Confronter ses démons (Pv Léo)

Leo voulait se mordre les lèvres, jouer avec ses mains… Son esprit fonctionnait à toute allure et il devait occuper son corps à quelque chose. Mais il se refusait encore à laisser transparaitre quoi que ce soit. Ses sourcils demeurèrent froncés, c’est à peu près tout ce qui transparut de son état d’esprit. Ce ronronnement… une génératrice sans doute. Il doutait qu’un système de ventilation soit nécessaire à l’homme masqué. Le courant donc n’était pas la clé… mais s’il ne redirigeait pas ainsi son électricité alors il devait la produire. Les formes qu’une telle instalation pouvait prendre étaient limitées et a moins de disposer d’une installation géothermique toutes laissaient des traces. Mais son interlocuteur avait manifestement beaucoup de ressources à sa disposition…

"Quel est l’intérêt d’avoir un peuple éveillé, avertis et capable de raisonnement critique par rapport à la caste dirigeante? Quel est Votre intérêt dans cette utopie que vous visez?"

Le jeune ingénieur n’arrivait pas à croire que Pipes agissait de manière désintéressée… C’était un marchand. Si il visait ce genre d’ordre alors c’est qu’il avait quelque chose a y gagner. Mais s’il atteignait son objectif alors Sicherheit n’aurait plus besoins de lui. Alors pourquoi?  

"Vous visez la chute des archivistes... entre autre?"

Leo regretta instantanément d'avoir parlé. La clée gravitait quelque part autours de cette mystéieuse organisation... Il ne servait à rien de jouer les imbéciles mais révéler ainsi son jeu sans nécéssité était loins d'être prudent. Les inventions qu'il avait apportées avec lui ne lui seraient que d'une utilité très relative si Pipes décidait qu'il en savait trop.

Les questions de Léo restèrent en suspend, à peine quelques secondes, puis Pipes se mit à rire. Cette fois, le rire semblait simplement franc, comme s'il était réellement amusé. Il se reprit bien assez vite, par contre, et se leva, pour tirer sur le tube qui était toujours fiché dans son flanc et ainsi le décrocher.

- Vous vous attendez probablement à m'entendre dire des chose du genre "parce que je veux le contrôle de l'État", "parce que je veux la puissance absolue", "parce que je veux avoir le contrôle, autant sur les citoyens que sur les renégats"... Mais non. Il y a des directions qui ne doivent pas être prises par notre société. Ces directions bien précises causeront une destruction sans pareil... Pourquoi gâcher une deuxième chance? Sicherheit est notre deuxième chance, et je refuse de voir un quelconque mégalomane tout détruire pour son bon plaisir. Sicherheit... ça veut dire "sécurité". En Allemand. Amusant, non?

La sombre silhouette s'approcha alors doucement de Léo, se plantant devant lui. L'ingénieur étant encore assis, il le surplombait assez pour le plonger dans l'ombre, malgré les lumière environnantes.

- Vous ne devriez pas émettre des hypothèses sur des sujets qui vous échappent totalement. Vous créez de fausses idées dans votre esprit, et vos résonnements ne peuvent plus être neutres. D'autres questions?

Pipes recula d'un seul pas, le regard toujours planté sur le jeune homme.

Leo devait comprendre que Pipes était une sorte d’ange gardien de la cité? Plutôt quelqu’un tirant un avantage certain de la survie de cette cité… un marchand ne voulant pas voir toutes ses opportunités d’affaire s’envoler en fumée. Un investisseur. Était-il une sorte de mal nécessaire à l’état? Ou quelqu’un ne faisant que se présenter comme tel? Ce genre d’explication n’avaient en effet qu’une seule valeur : la confiance qu’on accordait à celui qui les émettait.

L’ingénieur ouvrit sa bouche, mais la referma instantanément. Pipes était extrêmement loquace pour quelqu’un stipulant que chaque information avait un prix… Soit il lui faisait un cadeau, peut-être sans s’en rendre compte, soit il attendait de lui tendre la note à la fin de leur discussion. Mieux valait ne pas prendre de risque, avant d’être obligé de promettre une année de servitude.

