Confronter ses démons (Pv Léo)

Le gentil géant inclina doucement la tête aux remerciements, semblant heureux d'avoir pu répondre aux questions, dans les faits. Aux paroles qui suivirent, il eut un soupir, puis observa le couloir, quelques instants.

- Dans les faits... je dois partir quand la nuit sera tombée. Je n'ai aucune idée de si elle est tombée ou non... Voyez-vous, notre vision ne capte pas la lumière, ou les ombres, pour dire franc. Je ne sais pas s'il fait jour, en ce moment. Hm.

Se trouvant un peu ridicule, le Nomade se frotta un peu les bras, puis s'étira longuement. Il acquiesça ensuite à la dernière question, puis retourna vers la chambre, tout en faisant signe à Léo de le suivre.

- Oui, en effet, j'ai trouvé quelque chose. Nos outils de communication ne sont plus utiles à cause du magnétisme, mais ils ont encore beaucoup d'autres utilités. J'ai... programmé un traducteur. Il captera les paroles dans ma langue et les traduira à la vôtre, en temps réel. Je dis la vôtre, mais en anglais, en allemand, en espagnol et en mandarin également.

Entrant dans la pièce, Saarth'alis se rendit justement à Thyrînn, qui tenait un genre de radio, sans touches ni écran, dans sa main. C'était un objet aux courbes étranges, qui était visiblement du desing de sa race.

Leo hocha lentement la tête en suivant le nomade.

"Si j’ai bien vu il est maintenant près de cinq heures… À cause de la température la nuit est déjà presque tombée mais il y a encore beaucoup d’activité dans les rues. Vous en avez encore pour quelques heures avant de pouvoir sortir sans danger de vous faire remarquer. "

Il eut ensuite une moue étonné devant l’appareil, qu’il observa légèrement sans toutefois s’approcher trop de Thyrînn.

"Franchement je suis impressionné… je m’attendais à une ardoise avec des dessins sommaires, mais là… je dois avouer que c’est drôlement commode. On pourra même avoir des conversations complètes."

L’ingénieur resta songeur un moment, puis se tourna vers Saarth’alis. Cette question lui brûlait les lèvres depuis qu’il avait croisé Zold’mahr.

"Je… euhm… dites-moi. Je sais que c’est peut-être même beaucoup plus compliqué que ça en a déjà l’air mais… pensez-vous qu’il serait possible pour un humain d’apprendre votre langue ? En toute modestie je suis un très bon élève, mais peut-être que le tout requiert un… enfin, des organes dont nous ne disposons pas ?"

La langue très chantée… peut-être que toutes les complexités qu’il entendait n’étaient que de la fioriture et que le tout restait sensiblement accessible ? Du moins un humain pouvait-il atteindre un niveau où il serait capable de communiquer avec un Nomade ?

L'information intéressa sans contredit le mastodonte. C'Était trop tôt pour lui, mais ça lui laissait également du temps à passer avec son ami. IL alla d'ailleurs reprendre sa combinaison, qu'il enfila lentement, couvrant de ce fait son corps. Haut, gants, capuchon... il remit tout, sauf le masque, qu'il coinça simplement dans son encolure, sur le côté de son cou, et non devant.

- Une simple ardoise aurait été trop simpliste. Il n'aurait pas été capable de tout vous dire, ni de tout comprendre. Avec le temps, il va être en mesure de vous comprendre sans... mais ça risque de prendre du temps.

La dernière question de Léo sembla le rendre totalement confus, assez qu'il se redressa un peu, comme l'ingénieur avait dit une énormité. Il ne sut pas trop quoi dire, toussa même un peu, puis baissa la tête, l'air songeur.

- ...je suppose que je pourrais vous permettre de la comprendre... mais la parler est complexe. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous avons trois voix. Je vous parle avec une seule voix en ce moment. Chaque voix, chaque groupe de cordes vocales, s'occupe d'une partie d'un mot, qui forme ultimement une phrase. Nous pouvons donc dire... trois fois plus de mots que vous, dans le même laps de temps. Par contre... je suppose que nous pourrions trouver un moyen de... rendre la langue un peu plus brute. Si c'est faisable...

