Confronter ses démons (Pv Léo)

Léo n'eut pas de réponse immédiate quand il cogna. Le vent sifflait, et s'était la seule chose audible. Après une petite minute, par contre, la porte s'ouvrit, doucement malgré l'air qui tentait maintenant de violemment s’immiscer dans la cabane. Léo put donc entrer dans cet abris temporaire.

En entrant, il ne vit pourtant personne. La porte se referma derrière lui, encore malgré le vent, et une haute silhouette, noire, s'y adossa. Était-ce là Artémis...? La personne devant lui était très semblable à la scavenger, mais pourtant, ce n'était pas le cas. Où elle avait des traits humains, cette chose n'en avait pas. Les plaques de chitine cachaient l'intégralité de son corps, et ses vêtements chauds également. D'ailleurs, la personne portait un foulard lui cachant le visage. On voyait tout de même ses yeux mauves et sauvages. Sa queue, elle, se balançait lentement sur le sol et le griffait légèrement.

- Mot de passe?

La voix avait un timbre étrange, mais masculin. On aurait dit que sa voix grattait quand il parlait, lui donnant une sonorité singulière. Surtout, il semblait légèrement hostile et fixait Léo comme on fixe une proie.

Leo entra doucement dans la cabane et observa attentivement son interlocuteur. S’il fut surprit un instant par son apparence, son visage gelé par le froid extérieur l’empêcha de le montrer. Avant de poser la moindre question, il était évident qu’ils avaient un point à régler. L’ingénieur sortit donc la lettre de son sac et la tendit à l’altéré.

"Scorpion"

C’était la seule possibilité. Pipes n’aurait pas omis ce détails juste pour voir comment l’ingénieur s’en sortirait après tout… n’est-ce pas? Leo attendit donc, un bras tendu pour présenter la lettre, l'autre bien proche de sa ceinture.

La chose devant lui sembla se détendre légèrement, même se redresser un peu alors qu'il entendait le "Scorpion". Vraisemblablement, c'était le bon mot de passe. Il tendit également un bras pour saisir la lettre, entre des griffes probablement très coupantes, puis s'adossa de nouveau contre la porte. Il empêchait le vent de l'ouvrir de son simple poids, semblerait.

- Réchauffez-vous. On ne s'est jamais vu. Clair?

Le contact renifla l'air, tranquillement, puis eut un soupir en regardant la fenêtre. Dehors, la tempête semblait s'être empiré. L'Altéré ne bougea donc pas, comme s'il voulait empêcher Léo de se lancer à sa perte dans cette tempête. Peut-être attendait-il de se réchauffer lui-même?

Leo haussa les épaules

"Vous ne me paraissez pas être le genre de personne que je serais en mesure de voir à moins que vous ne me laissiez volontairement le faire… Mais oui, ça va de soi."

L’ingénieur se rapprocha du petit feu qui brûlait dans un coin de la cabane. Il tendit ses mains, essayant de faire revenir un minimum de chaleur dans ses extrémités. Malgré l’apparence menaçante de l’altéré il ne montrait, fidèle à son habitude, aucune crainte. Le vent qui s’intensifiait au dehors n’annonçait rien de bon, par contre… le périple jusqu’ici avait déjà été assez difficile, cela n’augurait rien de bon pour le retour jusque dans le quartier des sciences. Il allait probablement devoir passer la nuit dans le quartier de l’agriculture… que ça lui plaise ou non.

"Vous savez à qui appartiens cette cabane? Je ne crois pas être en mesure d’affronter la tempête encore bien longtemps…"

L’ingénieur toussa un bon coup, comme pour ponctuer ses paroles. Il n’avait nullement envie de dormir au beau milieu du port avec un altéré inconnu… mais son seul espoir était que la tempête se calme, ce qui ne semblait pas le scénario le plus probable.

L'altéré reste là, les bras croisés. Il n'ouvrit pas la lettre, se contentant de la ranger dans une sac, à sa ceinture. Il n'eut aucune réponse aux premières paroles de Léo, mais l'observa en silence. Lui se tenait loin des flammes, préférant vraisemblablement empêcher la porte de s'ouvrir. Sa queue s'agitait encore doucement, de gauche à droite, et sa pointe grattait le sol de bois.

- Je l'ignore et je ne resterai pas dans le coin pour le savoir. Il y a des habitations au Nord, qui pourraient vous héberger. Sinon, un avant-poste à l'Ouest.