"Non. Pour le moment je crois que c’est tout ce que je suis en mesure de marchander en termes de connaissances."

Les derniers mots de l’homme masqué n’apportaient aucune réponse, sinon qu’il était vrai que Leo ne savait absolument rien au sujet des archivistes… toutefois… il ne pouvait s’empêcher de penser que ce groupe était, au même titre qu’Hexus, une pièce relativement importante dans le jeu auquel s’adonnait Pipes. Au moins il savait maintenant vers quoi ses prochaines recherches s’orienteraient. L’ingénieur replaça une mèche rebelle, ravala sa curiosité et se contraignit à la mesure. Pipes était bien la dernière personne envers qui il souhaitait avoir des dettes.

"Maintenant je crois qu’il est temps pour moi de m’acquitter de vos deux tâches. Non? "

L'hésitation de parler de Léo sembla amuser Pipes, de nouveau. Il observait le jeune ingénieur, toujours d'aussi près, mais sans se faire plus intrusif. Dans les faits, il se contentait de rester planté là, un peu comme un garde qui surveille un suspect.

- Bien sûr, vous en avez d'autres, mais vous ne voulez pas prendre le risque. Soit.
Donc... Je vais vous expliquer ce qui va se passer. Je vais vous injecter quelque chose. Vous allez vous endormir. Quand vous vous réveillerez, vous serez à l'abris du froid. Avec l'appareil que vous avez acheté à Hexus, vous trouverez les choses à livrer, et les coordonnées d'où elles doivent être livrées. Vous ne vous rappellerez rien de ces lieux, mais la conversation restera dans votre mémoire. Non, je n'en profiterai pas pour prendre de votre sang. Je préfère l'avoir de manière consentante. Également... Vous aurez quelque chose pour vous protéger du froid. Êtes-vous prêt?

Sa voix avait pris une timbre beaucoup doux, durant ces quelques instructions. Un peu comme un mentor qui explique patiemment ce qui va se passer à son élève. Il restait bien droit et à distance, surveillant toujours Léo. Par contre, il semblait un peu plus désinvolte qu'au début de leur conversation.

L’ingénieur resta silencieux un bref instant. Faisait-il confiance à Pipes? Bien sûr que non. Avait-il le choix? Non. Tout ce qui lui restait à espérer était qu’il tiendrait parole. Il tendit le bras et releva sa chemise, essayant autant que possible de ne montrer aucune crainte.

"Une dernière chose. J’imagine qu’il y a une manière beaucoup plus simple de vous contacter. Si je suis à nouveau prêt à faire affaire avec vous comment dois-je m’y prendre?"

Le bras à découvert, Leo attendait. Il était prêt même si il n’attendait pas le dénouement de tout ceci avec beaucoup d’excitation.

Pipes eut un autre gloussement doux. Il fouilla dans son manteau, puis en sortit une simple seringue, avec encore le capuchon. Ses mouvements étaient précis et clairs, comme s'il ne voulait rien cacher à Léo.

- Passez par Hexus. Je saurai que vous voulez me contacter, et j'agirai en conséquence. Dernière chose. Empêchez votre collègue de creuser trop loin sur l'histoire de cybernétique. Vous ne voulez pas que ce petit ange perde des plumes.

Lentement, il prix le bras de Léo. Maintenant, son contacte était froid plutôt que chaud. Il laissa Léo voir ce qu'il faisait, sans s'en cacher: enlever le capuchon, trouver la veine, insérer l'aiguille, puis injecter. Il avait indubitablement de l'expérience, le faisant sans aucune difficulté. Pendant quelques instants, Léo ne sentit rien. Puis, sa tête commença à lui tourner, sa vision à se brouiller, et la dernière chose qu'il vit furent les yeux jaunes de Pipes.