Le Nomade sembla encore songeur, lâcha quelques paroles à son ami, qui pencha la tête de côté et haussa les épaules. Thyrînn semblait beaucoup moins nerveux, maintenant. Il était calme, mais aussi fatigué.

Leo hocha la tête, son esprit scientifique déjà à l’œuvre.

"Il faudrait que j’en sache un peu plus sur votre structure grammaticale et votre vocabulaire en général mais j’abonde dans votre sens. En fait, le gros de l’opération serait de forcer mon interlocuteur à la patience, comme il me faudrait trois fois plus de temps pour dire quelque chose qu’un membre de votre peuple. Il va vraiment falloir que je travaille ma vitesse de diction…"

Beaucoup d’idées lui virent en tête, travailler sur un appareil qui pourrait l’aider notamment. Mais toutes ses idées étaient trop loufoques ou encombrantes pour être prises en considération. L’air de Saarth’alis ne lui avait pas échappé toutefois et l’ingénieur s’empressa d’éclaircir.

"Voyez là une marque de bonne volonté : si nous voulons créer un contact prolongé et sain entre nos peuples, il serait inconvenant que vous soyez les seuls à faire des efforts pour communiquer. Mais si l’entreprise s’avère irréalisable je n’insisterais pas. "

L'air de Saarth'alis n'avait pas changé. Il réfléchissait encore à une solution, lentement. Il semblait de beaucoup hésiter, également, mais ne laissait pas trop voir ce fait. Il consulta encore son compagnon, qui répondit lâchement, puis acquiesça pour lui-même.

- Je comprend vos intentions, ne vous en faites pas. Je vais essayer de vous apprendre, alors, au fil des fois où nous nous verrons. Ce sera là une preuve de ma bonne volonté. Si nous voyons que la chose fonctionne, tant mieux. Sinon, noud aurons au moins essayé.

Tranquillement, il remit également son armure, morceau par morceau, dans toute sa complexité. Encore, chaque section semblait se plier par elle-même pour bien épouser le corps de son porteur et ne laisser aucun interstice. De plus près... était-ce seulement le métal qui se pliait, ou alors devenait-il un seul morceau? La chose était difficile à déterminer avec précision.

Thyrînn, de son côté, observait maintenant Léo avec attention. Il semblait épuisé, mais en même temps, très curieux également.

L’ingénieur avait observer aussi poliment que possible l’armure de Saarth’alis. Ce matériel le fascinait, manifestement, mais il allait devoir accepter le fait qu’il ne pourrait sans doute jamais le répliquer. Même s’il y arrivait il y avait peu de chance qu’il puisse créer une symbiose pareille avec le corps humain : c’était un projet qui touchait autant à la biologie qu’à la métallurgie… et suite aux révélations qu’il avait eu sur Stein, le mélange des deux ne lui apparaissait pas comme une entreprise très sécuritaire. Pas tant qu’ils n’auraient pas une compréhension plus approfondie de ces technologies.

Il tourna ensuite son regard vers le deuxième Nomade. Ils n’avaient pas eu le temps de se présenter, depuis son apparition dans les bras de Saarth’alis, aussi s’inclina-t-il légèrement dans sa direction. Le tout servirait de test pour le traducteur, du même coup.

"Bonjour, monsieur Thyrîn. Mon nom est Leo, j’espère que vous vous sentez mieux. "

Le mastodonte, dans une souplesse assez étonnante, s'installa sur le sol directement, en position du lotus. Il ferma les yeux également et sembla méditer un peu, le temps que Léo parle à son compagnon. Ses lignes, sous son armure et tout de même visibles, se mirent à briller, doucement, faisant un genre de vague lumineuse.