Le regard sauvage de l'Altéré retourna sur la fenêtre. Il eut un grognement agacé, puis se redressa de nouveau. Du moment qu'il le fit, la porte s'ouvrit légèrement, faisant entrer une bourrasque de vent dans la petite cabane. L'homme la retint légèrement, jeta un oeil à Léo encore, puis sortit.

Sans maintenant le poids pour la bloquer, la porte s'ouvrit totalement dans un claquement et l'air froid s'engouffra dans la cabane. La chaleur du feu était relative, maintenant. Quelques objets, tel une chaise, pourraient bloquer la porte, mais la chose fonctionnerait-elle jusqu'au lendemain? C'était un risque à prendre... ou alors, il devrait retourner braver le blizzard.

À la sortie de l’altéré le scientifique cala la chaise contre la porte afin d’essayer de l’empêcher de s’ouvrir au vent. Il devait rester encore un peu pour se réchauffer aussi était-il judicieux de prendre ce temps pour réfléchir.

Les habitations étaient une mauvaise idée… un inconnu qui habite dans le secteur des sciences et qui se retrouve dans un quartier résidentiel du secteur agricole par un temps pareil éveillerait beaucoup de questions et Leo était un piètre menteur. L’avant-poste était aussi une idée d’une sécurité très relative : les défenseurs allaient être à même de vérifier son identité et faire une excuse allait être très difficile. Artemis habitait trop loin pour qu’il puisse demander asile également… Donc il ne lui restait que deux option viables : attendre dans la cabane que les conditions soient plus propices, ou braver la tempête et l’obscurité pour rentrer chez lui.

La sagesse l’emporta sur le besoins de confort, malgré la sécurité toute relative de l’abri. Leo sécurisa donc la porte avec ce qu’il put trouver, ajouta du combustible dans le petit foyer et s’assit confortablement en regardant par la fenêtre. S’endormir était risqué aussi tourna-t-il son esprit en mode analyse pour combattre la fatigue. Au moins le temps de voir si la tempête allait se calmer.

Point par point le mélange de cybernétique et d’altération semblait être un point tournant dans le secteur des sciences. L’expérience n’était pas encore au point il y a quelques années, mais certains scientifique moins prudents ou moins éthiques que Stein s’étaient peut-être penchés sur le dossier… était-ce que Sokolov poursuivait? Était-ce la raison pour laquelle il était dangereux? Tous ces problèmes reliés au cyborgs étaient-ils reliés d’une manière ou d’une autre? Leo allait devoir faire ses recherches sur le personnage, en espérant que ce soit une figure assez connue dans l’académie. Ensuite, l’élu du secteur des sciences. Leo pouvait lui faire confiance et devait surtout le supporter du mieux qu’il le pouvait. C’était lui qui était en mesure de contrôler ce qui était recherché dans le secteur… lui qui dictait quelles recherches étaient immorales ou dangereuses. Lui qui avait le pouvoir d’y mettre fin si jamais les choses tournaient mal. À voir tout ce qui se tramait en terme de progrès et d’expérimentation ce rôle risquait d’être hautement sollicité très bientôt. Après il y avait la question des groupes au pouvoir… les élus partageaient manifestement leur pouvoir avec des gens ou des organisations pourvus d’agenda bien précis. Qui étaient les Archivistes? Manifestement cette question allait rester sans réponse encore très longtemps, mais Stein y était relié non? Leo doutait qu’il accepte de partager son savoir à ce sujet… a moins d’avoir une très bonne raison de le faire.



Leo sentait quelques une des pièces du casse-tête se mettre en place, et bien que des vides titanesques soient encore présents il avait une idée plus précise des engrenages dans lesquels il risquait de mettre les doigts s’il n’était pas prudent. Toute cela était bien plus gros que ce qu’un simple ingénieur était en mesure de gérer… mais qu’il le veuille ou non il était maintenant une pièce intégrante de cette histoire : l’un des membres de l’équipe de stein… et accessoirement l’un des contacts de Pipes.

L’ingénieur soupira et regarda par la fenêtre afin de voir comment la température évoluait.

La chaise bloqua relativement bien la porte, assez que le vent n'entrait que très peu, mais tout de même un minimum. Au moins, le feu ne risquait pas de s'éteindre sous les violentes bourrasques de vent de cette manière. L'extérieur était totalement sombre, ce qui donnait l'impression que Léo était seul au monde, avec ses réflexions. Le crépitement du feu et le son du vent meublaient le silence de manière plus ou moins rassurante. Avec de la chance, tout se calmerait, et ce ne serait qu'un souvenir le lendemain.