Quand il revint à lui, il se trouvait dans une bâtisse abandonnée, petite mais chauffée avec un petit feu de camps. Son achat était près de lui, avec un sac supplémentaire et une lettre cachetée. De plus, un gros manteau, spécialement contre le froid, reposait aur son corps. Il se rappelait toute la conversation, mais pas comment il en était arrivé là. Seulement une pièce noire et le son omniprésent de la voix de Pipes.

Leo ouvrit les yeux et se redressa lentement. Il prit quelques instants pour regarder autour de lui et encore quelques autres instants pour essayer de remettre sa mémoire à l’heure. Tel que promis, il se rappelait chaque mot prononcé… Mais sa mémoire photographique lui faisait défaut à partir du moment où il avait quitté la boutique d’Hexus. Où avait-il dit déjà? Un… une…

Rien. C’était comme si sa vue avait simplement cessé de fonctionner à partir de là. L’ingénieur jura tout haut et se prit la tête à deux mains. Il n’avait pas pris les paroles de Pipes à la légère, mais se faire ainsi amputer d’un souvenir n’était pas un sentiment plaisant pour quelqu’un qui se vantait d’avoir une mémoire à toute épreuve. Maintenant seul et à l’abri du froid le jeune homme en profita pour examiner chaque recoin de son corps. Aucune coupure, aucune trace d’aiguille… Au moins il avait dit vrai sur ce point. C’était un bien maigre soulagement, mais au moins il n’appartenait pas au « répertoire » du mystérieux ange gardien de Sicherheit.

Un détail ne parvenait pas à quitter la tête de Leo alors qu’il terminait de se rhabiller : pourquoi Pipes n’agissait pas « directement ». Il avait manifestement des moyens considérables à sa disposition, pourquoi faire appel à lui pour livrer un colis? Il semblait plus probable à l’ingénieur qu’il ait toute une organisation pour le soutenir… mais l’hypothèse d’avoir affaire à un esprit démesurément puissant ayant trop peu souvent besoins d’intervenir directement pour se donner cette peine n’était pas à exclure. Il avait parlé de contacts après tout… pas de collaborateurs ni d’employés. Le jeune homme termina d’attacher le manteau que lui avait donné Pipes (un cadeau inattendu… mais sans doute intéressé : pipes ne tenait pas à ce qu’il meure de froid avant d’accomplir ses tâches) et se pencha ensuite sur le paquet et la lettre, fouillant afin de trouver les instructions dont avait parlé son nouvel « employeur ».

Le genre de bâtiment dans lequel il se trouvait était vide de toute autre personne. Comme l'ingénieur l'avait précédemment remarqué, il n'avait aucune marque de piqûre ou de coupure nulle part.

Le vent soufflait dehors alors que le jeune homme examinait les différentes choses qui l'entouraient. Le manteau était chaud, le sac léger, la lettre scellée... et les instructions bien présentes, dans le petit sac. La première destination de l'ingénieur était étrangement celle de sa provenance: la boutique d'Hexus. La prochaine, elle, se trouvait plutôt au port, dans le secteur de l'agriculture. Il devait attendre un contacte à un certain lieu et lui remettre la lettre. Un "Scorpion" avait été inscrit en ajout, mais rien de plus. L'ingénieur avait donc ses instructions, et ses petites missions lui prendraient probablement presque toutes la nuit.

Leo mémorisa les instructions puis jeta le papier les indiquant dans le feu. En cas de pépin mieux ne valait pas laisser ce genre de trace… pour lui plus que pour Pipes. Il avait donc sa première destination en tête : le « Fatalité et curiosité ». S’armant de son courage au souvenir du froid qui rodait à l’extérieur, le jeune homme resserra son manteau autours de ses épaules, passa son sac et le sac à livrer en bandoulière, cala le régulateur sous son bras et se mit en route. Son appartement n’était qu’un détour mineur, il serait donc avisé de passer laisser son achat avant de se mettre en route pour aller porter la lettre : ses déplacements en seraient grandement facilités.