Thyrînn, de son côté, continu de fixer Léo. Du moment que l'ingénieur lui parla, le regarda plutôt, le Nomade appuya sur une touche de son appareil... puis on entendit une voix, semblable à celle d'un cyborg de par sa sonorité électronique, qui répéta tout dans la langue chantante des Nomades. Justement, le futur papa pencha la tête de côté, sembla très heureux de voir le résultat, puis parla à son tour près de l'appareil. Cette fois, la vois se fit entendre en français.

"Bonjour également, monsieur Léo. Je me sens un peu mieux, merci à vous et à vos compagnons. Je n'ai plus froid."

Son regard se dirigea vers Saarth'alis quelques instants, qui n'avait pas bougé, puis retourna sur l'ingénieur, tranquillement.

Leo resta un bref moment sans voix. Il était habitué de côtoyer des technologies très élaborées, mais c’était la première fois qu’il était témoins de quelque chose d’aussi précis et rapide.

"C’est… vraiment incroyable. "

Pour disposer d’une capacité de traduction instantané il fallait une mémoire interne… mais un disque dur qui entrait dans un dispositif si petit ? Comment ? L’ingénieur se promit de garder ses questions pour plus tard. S’il avait encore un doute sur la supériorité technologique des nomades, voilà qu’il venait de S’envoler. Il se reprit rapidement, essayant de détacher ses yeux du dispositif pour se concentrer sur Thyrînn.

"Heureux de l’entendre. J’imagine que Saarth’alis vous l’as expliqué mais vous êtes en ce moment chez deux de mes amis : Gabrielle et Lionel. Ils vous accueillent à bras ouverts et je serais moi-même présent aussi souvent que possible pour aider si vous en avez besoins. "

Il pencha la tête sur le côté. Il ne savait pas comment il devait formuler la question, ni même si elle était pertinente.

"Je… sentez-vous libre de répondre ou non, mais j’ai crût comprendre que vous alliez bientôt être le parent d’un enfant ? Allez-vous avoir des besoins spécifiques lors de votre séjour ici ? "

Aux paroles de Léo, Thyrînn eut un gloussement doux. Visiblement, l'étonnement de l'humain l'amusait. Il acquiesça ensuite à la suite, tenant toujours fermement l'objet dans ses mains. Il ne semblait pas vouloir le lâcher. D'ailleurs, son "traducteur" se remit au travail, le Nomade répondant à l'ingénieur.

- ...il m'a expliqué tout ça. Il m'a aussi dit d'être patient avec vous et que je pouvais vous faire confiance. J'espère qu'il a raison.

La dernière question de Léo le fit glousser de nouveau, et il baissa la tête tout en menant une main à sa poitrine. Avec un peu d'observation, et un autre sujet qui n'était lui pas en attente d'un enfant, on pouvait remarquer que le buste de Thyrînn semblait plus épais... enflé, peut-être?

- ...je n'ai besoin de rien de plus que ce qu nous vous avons déjà demandé. Simplement... si je viens qu'à mettre mon enfant au monde ici, nous allons avoir besoin de beaucoup de serviettes... et de notre soignant.

Son regard revint vers Saarth'alis, qui ne semblait pas du tout les avoir entendu, puis il toussa un peu, pour finalement ne plus faire un seul bruit, ses yeux fixés dans ceux de Léo.

L’ingénieur hocha doucement la tête.

"Nous ferons ce qui est en nos capacités pour le faire venir jusqu’ici. À voir comment Saarth’alis s’y est pris pour vous ça ne devrait pas poser trop de problème. Au moins la neige facilite certaines choses…"

Ce fut son tour de glousser. Jamais il n’aurait cru qu’il trouverait ce genre de cataclysme « pratique » jusqu’à une certaine mesure. Son esprit vagabonda un bref instant, son côté ingénieur essayant tant bien que mal de trouver des moyens « d’optimiser » cet hiver : équipement approprié, un moyen de créer de la chaleur peu importe les conditions extérieures… avec un peu de moyen ils pourraient sortir sans risque et devancer les défenseurs quelque peu. Peut-être même aider les nomades sur le chemin du retour jusque chez eux.