Il devait être dans les alentours de cinq heures le matin quand Léo se fit tiré de ses réflexions par un bruit. C'était visiblement quelque chose qui venait de percuter le flanc de la cabane, dans un fracas assez bruyant pour qu'il l'entende. Un petit moment de silence suivit ensuite. Peut-être n'était-ce qu'un baril qui s'était fait transporté par le vent? Ou autre chose, qui avait été victime de ce sort? Un genre de grattement se fit entendre, quelques fois, confirmant pourtant le contraire: quelque chose se trouvait dehors. Un animal? Peut-être? Quelqu'un? Peu probable. Dans tous les cas, les sons, de grattement toujours et même des petits coups, continuaient.

Sans lui causer une crise cardiaque, le bruit fut tout de même assez pour faire sursauter l’ingénieur. Si il espérait être subtil c’était raté maintenant… Il resta un bref moment à écouter et lorsqu’il entendit que les grattements continuaient, décida d’aller voir ce qui venait de se passer. Si c’était un être vivant il ne pouvait simplement pas l’abandonner dans cette température et si c’était simplement un objet que le vent avait déplacé mieux valait s’assurer qu’il n’ait pas causé de dégâts à son abri de fortune.

L’ingénieur resserra donc son manteau autours de ses épaules et ouvrit la porte, regardant autours de l’entrée avant de sortir pour voir ce qui s’était passé à l’extérieur.

Selon les sons, Léo put conclure que la chose avait frappé le côté de la bâtisse. Rien ne se trouvait devant la porte, sinon la neige. La visibilité dehors était extrêmement mauvaise, assez qu'on ne voyait pas à deux mètres.

En faisant le tour, Léo put rapidement trouver la cause du bruit. Une silhouette, là, qui s'était recroquevillé contre le flanc de la cabane. La personne semblait congelée et, surtout, à bout de force, à première vue. En s'approchant, l'ingénieur put remarquer une armure, en premier. Puis, un flash de lumière, formant quelques dessins lumineux sous l'armure, qui repartirent tout aussi rapidement. La mémoire photogénique de Léo retrouva rapidement d'où il avait vu cette chose: c'était sans aucun doute la même qui avait essayé de lui arracher son sac, quelques semaines plus tôt.

L’ingénieur fit une pause, l’air interdit malgré le froid lui fouettant le visage. Il s’était attendu à beaucoup de choses… mais pas à ça. Que devait-il faire? L’aider bien sûr, mais après? Lors de sa dernière rencontre « l’autre » n’avait pas paru agressif. Mais était-ce une règle absolue?

Un souffle de vent particulièrement puissant le ramena à l’instant présent. Il se ferait un plan d’action plus tard. Pour le moment le/la pauvre était en train de geler à ses pieds. Inutile de parler ou de demander l’avis, il était très peu probable qu’il l’entende ou aie la force de répondre. Agrippant ce qui semblaient être les points forts de l’armure, le jeune homme souleva la créature et la traina aussi doucement qu’il le put à l’intérieur de la cabane. Là il l’installa près (mais pas trop) du feu et alla refermer la porte aussi fermement qu’il le put. Contrairement à l’altéré de tout à l’heure il ne s’appuya pas pour couper une retraite potentielle… si l’inconnu voulait sortir à nouveau il voulait lui laisser cette possibilité, histoire qu’il/elle ne se sente pas menacé.

Leo hésita un moment, puis après considération, s’approcha de son invité surprise. L’armure semblait métalique, ce qui ne devait pas aider avec la température… Vu les chances qu’il soit en hypothermie, mieux valait agir et vite. S’aidant au maximum des outils qu’il put trouver dans la cabane, l’ingénieur retira donc morceau par morceau les pièces métalliques de l’armure mieux valait permettre une exposition à la chaleur aussi directe que possible. C’était dans un but de premier soins qu’il le faisait aussi refréna-t-il sa curiosité le temps que l’opération soit terminée. Une fois l’habit protecteur retiré, le jeune homme ôta son manteau (réchauffé par la chaleur de son corps) et le passa autours des épaules de l’inconnu. Il hésita un peu, puis sortis sa trousse de premiers soins de son sac pour la déposer à côté des pièces d’armure soigneusement empilées. A défaut de comprendre sa langue, peut-être qu’il/elle comprendrait ainsi qu’il ne lui voulait aucun mal.

Le pire était fait. Maintenant Leo s’attarda à masser délicatement les extrémités (mains et pieds) afin de stimuler la circulation et les réchauffer délicatement avec la chaleur de ses mains. Il en profita pour observer plus en détails ce qui se trouvait en face de lui.

"T’as une sacré chance d’être tombée sur moi. Je m’appelle Leo. "

Il se pointa en répétant son nom. Il doutait de l’état de conscience de son interlocuteur, mais Il aurait été étrange de ne rien dire du tout.