Ainsi paré, il s'arma donc de son courage et sortit du petit bâtiment, essayant de repérer où il se trouvait. Logiquement Pipes ne devait pas l’avoir abandonné très loin du quartier marchand…

À l'extérieur, le vent semblait souffler fortement et happa d'ailleurs Léo du moment qu'il sortit. La neige dansait devant ses yeux, et l'éclairage diffus de quelques lampadaires à l'huile lui montrait qu'effectivement, il se trouvait aux limites du secteur marchand et celui central. Le bâtiment dans lequel il se trouvait préalablement semblait être utilisé pour l'entretient publique, et il n'y avait donc personne à cette heure. Dans tous les cas, s'il n'avait pas eu le fameux manteau en ce moment... le froid aurait été beaucoup plus cruel avec lui.

Il aurait moins d'une heure à marcher pour se rendre à la boutique d'Hexus. Le marchand n'y était peut-être plus, considérant son état, mais avec de la chance, tout se passerait bien. Les rues, sous ce début de blizzard, étaient désertes, totalement. Léo ne croisa qu'un Défenseur, une fois, et le pauvre semblait grelotter dans son armure. Le givre avait d'ailleurs tracé de fins dessins sur le métal. Au moins avait-il un casque, qui l'empêchait d'être aveuglé.

Le jeune ingénieur se mit en route, bravant le froid et la neige aussi bien qu’il le put malgré sa maigre stature. Il n’avait jamais particulièrement aimé le froid, se déplacer ainsi chargé comme une mule avec les pieds gelés n’aidait donc en rien son humeur. Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’il ne faisait pas tout ce chemin pour rien et qu’un rhume ne le guetterait pas une fois cette soirée terminée.

Léo arriva au "Fatalité et curiosité" assez rapidement malgré tout. Les lumières caractéristiques de la boutique brillaient toujours, montrant que quelqu'un s'y trouvait encore. La porte s'agitait dans le vent, et la neige semblait vouloir passer sous la porte de temps à autre. Le vent sifflait autour de l'ingénieur, la boutique se trouvant près des murs du secteur marchand. Tout semblait peu rassurant, et ce fut encore pire en passant la porte.

Encore, Hexus n'était pas visible. Par contre, ses plaintes étaient bien audibles, elle. Il semblait en grande douleur, encore, comme si elle ne l'avait pas quitté. On n'entendait que ça: ses gémissements, entrecoupés de sanglots de douleur assez plaintifs. Il n'y avait pas un autre son. Par contre, quelques articles avaient été poussés par le vent, comme le livre sur le comptoir qui était maintenant au sol. Les Gelds et les anti-douleurs, eux, n'étaient plus là. Peut-être Hexus les avait-il pris, ou peut-être avait-on profité de sa faiblesse pour le voler. Dans tous les cas, il était là, quelque part, à souffrir le martyr.

Leo se secoua un peu pour faire tomber la neige en entrant dans la boutique. Il déposa le régulateur à l’entrée, permettant à ses bras de se reposer un peu. Il avait chaud et froid à la fois, toute cette randonnée en pleine neige n’était définitivement pas un test qu’il passait haut la main.

Une fois un peu plus confortable Leo tendit l’oreille et suivit les gémissements. Ce n’était définitivement pas un bon moment pour passer. Mais encore… l’était-ce jamais tout à fait avec Hexus? Ce n’était pas par peur qu’il avait envie de rebrousser chemin, mais par compassion. Si l’altéré méritait bien une chose c’était de se faire laisser tranquille. Mais l’ingénieur avait une tâche à remplir et il tremblait à l’idée de désobéir à un individu comme Pipes.

"Hexus? J’ai un colis à vous remettre de la part de… celui que je suis allé voir."

Il espérait que ce soit suffisant. Même si il ne prenait pas Hexus pour un animal il l’avait entendu agir sous l’effet de la colère et de la douleur. Il était préférable de garder ses distances.

