc le temps de s'examiner. Son corps se reprenait assez vite par rapport au froid. Le contenant approché, il obéit d'ailleurs aux instructions. Les brûlures ne lui faisaient pas nécessairement peur. Il avait eu pire.

- ...la chaleur est correcte... elle ne posera plus problème dans quelques minutes... C'est ma tête qui... complique les choses...

Il baissa la main qui tenait le chiffon et l'observa quelque secondes, assez surpris de la quantité de sang qu'il contenait. Un soupir lui échappa, accompagné par une grimace de douleur. Ses yeux reprenaient tout aussi lentement un aspect normal et sa peau revenait au rouge total, progressivement. On avait encore cette impression de courant d'air, par contre. Les présentations se firent... puis le grattement résonna. Le mercenaire se raidit visiblement. Était-ce le Netralite qui le suivait encore? Malgré la Défenseure? L'étourdissement augmenta de plus bel, et sa panique revint rapidement. Si son état n'était pas sa faute, il l'empirait visiblement.

- ...ne le faites pas entrer... Je vous en pries, ne le faites pas entrer...

On pouvait capter la peur dans sa voix, qu'il ne cachait plus du tout, maintenant.

L'Orchid acquiesça silencieusement aux questions, calme, quoiqu'un peu inquiet. Il ne faisait aucun mouvement brusque, par contre, ne voulant pas rendre nerveux le Mutalythe instable. Sous la présentation, il serra la main d'Annabelle, doucement, autant par le contacte que le mouvement.

- Ohlz. Marchand. Je... suis heureux de pouvoir vous assister.

Le grattement surpris tour autant le marchand, qui recula un peu, incertain.

De l'autre côté de la porte, aucune réponse ne se fit entendre. C'était le silence absolu, mis à part le bruit du vent. Annabelle put ensuite entendre les pas qui s'éloignent, un tout petit peu... avec d'entendre un "Vous, identifiez-vous!" "Gardiens, immobilisez-le!" Quelques bruits de lutte, assez étouffés, se firent entendre ensuite, mais sans plus. Aucun coup de feu, simplement le silence.

Annabelle fronça les sourcils et s’empressa de récupérer son équipement. Elle remit son casque et ses gants avant de se diriger vers la porte.

"C’est mon équipe ne vous inquiétez pas… restez là tous les deux : je vais aller voir ce qui se passe à l’extérieur et j’envoie le médic vous voir monsieur Zayne. S’il s’agit de celui qui vous suivait nous ne le laisserons pas entrer, vous avez ma parole. "

La gardienne déverrouilla la porte, sortis dans la nuit froide et ferma la porte derrière elle. Elle avait toujours son fusil d’assaut en bandoulière, prêt à servir.

"Sergent, patrouilleuse Steinhart au rapport. "

Un peu effrayé, le mercenaire se contenta d'acquiescer. Dès qu'Annabelle sortit, par contre, il remit ses gants et ses bottes, mais pas son masque. Il se mit debout ensuite et resta à l'affût. Il ne donnait aucune attention à l'Orchid, dans tous les cas. Sa peau, elle, continuait de retourner dans les bleus, lentement. Se tenir debout avec cet étourdissement était compliqué...

Ohlz acquiesça lentement, encore confus et légèrement nerveux. Lui qui n'aimait pas les combats, il était assez déplu par la situation. D'ailleurs, il devenait un peu plus nerveux en regardant le Mutalythe, voyant très bien le bleu se répandre.

- ...je... puis-je faire quelque chose....? C'est votre tête qui vous fait mal...? Je... suis expert en produits médicaux...

Il n'ajouta rien, légèrement hésitant dans tout ça.

Dehors, dans la neige et le blizzard, deux Gardiens retenaient fermement, mais difficilement, un cyborg contre le sol. Celui-ci grognait un peu... et avait des yeux d'un bleu lumineux étranges. On devinait la forme d'une épée incurvée, sur le sol près de lui, mais encore dans son fourreau. Jayx, son sergent, soupira à la voir arriver. Simmons, un humain assez baraqué aux cheveux bruns et au bon coeur, retenait le cyborg, avec l'aide d'Amélie, une Altérés à l'allure un peu cendrée. Les deux étaient experts en immobilisation et assez forts... ce qui montrait là toute la force du sujet au sol. Joy, une humaine, surveillait, prête à administrer un sédatif au cyborg. C'était elle la médic du groupe.