L'inconnu, maintenant identifié de la sorte, resta en boule contre la cabane, jusqu'à ce que Léo le traîne. Là, il sembla résister minimement, plus dans un élan de confusion qu'une quelconque agressivité, mais suivit tout de même. La chose, qui mesurait tout de même dans les 7 pieds, était relativement lourde, mais voyant qu'on le traînait, et non qu'on le secouait, elle semblait s'être mis à suivre mollement. Dans tous les cas, cela empêcha Léo d'avoir à tirer l'entièreté de son poids.

Une fois dans la cabane, la chose se laissa installer près du feu. Elle eut le réflexe de se remettre en position fœtale, comme pour se réchauffer. Dans tout ça, elle semblait épuisée, voir assez confuse pour ne pas parler. Également, pour se laisser enlever son armure, morceau par morceau. Malgré tout, sentant du poids se retirer de son corps, l'Inconnu s'agita un peu, mais se calma bien vite en sentant la chaleur.

Sous l'étrange armure, infiniment complexe et d'un cachet très étrange, l'Inconnu portait une combinaison intégrale qui semblait assez mince. Le matériel n'avait pas l'air d'être propice à retenir la chaleur, ce qui expliquait pourquoi la chose semblait autant affectée par le froid. Partant d'entre ses pectoraux, puis remontant jusqu'au nez, un genre de filtreur remplaçait la combinaison. Sur son visage, on pouvait voir un viseur, qui était lui rattaché à la combinaison couvrant la tête. Le filtreur était un peu encombré par l'humidité de la respiration de l'Inconnu, formant une certaine accumulation.

Le corps, lui, était totalement étrange aux yeux de Léo. Les mains, composées de quatre doigts, avaient plutôt deux pouces chacune, les deux aux opposés de la main. La cage thoracique semblait continuer au niveau de l'abdomen, même jusqu'aux hanches. Au niveau de l'abdomen, par contre, se trouvait un espace entre les côtes, laissant un point faible évitant sur le devant de son corps. Les pieds ne semblaient pas avoir d'orteils, eux. L'inconnu était svelte, en somme, mais aussi très musculeux, comme s'il était en parfaite forme physique.Selon les apparences, c'était vraisemblablement un mâle, même si la région génitale semblait déserte de tout organe. Les mains et pieds semblaient gelés, mais avec les vêtements, on ne pouvait pas voir s'il étaient victimes d'engelure.

La chose resta donc tranquille, les premières minutes. Le froid l'avait comme figé, et la chaleur qui la reprenait lentement le faisait de nouveau bouger un peu. Son premier réflexe fut de se redresser lentement, en toussotant... puis de reculer brusquement en semblant finalement voir Léo. La chose sentait l'air, on pouvait l'entendre, et semblait infiniment nerveuse. Pourtant, elle ne se sauvait pas, se contentant d'observer l'ingénieur.

Leo se recula calmement lorsque l’inconnu sembla reprendre conscience, lui laissant son espace vital. Ainsi adossé au mur opposé de la cabane, l’ingénieur de contenta de s’asseoir en indien et de montrer ses mains, vides.

"Ne t’inquiète pas je ne te veux pas de mal. On est coincé ici tous les deux de toute façon."

Il sourit et reposa lentement ses mains sur ses cuisses. L’idée n’était pas de le prendre pour un imbécile plus que de rendre évident ses intentions. Il rapprocha son sac et en sortis la barre tendre qu’il avait trainé avec lui. Après avoir ouvert l’emballage il en prit un morceau et le mangea sous les yeux de l’inconnu avant de poser le reste au sol, a portée de son invité. Il fit de même avec sa bouteille d’eau. Il était en train de faire ce qui était peut-être le premier contact paisible et prolongé entre leurs deux espèces… mieux valait ne pas rater son coup. Se pointa encore une fois.

"Leo"

Il tendit ensuite la main vers son interlocuteur, afin de l'inviter a se présenter.

L'inconnu resta immobile, à le fixer, la respiration rapide. On avait vraiment l'impression qu'il reniflait l'air comme un animal, comme s'il cherchait à identifier quelque chose. Dans tous les cas, son regard épiait le moindre mouvement de Léo, et il le vit donc faire l'intégralité de ceux-ci. Sous les différents signes, il sembla se détendre un peu et prendre une position plus détendue.