"Si je puis me permettre… depuis combien de temps êtes-vous partis de chez vous ? Je veux dire… il doit y avoir des gens qui attendent votre retour. Avez-vous des moyens de communiquer avec eux ? À distance ?"

La question était toute candide. Leo n’avait aucune idée du fonctionnement biologique ou social des nomades, mais peut-être avaient-ils des familles, des conjoints…

Le Nomade acquiesça lentement aux paroles de Léo, sans pour autant vraiment bouger. Il gardait les couvertures contre lui, tenant visiblement à la chaleur qu'il avait réussi à avoir, en plus de ne pas sembler très à l'aise de le faire. Il laissa donc l'ingénieur vagabonder dans ses pensées, puis se figea un peu à ses dernières questions. Baissant un peu la tête, il se mit à jouer avec ses mains.

- ...c'est compliqué... Je... Nous sommes en exploration depuis une dizaine d'années... La plupart d'entre nous avons des proches, oui... Avec le problème dont vous a parlé 'Alis tout à l'heure, nous ne pouvons pas leur parler... Ils doivent nous penser morts, dans les faits... Bref...

Le traducteur avait ce mécanisme de ne pas traduire les intonations de voix, alors mis-à-part les chants moins joyeux qui avaient précédés les paroles, on ne sentait pas vraiment de détresse ou autre. Suite à un long soupir, Thyrînn fit sortir l'une de ses langues de son masque, l'étira... puis poka l'arrière de la tête de Saarth'alis avec. Le gentil géant semble sortir de sa concentration, un peu surpris, et chercha ce qui l'avait touché.

L’ingénieur était resté silencieux, digérant lentement les révélations auxquelles il venait d’avoir droit.

"Je suis vraiment désolé de l’apprendre. J’espère que vous réussirez à rentrer sain et sauf un jour. Si je puis vous y aider je le ferais avec plaisir. "

Dix ans en nomade… à explorer et répertorier des territoires. C’était beaucoup plus qu’il n’était en mesure de s’imaginer. Les expéditions les plus longues conduites par les scavengers de Sicherheit avaient duré tout au plus quelques mois. Leo n’avait que treize ans lorsqu’ils étaient partis de leurs foyers. Cette constatation lui fit hausser un sourcil.

"Dites-moi… jusqu’à quel âge… enfin… quel est l’espérance de vie moyenne d’un nomade ? Si ce n’est pas trop indiscret bien sûr."

Ses interlocuteurs lui laissaient cette curieuse impression : celle d’être très… sages ? Un peu à l’image des Orchids, qui pouvaient vivre beaucoup plus longtemps que n’importe quel humain.

Thyrînn baissa légèrement la tête. Quelque chose semblait le peser, mais il n'en disait rien. Réalisant finalement ce qui se passait, et se disait, Saarth'alis se contenta de prendre une main de son compagnon et de la serrer doucement, dans un signe évident de support moral.

La question qui suivit sembla les surprendre tous les deux... et les rendre hésitants. Ils se consultèrent du regard, silencieusement mais longuement, puis Saarth'alis haussa finalement des épaules. La question silencieuse étant réglée, le traducteur électronique fit de nouveau son travail.

- Je ne sais pas si vous allez me croire, si je vous réponds. Disons simplement que nous vivons longtemps. Très longtemps.

Son regard ne quitta pas Léo, dans tous les cas. Il voulait vraisemblablement voir la réaction de l'humain face à ses paroles.

L’ingénieur se contenta de hocher la tête, ses soupçons confirmés. Il devrait vraiment commencer à écouter son instinct plus souvent.

"Eh bien… On n’a pas arrêté de me dire que c’était impolis de demander l’âge de quelqu’un alors je ne vous presserais pas."