Un léger silence, très court, passa suite aux paroles de Léo. l'Altéré s'était tut, mais la douleur revenue lui arrachait de nouveau des plaintes.

- ...colis... f-faites la arrêter... je n'en peux plus... faites la partir...

Sa voix avait une touche braillarde presque déchirante. D'ailleurs, Léo put entendre du bruit, comme si le marchand se traînait, et le voir s'adosser contre son comptoir, sur le côté où il pouvait passer pour marcher dans la boutique. Son regard se planta sur Léo, et cette fois, il n'avait rien d'agressif: c'était quelque chose de suppliant qui brillait dans son regard, qui remplissait ses yeux injectés de sang de larmes.

- ...q-qu'est-ce que c'est...?

L’ingénieur se mit à genou près du marchand, s’efforçant de ne pas laisser transparaitre trop de pitié dans son regard. Il ôta le sac de son épaule et le fit glisser sur le sol jusqu’à son destinataire.

"Je l’ignore. Tout ce que je sais c’est que ça vous est adressé."

Le bon sens disait à Leo de se lever, tourner les talons et s’en aller… mais une part de curiosité, mêlée à l’empathie qu’il éprouvait pour Hexus le poussa à ne s’éloigner qu’un peu pour laisser plus d’air à ce dernier. L’ingénieur soupira, incertain.

"Est-ce que… est-ce que je peux faire quoi que ce soit pour vous aider?"

Il craignait la réponse de l’altéré, mais il lui aurait été très difficile de se regarder dans un miroir si il avait quitté sans au moins avoir offert son aide.

La présence de Léo ne sembla pas rendre l'Altéré agressif, au contraire: dans sa douleur intense, il semblait terrifié également. C'était la lueur de quelqu'un qui a peur de mourir qui brillait dans ses yeux. Il regarda donc Léo, tremblant, puis son attention descendit sur le sac qu'il lui glissait. Il ferma les yeux et se crispa quelques instants, tout en serrant les dents assez fort pour en faire saigner ses gencives, puis tendit une main tremblante vers le sac. Il l'approcha, l'ouvrit maladroitement et en sortit le contenu, ne semblant pas gêné de la présence de Léo. La chose qu'il y trouva le fit grogner, et il le laissa simplement tomber à terre, semblant frustré. C'était une seringue, avec capuchon, contenant un liquide bleu étrange et brillant.

La question de l'ingénieur attira tout de même son attention, et il tendit un bras pour agripper quelque chose. Il ramena le contenant de comprimé que Léo lui avait emmené plutôt et le lui tendit simplement. Quelques légères marques de griffes étaient visibles, mais la façon particulière dont le contenant s'ouvrait avait été de trop pour le pauvre marchand. Il avait donc été incapable de l'ouvrir. La douleur lui sapant ses forces, il n'avait pas non plus été capable de le briser. Dans tous les cas, les deux choses potentielles qui pouvaient calmer sa douleur se montraient inaccessible pour lui: le contenant était trop complexe à ouvrir dans son état, et il ne serait certainement pas capable de s'injecter quoique ce soit.

Il ne fallut pas longtemps au jeune homme pour comprendre et il tendit prestement la main pour retirer le couvercle du contenant. Ce n’étaient pas des comprimés très puissants aussi l’ingénieur fit-il glisser dans sa main deux fois la dose qu’on lui avait prescrite avant de la tendre à Hexus. Cela restait en dessous de la dose journalière à ne pas dépasser. Il sortit ensuite une bouteille d’eau de son sac, diablement froide à cause de la température mais encore liquide, qu’il tendit à l’altéré. L’ingénieur avait enfin l’impression d’être utile… il espérait seulement que les cachets feraient effet.