De ses mains, il alla masser ses pieds, lentement, regardant toujours Léo. Il ne disait rien, encore, mais on pouvait deviner qu'il avait observer légèrement ce que Léo lui tendait. La nourriture ne sembla pas vraiment l'intéresser, mais son attention passa souvent de l'ingénieur à la bouteille d'eau. il ne la pris pas pour autant, restant loin. Plutôt, il observa la présentation de l'humain en silence, puis baissa la tête.

Pour la première fois, Léo entendit sa voix. Plutôt, ses voix. Il en avait trois, qui produisaient les sons en même temps, mais ne faisaient pas les mêmes. une grave, une normale et une aiguë se mélangeaient pour créer un genre de chant, délicat et presque envoûtant. Après encore quelques chants, qui se voulaient des paroles dans sa langue, quelques mots en ressortirent, semblant plus précis. Surtout, compréhensibles, ceux-là: Zold'mahr. L'Inconnu mena une main à sa poitrine en disant le mot, puis retira les gants de sa combinaison pour se frotter les mains. On voyait une peau bleuté, entre royale et bleu poudre, dessous, mais aussi les marques évidentes d'engelures sur le bout de ses doigts.

Leo hocha doucement la tête, heureux de voir qu’un semblant de communication s’établissait entre eux. En bon scientifique par contre, quelque chose chatouillait l’esprit de l’ingénieur et après quelques instants il ne put se retenir d’avantage. Toujours avec des mouvements lents et calculés, il sortit son carnet de note et un crayon et commença à esquisser l’inconnu qui se tenait face à lui. C’était la première fois, du moins le croyait Leo, qu’on en voyait un sans sa combinaison. Mieux valait profiter de l’occasion. Tout en traçant ses lignes Leo tenta, avec des gestes, de faire comprendre qu’il avait retiré l’armure à cause du froid. Il était loin d’être mime, mais il prenait son temps. Il attira en même temps son attention sur la trousse de premiers soins, tendant les deux mains vers l’inconnu pour signifier qu’il s’agissait d’un cadeau. Les engelures n’étaient pas fréquentes dans l’état aussi sa trousse ne comportait-elle rien pour les soigner… mais c’était mieux que rien.

Leo observa son travail un instant, se retenant de mettre la moindre annotation en présence de son invité. Il retoucha un trait ou deux avant de tourner son carnet afin qu’il puisse voir ce qu’il avait été occupé à faire ces dernières minutes. C’était en même temps une manière de valider avec lui qu’il avait la permission d’emmener avec lui ce dessin.

Après tout, si l’inconnu voulait rester ainsi aux yeux des membres de l’état mieux valait respecter son souhait.

L'Inconnu continua de masser ses extrémités, lentement. Il y mettait beaucoup d'attention, ne voulant visiblement pas se faire mal. Il n'avait rien enlevé d'autre que ses gants, mais dans les faits, ce qu'il portait en ce moment était tellement ajusté qu'on pouvait deviner sans problème le corps dessous.

Son attention revint vers Léo l'espace de quelques instants, alors qu'il lui montrait la trousse. Il s'en saisit, lentement, et se mit à la sentir, l'approchant de son visage. Il ne l'examinait pas à proprement parlé, le faisant de loin et sans l'ouvrir, mais dans tous les cas, son contenu sembla être satisfaisant. La trousse se fit donc placé près de l'armure démontée, pour laquelle il ne donna que très peu d'attention, et il se remit à son massage de doigts.

L'ingénieur bougeant encore, son attention revint sur lui. Cette fois, il cessa ce qu'il faisait et approcha un peu, puis fixa le dessin longuement. Quelques lignes lumineuses refirent leur apparition sous ses vêtements, formant une fresque complexe, mais douces, et ses yeux en cibles brillèrent également. Son regard passa du dessin à l'humain, puis au dessin, pour finalement fixer Léo, longuement.

Leo prit quelques instants pour essayer de décrypter ce que sa nouvelle connaissance essayait d’exprimer. Était-ce simplement de l’incompréhension ou de la réprobation? Rien dans le langage corporel de Zold’mahr ne semblait agressif… L’ingénieur soupira, continuant d’accentuer certains traits de crayon avec une certaine lassitude.

"Si seulement nous parlions la même langue… Simplement à voir votre armure il y a tellement de choses que nous pourrions apprendre. Vous avez visiblement besoins d’aide aussi…Ton… ton peuple est en danger?"