Il leur offrit un sourire encourageant. Il était un scientifique… mais son esprit était ouvert aux possibilités de manière peut-être beaucoup plus intense que les autres. Ils vivaient dans un monde dont ils comprenaient si peu de choses. Mieux valait assumer quelque chose possible jusqu’à preuve du contraire. Mais surtout après cette révélation un léger doute s’inséra dans l’esprit du scientifique. Sokolov et Pipes… que se passerait-il si l’un d’eux mettait la main sur un Nomade ? Devait-il le mentionner ? Leo resta muet un petit moment et se décida finalement à parler. Il en allait de leur sécurité. Mieux valait les inquiéter pour rien que les garder ignorant d’un danger qui planait peut-être sur eux.

"Je… je crois que je dois vous avertir d’une chose. Deux, en fait, qui secouent la cité en ce moment et qui pourraient être dangereuses pour vous. Le premier se nomme Pipes. Un grand… individu, masqué, qui est au cœur de beaucoup d’intrigues en ce moment. C’est un paria, un hors-la-loi, mais il dispose d’un réseau considérable d’informateurs et d’espions. Il est assoiffé de connaissance parce qu’il s’agit de sa monnaie d’échange. Il… il y a de bonne chances qu’il soit déjà au courant de votre présence ici et qu’il cherche à vous contacter. Il est dangereux. Méfiez-vous de lui si jamais vous entrez en contact. "

Il prit une bonne inspiration. Il n’y avait aucun moyen diplomatique d’aborder ce deuxième sujet aussi se contenta-t-il d’être honnête.

"Le deuxième se nomme Sokolov. C’est un scientifique. Je ne sais pour le moment pas grand-chose à son sujet mais… il… se spécialise dans l’altération corporelle. Depuis… trop longtemps, déjà. Il… risque de vous trouver… fascinant, s’il réussit à mettre la main sur l’un d’entre vous. Tant que vous n’aurez pas la protection de l’élu du secteur scientifique, essayez d’éviter le secteur des sciences. D’accord ?"

Il attendit de voir leur réaction. Il allait, après tout, leur enlever l’une des principales raisons pour leur sortie en ville, mais mieux valait les prévenir au cas où.

Les deux Nomades n'ajoutèrent rien sur la question de l'âge. Aucun des deux ne semblait avoie envie de préciser le sien, et quelque chose de morose flottait dans l'air. De triste, même. Dans tous les cas, Saarth'alis continua de serrer la main de Thyrînn, dans un silence entendu, mais semblant apprécié. Une légère odeur sucrée remplit l'air, flattant l'odorat de Léo, qui put se sentir... moins stressé, peut-être? Plus relaxé?

Tout s'arrêta, par contre, quand le scientifique commença à parler. Encore, aucun des deux Nomades ne parla tant que le scientifique n'eut pas terminé ses explications, et encore là, ils prirent quelques minutes pour finalement dire quelque chose. Ce fût Saarth'alis qui parla, Thyrînn semblant un peu trop troublé par les paroles de Léo.

- ...pour le premier, nous étions au courant que quelqu'un savait que nous étions là. Nous l'avons su dès notre arrivée dans le périmètre de votre civilisation. Pour le deuxième...

Il eut un profond soupir, visiblement beaucoup moins à l'aise. Beaucoup de choses semblaient lui passer par la tête. Beaucoup d'éventualités qu'il aurait à considérer, bonnes comme mauvaises.

- Nous devrons rencontrer votre Élu bien assez tôt, alors. Je ne souhaite pas que l'un des miens se fasse disséquer vivant. Encore pire; qu'il se fasse arrêté et tué parce qu'il a voulu défendre sa vie. Nous avons assez du froid, des maladies, infections et créatures sauvages sur notre cas, en ce moment...

Il garda le silence encore quelques instants, semblant réfléchir. Thyrînn semblait très troublé par les révélations de Léo, même nerveux vis-à-vis elles. Il avait peur pour sa vie, et pour celle de son enfant, visiblement. Saarth'alis, lui avait plutôt l'air de considérer les faits de manière stratégique. Comme l'aurait fait un chef de groupe, un combattant aguerri, un professeur, même. Il ne se laissait pas prendre par la peur et cherchait plutôt des solutions.