- Patrouilleuse, heureux de vous voir. Quelle est la situation? Qui est cet homme, armé? J'ai besoin de savoir.

Le cyborg passa près de se redresser, mais les Défenseurs le retirent de justesse.

- Lâchez-moi... je n'ai rien fait...

La patrouilleuse relâcha un peu son garde à vous et observa autant de détails qu’elle le put à propos du cyborg. Ces yeux… elle savait qu’elle avait vu quelque chose dans la neige.

"Je suis tombé sur un mutalhyte mal en point : légère hypothermie, quelques engelures… je l’ai mis à l’abris et il commence à se réchauffer. Il requiert probablement de l’assistance médicale toutefois : il semble… confus. Étourdissements, faiblesse générale, saignements nasaux abondants."

Elle avait déclaré ces dernières informations surtout à l’intention de Joy, histoire qu’elle ait les informations dont elle pouvait avoir besoins. La gardienne se tourna ensuite vers son sergent.

"Il disait être suivit par… quelqu’un. Et semble croire que ce « quelqu’un » est responsable de son état. Il… parlait d’un « tas de ferraille » si j’ai bien entendu."

Elle jeta un coup d’œil en direction du cyborg.

"Monsieur Zayne, à l’intérieur, est terrifié à l’idée que cet individu s’approche de lui … ce qui m’incite à penser que s’il n’a pas posé d’actions directe il est néanmoins relié à tout ça. "

Elle garda ses suggestions d’action pour elle, ne voulant en aucun cas saper l’autorité de Jayx en pleine situation.

Son attention se tourna finalement sur Ohlz, qu'il observa quelques secondes. Un expert en produits médicaux? S'ils avaient vraiment un docteur, dehors, il n'en aurait pas besoin... Mais était-ce une bonne idée de se laisser examiner dans cet état?¸

- ...juste de l'eau... s'il-vous-plaît...

L'absence de fenêtre commençait à l'agacer lui-aussi. Il était là, enfermé dans une maison et terrorisé, à cause que le cyborg était là, dehors... Mais n'avait-il pas essayé de l'aider? Oui, un peu... Lui avait-il expliqué quoique ce soit? Non, pas du tout...

Il eut un grognement alors que son état empirait un peu, puis se laissa glisser contre le mur. Il ne tiendrait définitivement pas debout très longtemps. Les Défenseurs feraient leur travail.

Le marchand acquiesça, rapidement, regarda le mercenaire se rassir et retourna rapidement à sa cuisine, lui chercher de l'eau.

Dehors, Jayx acquiesçait lentement aux paroles d'Annabelle, incertain. Cette situation lui semblait étrange. Le vent soufflait fort, et il replaçait sans cesse son casque, devant protéger ses oreilles à l'intérieur, ce qui lui semblait inconfortable. Tous avaient écouté leur collègue, par contre.

- D'accord. Joy, va voir monsieur Zayne. Simmons, je veux les papiers de ce gars.
Heh, qui se promènerais avec un... katana, en pleine tempête de neige?!

Le renard eut un grognement, alors que Joy se dirigeait vers la maison, cognait et entrait. D'un côté, Simmons se mit à la difficile tâche de se déplacer, tout en essayant de fouiller le cyborg. La manœuvre commença bien... mais rapidement, le cyborg se libéra, avec une agilité surprenante, effectuant une roulade arrière. Amélie lui bondit dessus, pour se faire violemment repousser d'un puissant coup de pied dans le ventre. Les yeux bleus brillaient un peu plus... et Zolvar eut l'impression que son crâne allait éclater, dans la maison.

- ...je vous en pries, ne m'obligez pas à me défendre... Je veux simplement l'aider. Savoir comment il va. Il est parti dans cette tempête. J'étais inquiet.

Simmons et Jayx avaient levé leurs armes, maintenant incertains de la démarche à suivre. Amélie, elle, se remettait debout en grognant, visiblement courroucée.

À l'intérieur, après avoir cogné, Joy s'était rapprochée du mercenaire, doucement.

- Bonjour monsieur Zayne. Je suis joy, Gardienne et unité médicale... Comment vous sentez-vous?

La Gardienne examina le Mutalythe, de loin, pour commencer. Elle semblait soucieuse, ne voyant aucun signe qui pourrait expliquer les symptômes décrits par Annabelle.