Leo parlait plus pour lui-même qu’autre chose. Ils ne réussiraient jamais à se comprendre de cette façon. Pas en une soirée du moins. Une fois satisfait du dessin, il traça sur le haut de la feuille le nom de son invité, du moins ce qu’il en avait retenu phonétiquement parlant. Leo referma doucement le carnet et s’apprêtait à le ranger dans son sac… lorsque soudain une idée lui traversa l’esprit. Il tourna rapidement vers une nouvelle page et se mit à tracer avec autant de détails que possible la carte des alentours de Sicherheit. Il compléta autant qu’il le put avec ce qu’il se rappelait de la carte qu’il avait recopiée chez Hexus. Leo se pointa d’abord, avant de faire une petite croix à l’endroit où se trouvait Sicherheit.

"Je… nous sommes ici. J’habite ici. D’où viens-tu?"

Il avait ponctué d’autant de gestes clairs et concis possibles sa question. Le jeune homme pointa Zold’mahr et lui tendit le crayon, espérant qu’il comprendrait où il voulait en venir.

Bien entendu, l'Inconnu ne sembla pas comprendre grand chose de son monologue. Il se contentait de le regarder faire et de se réchauffer alors que le vent sifflait toujours par les interstices de la cabane. Il suivait donc distraitement les mouvements de l'ingénieur, continuant de se frotter de son côté. Même, il remit ses gants, un à un, mais eu un sursaut en voyant la nouvelle agitation de son compagnon d'abris. D'ailleurs, cette nouvelle inspiration le fit se dresser un peu, et il sembla marmonner quelques chose dans sa langue chantante, avant de finalement regarder le résultat, pas sans se braquer un peu.

Zold'mahr observa attentivement l'humain, dans tous ses gestes et ses démonstrations. Se faisant finalement le crayon, il ne sembla pas confus, ni effrayé. Plutôt... hésitant? Il fixait le crayon en jouant avec ses doigts, nerveusement. D'autres marmonnements se firent entendre, suivis d'un soupir, puis il prit finalement la crayon. Son observation ne se termina pas là, par contre: il fixa longuement la carte avant d'y faire une marque... suivi d'autres. L'une se trouvait dans le secteur des habitations, trois autres à l'extérieur des murs, au Nord-Est. Finalement, d'autres marques les rejoignirent, mais différentes celles-là. L'une ressemblait à un animal avec des piques, une autre à un genre de campement, et une dernière à une longue trace étrange.

Son travail fini, l'inconnu tendit de nouveau le crayon à Léo, tout en penchant la tête de côté, un peu à la manière d'un enfant qui demande s'il a bien fait.

L’ingénieur avait observé son « interlocuteur » en retenant son souffle. Il comprenait parfaitement son hésitation et n’aurait pas insisté si Zold’mahr avait refusé de lui divulguer cette information. Ce qu’il avait devant lui était pour le moins intriguant… étaient-ils pourchassés? Ou avaient-ils habité parmi eux pendant tout ce temps sans que personne en ai connaissance? La première hypothèse semblait beaucoup plus probable. Leo sourit et hocha la tête. Il joignit les mains et s’inclina légèrement, heureux qu’ils arrivent tout de même à se comprendre un minimum.

"Merci Zo… zold’mahrr."

Leo se frotta ensuite le menton. Il avait encore tant de questions. La plus pressante serait sans doute celle qui rassurerait l’inconnu le plus. Aussi Leo pointa-t-il la trousse de premier soin, puis quelques-unes des marques que son invité avait tracées sur la carte.

"Quel « campement » a besoins d’aide? "

Le doigt de l’ingénieur s’arrêta un instant sur l’esquisse de l’animal a pointe… Ulrich avait mentionné une nouvelle créature, qui s’était montrée extrêmement dangereuse. La découverte de cet animal et l’apparition des inconnus étaient-ils reliés? L’ingénieur pointa ensuite la trousse, puis l’animal.

"Ce sont eux qui vous obligent à chercher de l’aide?"

Encore une fois Leo tentait de rendre ses gestes les plus simples et clairs possibles. Il fallait qu’il soit évident que chaque geste voulait dire quelque chose.

Zold'mahr inclina également la tête en réponse au mouvement de Léo. Il semblait le connaître, celui-là, et savoir que c'était une forme de remerciement. Il resta silencieux ensuite, par contre, mais continua de l'observer. Comprendre ce que l'ingénieur voulait dire lui sembla difficile, cette fois, mais il sembla finalement trouver. D'un doigt, il tapota la croix qui se trouvait presque sur le bord des murs, mais à l'extérieur.

Vint ensuite la question de leur "attaquant", et cette fois, il sembla totalement confus. Il ne répondit donc pas, se contentant de le fixer... mais s'étira et eut une profonde inspiration. La nuit semblait avoir été longue pour lui aussi, et le pauvre était épuisé. Il se roula donc en boule, près du feu, mais sans prendre toute la place, puis se remis à fixer l'ingénieur.