- Pourriez-vous glisser un mot à cet Élu? De nos problèmes, de ce qui pèse sur nos épaules? S'il accepte une rencontre après avoir entendu notre plaidoyer, je me porte volontaire pour aller lui parler. De meneur de groupe à meneur de groupe. Sinon... je nous trouverai quelque part où nous mettre à l'abris. Du moins, j'espère en être capable...

Leo hocha la tête. Il s’en voulait d’avoir semé un vent de panique… mais encore une fois l’importance de cette information lui semblait capitale.

"Parfais. Je travaille sous ses ordres directs je pourrais donc lui parler dès que je rentrerais travailler. Je n’ai aucune idée de l’heure mais ça pourrait même être aujourd’hui. "

Il soupira, se grattant la tête.

"Au moins pour autant que je sache Sokolov et Pipes ne travaillent pas ensemble, loin de là. Je ne crois pas que vous soyez dans un danger immédiat : personne ne pensera à venir chercher dans la maison d’un défenseur. À l’extérieur des murs toutefois… "

Il essayait de chercher lui aussi des solutions.

"J’ai une amie Scavenger, peut-être qu’elle connait des cachettes intéressantes qui ne seraient quand même pas trop loin des murs. Je lui poserais la question dès que ce sera possible. "

Saarth'alis eut un petit soupir de soulagement, mais sans plus. Il pencha la tête de côté et sembla évaluer visuellement l'état physique de Léo. Qu'il le veuille ou non, l'ingénieur avait lui aussi passé une longue nuit, comme ses deux invités du moment.

- Commencez par vous assurer que vous êtes en état, et nous verrons ensuite pour les échéances.

Le Nomade n'ajouta rien ensuite, mais roula des yeux et retourna s'installer derrière son compagnon, qui eut le réflexe de se blottir contre lui. Les deux semblaient être très proches, sans que l'on sache vraiment leur relation.

- ...si ce n'était pas du froid, je pourrais nous faire un abris. J'ai les connaissances pour nous construire une habitation fonctionnelle. Si nous avons vraiment à nous défendre... nous le ferons. Le plus pacifiquement possible. Pour l'instant, Thyrînn est en sécurité, et c'est tout ce qui importe. Les nôtres seront heureux de l'entendre.

La petite machine avait, depuis le début, tout traduit de la conversation. Thyrînn se permit de murmurer quelque chose, qui se traduisit par un "Relative sécurité".

Leo leva une main qu’il voulait rassurante.

"Pour le moment vos pires ennemi sont les éléments… déjà qu’à l’abris des murs beaucoup d’habitants souffrent du froid je n’ose même pas imaginer ce que votre groupe endure en ce moment. Le bon côté des choses est que la cité est tellement occupée à gérer cette crise que très peu d’informations circulent à votre sujet. La plupart des citoyens n’ont qu’une idée très vague de votre existence et aucun communiqué officiel n’a été fait à ce sujet. Enfin… tant que les gardiens seront occupés à gérer la crise je serais surpris qu’ils prennent une quelconque mesure à votre endroit. Après tout vous ne vous êtes pas montrés agressifs. Et le jour où ça arrivera… eh bien… on le saura avant tout le monde et nous pourrons réagir en conséquence grâce à Lionel."

L’ingénieur parut satisfait, la situation lui semblant tout d’un coup un peu moins désespérée. Il ne restait plus qu’à mettre le reste du peuple de Saarth’alis à l’abris et il avait confiance que Stein saurait quoi faire. Même si l’élu ne pouvait agir directement ou émettre d’annonce officielle concernant les nomades il saurait le conseiller pour le mieux. Le jeune homme passa quelques instants les yeux fermés avant de les rouvrir avec peine, un sourire désolé sur son visage.