L'Altéré, toujours pris de douleur, ne le regarda pas faire. Il fixait le sol devant lui, ou alors fermait les yeux sous un élancement plus intense. Son attention revint sur l'ingénieur, par contre, en le voyant lui tendre les comprimés. Il les prit en tremblant, et avec une certaine difficulté, mais sembla avoir un élan de fierté et s'en occupa lui-même. Ce ne fut pas long que les comprimés disparurent derrière ses dents coupantes. Il ne prêta aucune attention à l'eau, par contre, ne semblant pas en avoir besoin. Dans son état, il devait avoir l'habitude de la médication.

Son regard retourna lentement sur la seringue, et il la regarda avec un air de défi. Son contenu mystérieux ne le semblait pas vraiment pour le marchand, qui semblait rageur à l'idée de se rabattre sur les traitements de Pipes.

- ...aides-moi... dans l'arrière boutique... j'ai un sofa... je ne peux pas marcher...
tu prendras l'objet que tu veux... dans la boutique... comme service rendu...

L'épuisement pesait sur le marchand, mais le repos lui sembla pourtant interdit. Il avait simplement hâte que tout finisse, visiblement. Dans tous les cas, son désir de confort était assez grand pour vouloir se débarrasser de l'un de ses trésors.

Leo hocha la tête encore une fois et se défit rapidement de son sac. Il s’approcha ensuite doucement d’Hexus, ne voulant pas être trop intrusif non plus.

"Si je dois faire attention à quelque chose en particulier vous me le dites. Je vais passer mon bras sous votre aisselle, autours de votre taille et vous aider à vous lever, d’accord? Vous pouvez soulager autant de poids que nécessaire sur moi. Agrippez-vous à mon manteau si jamais vous en sentez le besoins, n’ayez pas peur avec vos griffes. "

Leo joignit les gestes à la parole et souleva le marchand aussi doucement que ses muscles de recherchistes le lui permettaient. Il avait gardé son manteau par mesure de protection, juste pour s’assurer que son dos ne terminerait pas en charpie. Sa formation lui avait enseigné les bonnes méthodes de contention pour éviter d’accrocher quoi que ce soit de trop sensible sur son patient. Lentement, au rythme d’Hexus, le duo fit son bout de chemin vers l’arrière-boutique. Le jeune homme étendit délicatement l’altéré sur le sofa, faisant attention à ne pas faire de mouvements brusques. Une fois hexus bien installé, Leo repassa rapidement par le comptoir pour rapporter le paquet d’antidouleurs et la seringue de pipes, qu’il posa sur l’un des accoudoirs du sofa.

"Si jamais les douleurs reviennent vous pouvez prendre jusqu’à trois autres comprimés… au-delà ça risque d’amener des hallucinations ou de l’arythmie cardiaque. "

Leo se redressa et s’étira un peu. L’altéré n’était pas un poids plume et il était probable que le corps de l’ingénieur regrette toute cette opération demain. La nuit promettait d’être encore très longue aussi le jeune homme ne devait-il pas tarder.

"Je… avez-vous besoins d’autre chose avant que je parte?"

Laisser Hexus dans cet état ne lui plaisait guère… mais si il souffrait du même genre de mal qu’Ulrich il n’y avait pas grand-chose que Leo avait le pouvoir de faire.

- ...rien de particulier... juste me déplacer...

Léo passant à l'action, il put facilement remarquer le grognement que l'Altéré avait essayé de dissimuler. Chaque mouvement, même les simples, semblaient simplement infernal pour son corps. Ses griffes frôlèrent un peu l'ingénieur, mais il ne les planta nulle part pour se retenir. Plutôt, il suivait un rythme lent et précis, y allant entre ses élancements de douleur. Son corps était tremblant, et le jeune homme pouvait presque sentir les muscles du marchand se contracter au maximum, de temps en temps. Une fois installé sur le sofa, le marchand souffla un peu, semblant étourdi. Il mena une main sur son flanc, sous ses vêtements, et la ressorti couverte de sang. Dans un grondement agacé, il l'essuya sur les loques qui lui servaient de vêtement, puis écouta patiemment l'ingénieur.