Leo hocha doucement la tête, comprenant qu’il n’allait bien évidemment pas avoir de réponses à toutes ses questions ce soir. Il était déjà l’un des habitants les plus privilégiés de l’état d’avoir été en mesure d’acquérir ces informations. Cela allait devoir suffire pour le moment.

L’ingénieur prit l’une des buches restantes (la plus grosse, qu’il avait gardée pour l’occasion) et la déposa dans le foyer. Il doutait très fortement de pouvoir trouver le sommeil après tout ceci, mais son corps était exténué et allait probablement le trahir qu’il le veuille ou non. Il s’étendit donc à distance respectueuse de Zold’mahr et tenta de remettre son esprit au ralentis. La chaleur était encore relative dans le petit abri, mais au moins ils ne mourraient pas de froid cette nuit. Il consulta sa montre, et calcula qu’il restait encore une heure ou deux avant l’aube. Après cela ils allaient devoir quitter l’appentis ou courir le risque de devoir répondre à beaucoup de questions.

Imitant son hôte Leo tenta donc de se relaxer, espérant que le sommeil l’emporte pour une heure ou deux. Allait-il y parvenir?

L'inconnu resta en petite boule sur le sol, cherchant à garder sa chaleur malgré le froid qui entrair toujours dans la cabane. Il ne semblait pas dérangé par l'état de son armure, pour laquelle il n'avait eu aucune attention. Il était simplement là, à se réchauffer et à attendre que la tempête se calme.

Les prières des deux occupants de la cabane se firent entendre, et une petite heure plus tard, le vent se calma. Il neigeait toujours, mais les bourrasques de vent glaciales s'étaient envolées. C'est d'ailleurs au même moment qu'un bruit se fit entendre, au loin. Était-ce quelqu'un qui criait? Zold'mahr se redressa un peu, incertain et visiblement nerveux. Puis, le cri se dit entendre de nouveau... et sembla dire le nom de l'inconnu. Celui-ci bondit sur ses pieds, et écoura attentivement. Les lignes lumineuses que Léo avait vues apparurent de nouveau, assez brillante pour qu'on les voit malgré la combinaison, et un genre d'odeur sucrée se fit sentir. Peu importe ce que l'Inconnu faisait en ce moment, Léo pouvait le sentir: si l'humain avait encore de la fatigue, elle venait de s'envoler, remplacée par une dose de semi euphorie.

Quelques minutes à peine plus tard, on entendait des pas lourds dans la neige, près de leur cabane.

Leo avait dormir sporadiquement, n’enchainant guère plus qu’une sieste sans que son corps ne l’oblige à tendre l’oreille ou à s’assurer que tout allait bien. Son esprit ne serait pas reposé, mais au moins son corps allait-il être en mesure de faire le chemin jusque chez lui dès que la température allait le permettre. Leo repensait lentement au casque qu’il devait examiner et aux révélations de Pipes quand il entendit le cri. Sa fatigue envolée tout d’un coup, Leo se releva presqu’en même temps que Zold’mahr, la main fermement fixée sur le tube métallique qui pendait à sa ceinture. Quelle était cette odeur? Un genre de phéromone ou une substance artificielle? Dans tous les cas les effets étaient prodigieux.

Peu importe ce qui se passait, la réaction de l’inconnu n’était pas rassurante… Il n’aurait pas réagi ainsi s’il s’agissait d’une équipe de sauvetage. Était-il pourchassé? Ou était-il simplement nerveux d’être surpris en compagnie d’un humain? Dans tous les cas l’ingénieur sentait qu’il allait se retrouver dans une situation délicate. Devait-il faire confiance en son hôte? Ou prendre les choses en mains?

Les pas étaient maintenant trop près de la cabane pour qu’il puisse espérer s’enfuir sans être vu. Leo n’était pas un coureur et ses chances d’échapper à ses éventuels poursuivants étaient minces. Se battre ou se rendre… dans les deux cas mieux valait observer et attendre la suite des choses. Si ils cherchaient à défoncer la porte l’ingénieur serait fixé bien assez tôt. Il regarda Zold’mahr avec insistance, attendant un signe quelconque de sa part sur la manière d’agir.

Les pas dans la neige étaiet effectivement près. La personne qui les faisaient était assez lourde pour qu'on entende ses déplacements. Ce pouvait être n'importe qui, ami ou ennemi. Dans tous les cas, la personne ne passa pas près de la fenêtre. Elle sembla aller directement à la porte avant.