"Désolé je… je crois bien que je vais retourner dormir très bientôt si je veux être en état de me rendre au complexe pour voir Stein. Je… je vais voir quelle heure il est pour vous donner une idée avant par contre. "

Saarth'alis acquiesça lentement aux paroles de Léo. il semblait voir que l'humain devant lui était épuisé et ne poussa donc pas le questionnement.

- ...merci encore de nous aider. Nous saurons nous racheter, je le jure sur mon honneur...

D'une main, l'imposant Nomade se mit machinalement à caresser la tête de Thyrînn, qui ne s'était toujours pas éloigné de lui. Il eut un gloussement un peu nerveux, était lui-même sur le point de demander à l'ingénieur d'aller se reposer.

- Justement, allez-y avant que vous ne vous écrouliez. Reposez vous. De toute manière, nous allons nous revoir.

Il y avait un ton doux, presque paternel à la voix de Saarth'alis, alors qu'il demandait à Léo d'aller se reposer. La chose sembla amuser Thyrînn, qui gloussa doucement.

L’ingénieur hocha la tête doucement. En d’autres circonstances il se serait peut-être obstiné pour rester debout, mais il aurait été totalement futile d’argumenter : il n’était plus en état d’être debout et ses jambes de plus en plus molles le lui rappelaient cruellement.

"Je vous laisse vous reposer vous aussi… je crois que vous avez encore quelques heures avant que le soleil ne soit couché, profitez-en. Si vous avez besoins de prendre une douche ou si vous avez faim ou soif, ne vous gê… nez surtout pas. "

C’est en baillant profondément que Leo sortis de la pièce, refermant la porte derrière lui. Il retourna lentement et prudemment jusqu’au divan où il avait fait son lit, faisant attention au coin de meuble qui lui avait bousillé un orteil un peu plus tôt. Il s’étendit de tout son long, laissant son esprit vagabonder pour assimiler et tirer des conclusions de tout ce qu’il venait d’apprendre. Il n’en fallut pas plus au jeune homme épuisé pour tomber dans un sommeil profond, remplis d’être étranges et quasi immortels et de doux chants incompréhensibles.

Saarth'alis acquiesça et le salua d'un signe de tête, poliment, n'ajoutant rien. Il semblait vouloir que l'ingénieur aille se reposer et avait donc décidé de le laisser faire.

Encore, Léo dormit en paix pendant quelques heures. Il n'y avait pas un on dans la grande maison. Racaille se tenait tranquille, visiblement, et ne dérangeait personne. Par contre, vers les 19 heures, quelqu'un secoua doucement l'épaule de Léo pour le réveiller. C'était Lionel qui se tenait là, les cheveux trempés par la neige, mais souriant tout de même.

- ...Léo... debout... Le repas va être froid sinon...

Une bonne odeur flottait dans la maison. Et puis, avec un peu d'attention, l'ingénieur put sentir la petite présence de la belette contre son corps, en boule.

L'ingénieur émergea de son sommeil de plomb avec difficulté, mais heureusement plus doucement que lors de son dernier réveil. Son corps était reposé... mais manifestement il exigeait encore un peu de repos. Il lui fallut plusieurs longues secondes pour que sa vue revienne et qu'il soit capable de voir Lionel en face de lui. Il laissa un hybride grognement/soupir lui échapper et commença à se lever.

"Merci... ça sent très bon."

Sa tête battait au rythme de son coeur, mais ce n'était qu'une migraine due à la déshydratation. Un grand verre d'eau et un bon repas le ferait tout de suite aller mieux. Le jeune homme fit de son mieux pour ne pas déranger Racaille et la laisser dormir a travers les couvertures encore chaudes. Si l'ingénieur avait les cheveux en bataille d'habitude ils étaient en ce moment en guerre civile, les mèches mi-longues créant une sorte d'amas brousailleux et impénétrable sur le sommet de sa tête. Seule sa mèche blanche tombait avec discipline dans sa figure. Ajoutons à cela des cernes assez visibles et malgré son sourire détendu l'ingénieur faisait un peu peur à voir. Une fois debout il dut prendre un moment pour s'assurer de son équilibre avant de suivre le défenseur vers la cuisine.