- ...heh... je n'ai pas besoin de ça... pour halluciner des voix...

Le regard d'Hexus revint sur la seringue, qu'il contempla quelques instants, puis il la prit et essaya tant bien que mal d'enlever le capuchon. Une fois la chose faite, il observa l'aiguille et grimaça, voyant à quel point il tremblait.

- ...ça... sinon... vous reprendrez vos Gelds... Je ne veux pas... de compensation...
pour avoir dit des conneries sur ce connard...

Il toussa un peu, puis fixa l'ingénieur, l'air las. Il semblait vraiment vouloir se débarrasser de cette douleur au plus vite.

Les potentielles recherches du jeune ingénieur, de leur côté, purent mener à foule de découvertes assez intéressantes. Le marchand était connu pour son stock possiblement illégale, comme les armes le prouvaient, mais aussi ses curiosités qui semblaient venir d'un autre temps, ou parfois, de films d'horreur. Dans tous les cas, avec une attention assez posée et une intuition que des cachettes pouvaient exister... il put mettre la main sur des items assez croustillants.

Leo hocha lentement la tête. Un peu comme Pipes l’avait fait pour lui quelques heures auparavant, il prit son temps pour trouver une veine bien solide et injecter le précieux liquide à Hexus. Il avait fait très attention de ne pas le rater, se doutant qu’une dose de douleur supplémentaire n’allait pas être bon pour sa santé. Une fois la seringue vide l’ingénieur la redéposa sur le bras du fauteuil et quitta la pièce à reculons.

"Nous nous reverrons sans doute éventuellement… d’ici là prenez soins de vous Hexus. Au revoir."

C’était le mieux qu’il pouvait espérer faire. Maintenant il était grand temps de partir. Il sortit de l’arrière-boutique, récupéra son sac et fouilla dans la boutique à la recherche de quelque chose pour le service rendu. Il ne sentait pas la nécessité de se servir ainsi, mais quelque chose lui disait qu’Hexus tenait mordicus à payer ses dettes aussi était-il une mauvaise idée de repartir bredouille. En fouillant comme il faut à travers la boutique Leo rencontra quelques objets dignes d’intérêt. Une carte intriguante (Que Leo recopia aussi fidèlement qu'il le put dans son carnet de note), une arme encore plus particulière… Et un casque. L’arme tentait affreusement Leo mais il s’imaginait mal se trimballer dans les rues de Sicherheit, le régulateur sous le bras et une arme longue bien en évidence sous l’autre. Les défenseurs patrouillaient toujours malgré la température... Leo glissa donc rapidement le casque dans son sac (maintenant affreusement distendu), se promettant de revenir éventuellement pour acheter l’arme si jamais son salaire le lui permettait. Le jeune ingénieur passa ensuite la porte, maintenant chargé comme un dromadaire et se dirigea vers son appartement. La nuit était déjà bien avancée mais il n’aurait jamais le temps d’atteindre le quartier de l’agriculture avec ce chargement.

Hexus se laissa faire l'injection, sans broncher. Il observa quelques instants l'ingénieur, puis ferma les yeux, ne prêtant plus vraiment d'attention au jeune homme. D'ailleurs, il ne lui répondit rien, attendant simplement que la douleur parte.

À l'extérieur, le temps était toujours aussi mauvais. Le vent soufflait fort, la neige cachait la vue... les quelques flammes des lampadaires qui tenaient encore bon allaient sans aucun doute mourir sous les bourrasques trop fortes. On n'entendait rien, sinon le son omniprésent du vent qui siffle entre les bâtiments.

Rien n'arrêta Léo sur sa route. Quelques rares Défenseurs le saluèrent et l'observèrent, voulant s'assurer qu'il allait bien, sinon, la paix. L'ingénieur put donc se rendre chez lui sans encombres et y déposer ses choses pour voyager plus léger vers sa prochaine destination: le port.