Zold'mahr, de son côté, sembla se détendre. Il jeta un petit regard à Léo, puis lui fit signe de ne pas bouger. Lentement, il se rendit à la porte, bougea la chaise, puis l'ouvrit très lentement. Il sembla parler un peu ensuite, dans sa langue si musicale et étrange, puis un autre trio de voix, plus graves celles-là, lui répondirent. L'Inconnu revint alors dans la cabane, ignorant totalement l'humain, mais fut suivit d'une imposante personne en armure exotique. Celui-là faisait dans les 9 pieds de grand et était très large, mais semblait tout en muscle, comme son compatriote. Comme de fait, le deuxième Inconnu suivit le premier, et Zold'mahr lui montra la trousse, désigna Léo, puis sembla parler de son armure et du feu. Quelques paroles s'échangèrent, et finalement, le mastodonte se tourna vers Léo, d'une manière silencieuse, mais douce.

- Merci de lui avoir porté secours. Il n'aurait pas survécu dans le froid.

Malgré un accent très marqué, celui-là parlait indéniablement la langue de l'ingénieur.

Leo resta presque parfaitement immobile tout au long de la scène. Sa main ne quittait pas son fouet rétractable, même s’il s’était légèrement détendu en voyant son invité faire de même. À l’entrée du second inconnu dans la cabane toute trace de combativité s’était envolé de Leo. Non seulement Zold’mahr semblait bien connaitre le nouveau venu, mais le fouet de Leo lui apparaissait soudainement comme un vulgaire jouet face à un mastodonte pareil.

Lorsqu’on s’adressa à lui dans sa langue, l’ingénieur ne put retenir sa mâchoire, qui tomba de surprise.

"Je… euh… deuuuh…hum… rien… euh je veux dire… euh…"

Leo eut un petit rire nerveux et se frotta l’arrière de la tête afin d’essayer de reprendre constance. La situation lui semblait si irréelle… où était-ce ce que Zold’mahr lui avait fait inhaler? Toujours est-il qu’il reprit pieds plus facilement que d’habitude.

"Ce n’est rien… n’importe qui aurait fait pareil. "

Leo soupira. Ce n’était pas vrai et il en avait parfaitement conscience. Mais mieux valait ne pas inquiéter les inconnus pour rien. Il n’aurait jamais pu laisser à lui-même quelqu’un ayant besoins d’aide. Même si ce quelqu’un appartenait à une race dont il ne connaissait absolument rien. L’esprit de l’ingénieur s’activa à nouveau. Il ne pouvait pas laisser passer une occasion pareille maintenant que la communication était possible.

"Si je puis me permettre… Qu'est-ce que vous faites ici par ce temps? et pourquoi avez-vous besoins de trousses de premiers soins? Je veux dire… je travaille dans le complexe scientifique, j’ai une formation de médicale. Si vous avez des blessés je peux aider. "

Leo voyait mal l’inconnu accepter son offre, mais il tenait à proposer son aide. Pour montrer Sicherheit sous un jour favorable à cette race probablement fort méfiante? Par curiosité scientifique? Par pur altruisme? Le jeune homme ne le savait pas lui-même.

Zold'mahr laissa la discussion aux deux qui étaient capable de communiquer. De son côté, il s'appliquait à remettre son armure, morceau par morceau. Il connaissait parfaitement son équipement, et c'était visible: il plaçait tous les morceaux au bon endroit, dans le bon ordre. Ce qui était étrange, par cotre, c'était le métal qui, comme activé par les lignes lumineuses de l'Inconnu, se repliait dans les bons angles. Sous les doigts de Léo, il avait parrut totalement rigide et peu malléable, pourtant...

Le deuxième inconnu observait l'humain tranquillement alors qu'il parlait. Il semblait calme, patient même, et peu pressé. Il écouta tranquillement l'ingénieur, puis eut un soupir, ne l'interrompant jamais dans ses paroles.

- Je sais de quoi les humains sont capables, et je sais que certains nous tueraient à vue s'ils nous voyaient. Mais je sais aussi que certains des vôtres sont altruistes et qu'ils veulent aider. Alors pardonnez moi si je ne vous crois pas quand vous dites que tout le monde aurait fait de même.

Son attention se tourna vers son comparse et il lui donna un coup de main pour les plaques dorsales de l'armure.

- Zold'mahr ci-présent manquait à l'appel. Je suis parti à sa recherche. Nous avons effectivement des blessés, mais aussi un soigneur. Simplement pas le matériel. Pour ce qui est de votre aide...

Il eut un autre soupir, puis tapota l'épaule de Zold'mahr.

- À quel point puis-je vous faire confiance?