Lionel l'observa, non sans un air inquiet, alors que l'ingénieur commençait à se lever. Le Gardien semblait lui-même épuisé. On pouvait voir la peau autour de sa cybernétique qui avait rougi un peu. Peut-être était-ce à cause du froid mordant dehors? Ou alors avait-il encore eu une crise dans la journée? C'était un mystère.

- Je vais aller te préparer une tisane. Oh, pendant que j'y pense... il y avait de petites marques dans ton manteau. Je les ai cousu pour qu'il ne se dégrade pas davantage. Et... le plus grand des deux n'était pas là à mon arrivé. L'autre dort comme un bébé.

Le Défenseur s'accorda un sourire, qui s'élargit en voyant Racaille rouler dans les couvertures et disparaître sous le tissu. On entendit un petit éternuement mignon, mais rien de plus. S'assurant que Léo allait bien, le Gardien se rendit donc à la cuisine, mélangea un peu ce qui cuisait dans la marmite sur le feu, puis commença à servir les bols. Ensuite, il mit plutôt de l'eau dans une bouilloire, la mit sur le feu elle aussi et attendit simplement, lunatique.

Leo hocha la tête doucement.

"Saarth’alis. Oui, il a mentionné qu’il devait sortir… aller voir le reste de son groupe je crois. Il attendait que le soleil tombe. "

Il s’appuya contre le comptoir de la cuisine et se passa une main sur la tête pour placer ses cheveux un minimum. Il avait déjà l’air un peu plus réveillé et il s’autorisa lui aussi un sourire en voyant le bol de nourriture chaude être placé sur la table.

"C’est vraiment gentil : je n’ai rien avalé depuis hier midi… ça va me faire un bien fou. "

C’est lorsque le cyborg mit de l’eau à bouillir que l’ingénieur remarqua les rougeurs sur la peau de ce dernier. Il fronça les sourcils, incertain.

"Grosse journée ?"

Il faisait d’avantage allusion à la fatigue qui semblait habiter Lionel… mais bien vite il regarda autours et parut soudainement incertain.

"Gabrielle n’est pas encore rentrée ? "

Lionel murmura un "oh, je vois..." tout bas à la première explication de Léo. C'était tout logique, et le cyborg semblait se trouver stupide de ne pas y avoir pensé avant. Il déposa ensuite les bols sur la table, doucement, et offrit un sourire sincère à Léo. Quelque chose semblait pourtant morne dans son regard, mais il ne le laissait pas trop paraître.

- ...ce n'est rien, voyons. Tu es un invité et une bonne connaissance. J'ose espérer me conduire en bon hôte avec toi.

Il se tourna ensuite vers l'eau, la surveillant, puis prit la bouilloire et versa le liquide chaud dans deux tasses, qu'il agrémenta ensuite des épices. À la question, ses épaules s'Affaissèrent un peu, et il eut un long soupir qui lui sembla pénible.

- ...grosse journée... disons ça, oui.

Le Gardien ramena les deux tasses, en donna une à Léo, puis s'installa à table. Son regard glissa de son infusion jusque sur l'ingénieur, doucement, alors que celui-ci parlait de sa soeur. Il eut encore une fois un petit sourire, ne semblant pas inquiet de son côté.

- Non, pas encore. Je suis passé au complexe en finissant... et elle m'a dit qu'elle resterait tard. Pour "tester la compatibilité cyborg/brachium avec le plus gros spécimen de cybernétique de l'État", et je cite. Si le temps est trop mauvais, elle va demander une chambre pour la nuit.

Lentement, Lionel se mit à manger, soufflant longuement sur chacune de ses bouchées. Il gardait un côté sympathique tout de même. En même temps, il était habitué de travailler dans le publique.