Une fois la porte de son appartement ouverte, il fallut beaucoup de volonté au jeune ingénieur pour ne pas simplement s’affaler sur son lit et dormir jusqu’au surlendemain. Il lui fallait faire vite, aussi laissa-t-il simplement le régulateur et le casque sur son plan de travail. Il allait avoir un peu de démontage et beaucoup d’analyse à faire… mais demain. Il en profita pour attraper une paire de lunette de protection, qui lui permettrait au moins de ne pas être aveuglé par la neige et sortis à nouveau affronter le froid hivernal de Sicherheit.

Sa progression était lente, mais beaucoup moins qu’avec sa charge précédente. Au moins maintenant il n’avait besoins de se concentrer que sur ses pieds et sa respiration. Le poil de ses narines gelait déjà à cause de la température… mais il serra les dents et se mit en route. Leo connaissait bien son lieu de destination, c’était au moins ça : lorsqu’il habitait dans le secteur de l’agriculture il passait souvent l’après-midi à observer les bateaux amarrés au port, tentant de deviner simplement par leur forme quelle était leur fonction, ou encore à admirer la mécanique de la prodigieuse écluse reliant le fleuve et les canaux de sicherheit. Il ne resterait plus qu’à trouver le contact Une fois arrivé à destination (chose qui allait s’avérer relativement aisé vu la quantité de personne se baladant dans les rues par une température semblable).

De nouveau dans le froid, Léo se retrouva aussi dans la solitude. Pour une fois, les citoyens suivaient les recommandations de l'État et restaient chez eux. Personne n'était équipé contre un tel froid, sauf l'ingénieur en ce moment avec son manteau, et une sortie prolongée sous la neige aurait été fatale pour presque n'importe qui. Encore, il croisa quelques Défenseurs, mais sans plus. Les rues et chemins étaient déserts.

Le voyage fut assez long. Le vent soufflait encore plus fort par moment, menaçant presque de l'emporter. La neige tourbillonnait sur les routes, rendant la visibilité minime. Heureusement que Léo connaissait bien l'endroit et avait ses repères, parce qu'il se serait sans aucun doute perdu, advenant le contraire.

Il arriva finalement au port, suite à quelques heures de marche. L'endroit était désert. Les bateaux avaient été solidement amarré, mais quelques-uns s'étaient fait emportés par les forts vents. Probablement que les propriétaires, le lendemain, serait de mauvaise humeur devant cette malchance. Il n'y avait donc, à première vue, personne sur les quais, et encore moins sur le bord de l'eau. Une cabane pour entreposer les petites embarcations, par contre, était quasiment sur son chemin et serait propice à se tenir au chaud. Surtout, de la lumière filtrait par la fenêtre recouverte de neige.

Le port était magnifique dans cette température… mais également d’une tristesse sans nom. Voir ainsi les géants de bois et de métal être à la merci des éléments faisait pitié à voir, mais renouait un respect certain envers les forces naturelles et leurs capacités de destruction. Leo espérait que les éoliennes du quartier industriel tiennent bon, car uniquement avec cette nuit ils allaient avoir de quoi alimenter Sicherheit au grand complet pendant quelques jours. Il fallait bien que cette tempête aie des aspects positifs.

Leo observa un instant la cabane. Il n’y avait pas trente-six possibilités… sois son contact l’attendait dans le seul endroit potentiellement équipé pour l’attente dans un endroit pareil, soit il s’agissait d’un employé ou d’un propriétaire du port qui n’avait pas eu le temps de s’abriter chez eux avant la tempête. Dans les deux cas il ne courait pas grand risque et il devait se mettre à l’abri

Le froid mordait vicieusement et même avec le manteau de Pipes l’ingénieur était transit de froid. Encore une heure dehors, maximum, et Ulrich aurait comme nouveau venu dans son équipe un glaçon d’un mètre soixante-quinze. Le potentiel bloc de glace renifla donc un bon coup, s’avança et frappa vigoureusement à la porte.

"Oh! Il y a quelqu’un?"